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Poète sans portrait, disparu, on ne sait quand et on ne sait où, François Villon est depuis le XVème siècle considéré comme un des plus grands de nos poètes.

Loin de la vision romantique que l'on se fait de lui – un poète maudit, un moderne en avance sur son temps et son époque -, les historiens-biographes ont établi que Villon fut en même temps un délinquant notoire, un voleur emprisonné, un meurtrier condamné à mort puis relaxé, un fugitif, un souteneur, etc. qu'un caractère provocateur et cynique mena jusqu'à sa disparition en 1463. Il n'avait que 32 ans.

L'homme ne manquait cependant pas de qualités. de famille modeste, il devint étudiant à la Sorbonne et fréquenta à la même époque les milieux culturels de Paris. Il obtint la charge de clerc qui lui promettait de nombreux bénéfices, mais son tempérament, ses agissements lui valurent de ne jamais conserver bien longtemps les avantages acquis.

Le Lais et le Testament ont été écrits respectivement en 1456 et 1462. Dans des poèmes en huitains, l'auteur s'y dévoile tout entier et, avec lui, la société qui l'entoure. Écrits dans une langue populaire, emprunte d'argot, les textes sont avant tout réservés au petit milieu que Villon côtoyait.

C'est après avoir été repoussé par une femme cruelle en amour, que Villon choisit l'exil et quitte Paris. Avant cela, il décide d'écrire une suite de poèmes qui deviendra le Lais (le legs). Dans des huitains, il y évoque évidemment le thème douloureux de l'amour déçu mais il dresse aussi une liste de légataires particuliers. Ce sont des clercs, des officiers du Parlement, des chanoines, des hommes d'affaires, etc. que Villon connaissait. Avec sa plume, il les caricature, les moque et les attaque avec envie. Savoureux portraits d'hommes influents mais aussi d'une époque.

Dans le style, la forme et les sujets qui le composent, le Testament apparaît comme la suite du Lais. Villon sort de prison quand il en commence l'écriture. L'homme est blessé, affaibli. S'il poursuit, avec l'usage de huitains et de balades plus longues, ses réflexions sur l'amour, le personnage féminin, la défiance envers le pouvoir politique et religieux, il aborde de manière plus abrupte les ravages du temps qui passe, la pauvreté, la vieillesse et la mort.
Autant de thèmes dans lesquels point un sentiment de déchéance.
Une année plus tard, on ne retrouvera plus trace de l'auteur. Villon n'apparaît nulle part.

« Je plains le temps de ma jeunesse
- Ouquel j'ay plus qu'autre gallé
Jusqu(es)' à l'entrée de vieillesse -,
Qui son partement m'a cellé ;
Il ne s'en est à pié alé
Në à cheval : las ! Comment don ?
Soudainement s'en est vollé
Et ne m'a laissé quelque don. »

Si la lecture de ce recueil des oeuvres poétiques de François Villon n'a pas toujours aisée, j'ai eu plaisir à en ressentir les lointains et secrets ressorts, pleins d'humour et de sagacité, de lucidité aussi.
Lire Villon est affaire de patience, de curiosité et de plaisir. Son écriture témoigne d'une oeuvre poétique incontournable. Les ressources du langage, celles d'une époque et d'un certain milieu (celui érudit et populaire que cotoyait Villon) y sont exploitées, magnifiées.

Si ses poèmes gardent encore aujourd'hui une part de leur secret, ils ne cessent de faire de François Villon, poète sans portrait, disparu, on ne sait quand et on ne sait où, l'ombre de nous-mêmes et de notre condition.

« Je sens mon cueur qui s'affoiblist
Et plus je ne puis papier.
Fremin, siez toy près de mon lit,
Que l'en ne m'y viengne espïer.
Pren ancre tost, plume, pappier !
Ce que nomme escriptz vistement,
Puis fay le partout coppïer.
Et vecy le commancement. »




Une mention particulière à Claude Thiry, docteur en Philosphie et Lettres, professeur aux universités de Louvain et de Liège, auteur d'une très belle préface et des notes précieuses qui accompagnent ce recueil des Poésies complètes de François Villon.

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François Villon est vraiment le Bad boy de la poésie française.
Mauvais garçon par excellence, mais génialissime rhétoriqueur poétique. Villon cumule tous les attributs positifs ou négatifs : poète, farceur, amuseur, charmeur, en opposition à voleur,
filou, manipulateur ou menteur.
Sa poésie, elle aussi, ressent cette double personnalité ambiguë, nous plongeant à la fois dans l'entourage des puissants, des Belles-Dames du temps jadis ou ses rimes résonnent des jolies sonorités de l'amour courtois ou bien nous entraîne dans les limbes des bas-fonds parisiens, sur les traces des bandits de grands chemins faisant à chaque vers frissonner le bourgeois des villes.
Villon, c'est à la fois la désinvolture de Rimbaud, la verve de Hugo, la folie de Tzara, le tout mâtiné à la sauce Bukowski.
Jusqu'au bout, Villon aura rit de tout, conseiller des puissants, pour mieux s'en moquer ou les détrousser, blasphémateur envers les universitaires ou les religieux, gentil avec les dames, mais grivois en amour il n'aura finalement que tendresse pour ses compagnons d'infortune, souvent chenapans patentés comme lui. Villon leur rendra un vibrant hommage tout en émotion avec son magnifique poème : la ballade des pendus.
Poète incomparable, il nous jouera sa plus belle partition poétique tel un acteur de théâtre,
en tirant sa révérence au monde des vivants en disparaissant sans laisser de traces en 1463.
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Impression de passer à côté d'une oeuvre parce qu'on n'en maîtrise pas la langue. Cette lecture de Villon dans le texte original mais annoté à chaque coin de vers ne m'a convenu que très moyennement. Certes traduire en moderne, c'est trahir, mais là, quand même, le lecteur peu scrupuleux et encore moins érudit que je suis, aurait aimé avoir, en regard de l'original, une traduction. Il y a dans ce poète éloigné sans doute beaucoup de cocasserie, mêlée à des sentiments plus noirs. Tout ça, on le repère par bribes, au détour d'un vers plus vite compris qu'un autre, ou d'un jeu de mot que les notes nous permettent de piger, mais jamais, ou rarement, je n'ai eu le sentiment d'être emporté par un texte qui, hélas, ne parvient plus à se désempêtrer de son époque. Dommage.
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Après le testament de Rilke, celui de Villon: il y a une logique muette qui agit sous ma PAL... ou pas !
L'on s'étonne à la lecture de François Villon, d'abord de sa modernité : homme de la fin du Moyen-âge, on a déjà toute présente la pensée de la Renaissance : l'importance de la nature pour elle-même; retour sur l'individualité de l'humain, le doute et l'acceptation de l'ambivalence de la vie et du monde.
L'on s'étonne aussi de ce réalisme parfois cru ou goguenard sur la pauvreté, l'amour, la vieillesse, la mort…
L'on s'étonne encore sur la pluralité des tons, de la bouffonnerie à l'extrême gravité, que l'on retrouve dans le Testament, pluralité pourtant contrainte dans les formes strictes du texte et surtout des ballades enchâssées, dans l'utilisation des énumérations, anaphores, refrains et autres acrostiches.
On s'étonne enfin de cette extrême ironie qui parsème ce faux testament où Villon n'hésite pas à condamner les puissants et ceux qui les servent ainsi que son entourage propre à qui il ne réserve guère de reconnaissance.
C'est une lecture émouvante donc que celle de ce poète qui a mal fini mais, contrairement à ses contemporains, nous a parlé d'une vie et d'un humain plus que terrestre.
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reviendrai vers François,
aujourd'hui voici ma traduction d'un poème écrit par David Lehman

Villon
par David Lehman


En ma trentième année,
Ivre, pas étranger à la disgrâce,
Je souris comme un imbécile d'une oreille à l'autre
Malgré les larmes sur mon visage,
Moi le clown, condamné
Sur ordre de Thibauld d'Assole,
Menacé et même damné
Par le faussaire avec la crosse à la main.
L'évêque, un vrai cul de cheval,
voulait que mon souper soit sa merde.
Au diable ça. Je préférerais fumer de l'herbe
Et adorer la fontaine sacrée de l'esprit.
Garçon, j'ai été nourri d'une croute de pain dur
et d'une cruche d'eau lors d'une marche de huit kilomètres.
Chaque nuit épuisé je me couchais
Et rêvais d'elle dont j'aime le parfum.
A ceux qui m'ont causé le chagrin
Qui s'étale dans mes poèmes, Je dis que
j'ai fleuri comme un amandier en feuilles.
Pendant des années, chaque jour j'ai écrit des poèmes
Et j'ai ri de ceux qui croient
que "aime tes ennemis" a du sens.
Puissent les poètes, qui savent tout,
éloigner vos illusions et déplaisirs.
Je prie pour vous, je prie pour tous ceux
qui méritent la miséricorde de Dieu.
Mais moi qui suis tombé avec la chute d'Adam je ne dis qu'un mot : merci.
Je remercie tous ceux qui m'ont fait souffrir,
m'ont infligé des douleurs, ont enflammé mon coeur,
ont excité ma virilité comme un amant
et m'ont appris que la romance est un art.
Certains de mes ennemis peuvent
me rejeter comme une grande gueule
Mais ils regretteront le jour
Où mon nord a conquis leur sud
Et l'acte a vaincu le mot.
Pourtant, je dirai une ligne à la louange de celui
qui m'a laissé porter une épée
pour la défense du fils unique de Dieu.
Je n'ai aucun bien immobilier à laisser,
Mais si malade que j'aie l'air, et blême,
j'ai encore mon cerveau. Je crois que
le Seigneur m'a donné tout ce que je pouvais désirer.
J'avoue que je lui dois tout.
Et maintenant je dirai ce que je voulais
dire dès le début. Comme un hymne
je composerai mes dernières volontés et mon testament.
Écrite dans la soixante-troisième année
De notre siècle, cette déclaration se dresse
Comme ma main et mon sceau alors que je nettoie
L'air du mensonge et frappe dans mes mains
Pour applaudir le prince qui m'a libéré
De prison et m'a rendu la vie.
A lui et à sa femme, et à ceux qui me lisent,
je lègue la paix qui survivra aux conflits.
Je confesse mes nombreux péchés de luxure,
de colère, de cupidité, d'orgueil.
Mais Dieu qui a fait l'homme de la poussière
a pris mon parti.
Bien que je sois mort lorsque vous lirez ceci,
Sachez que je vis par
la grâce du Seigneur qui m'a aidé dans mes besoins
Et laissez-moi contempler le visage de Madone.
Et sachant que je rencontrerai mon destin
Bien assez tôt sur cette route bien tracée, Puissé-je m'arrêter une dernière fois, un soir tard,
Dans un café où je déclamerai mon ode
Pour la joie de la multitude, pour les acclamations
Des étrangers dans ce vieux continent,
Ma soif étanchée par une chope de bière, Au-delà de toute réforme, ton humble pénitent.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Avant de mentionner sa poésie, je veux parler de l'autre oeuvre de François de Montcorbier dit Villon, sa vie.
Écolier de l'Université, maître de la faculté des Arts à partir de 21 ans. À 24 ans, il tue un prêtre dans une rixe et fuit Paris. Amnistié, il s'exile de nouveau, un an plus tard, après le cambriolage du collège de Navarre. Accueilli à la cour du prince-poète Charles d'Orléans, il échoue à y faire carrière. Emprisonné à Meung-sur-Loire, libéré à l'avènement de Louis XI, il revient à Paris après quelque six ans d'absence. de nouveau arrêté lors d'une rixe, il est condamné à la pendaison. Après appel, le Parlement casse le jugement mais le bannit pour dix ans. Pour le reste de sa vie, nous ne conservons aucun témoignage.
Contrairement à sa vie, dans ses poèmes, Villon n'est pas dans l'innovation, il s'adapte aux moeurs et à la poésie de son temps, en s'inscrivant notamment dans la tradition de Rutebeuf. Néanmoins, Villon réconcilie le poète avec le « je » car ses poèmes représentent un véritable témoignage autobiographique. Il parle de ce qu'il voit, de ce qu'il vit et se sert de la poésie en tant que porte-voix pour sensibiliser ses contemporains à sa condition et à ses états d'âmes.
Néanmoins, la langue de Villon n'est pas familière à un lecteur du XXe siècle, de même que la prononciation de l'époque, ce qui explique certaines rimes qui ne nous paraît pas forcément appropriées. Cependant, je vous recommande cette édition pour approcher ces poèmes.
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Quel plaisir d'avoir lu ce recueil de poésies !

Soyons clair, l'édition en mode bilingue est bien pratique surtout pour les "Ballades en jargon" et même pour Lais et Testament, les quelques phrases en latin me seraient restées partiellement obscures (étrangement en 40 ans, j'ai perdu mes réflexes ! Hihi !).

Bien sûr, j'ai du interrompre cette lecture pour ré-écouter le bon maître (Georges Brassens, dois-je le préciser ?) chanter "Ballade des dames du temps jadis".

"Où est la très sage Heloïs,
Pour qui chastré fut et puis moyne
Pierre Esbaillart à Sainct-Denys ?
Pour son amour eut cest essoyne."

Et comme de bien entendu, j'ai du relire (en diagonale certes) "Héloïse, ouille !" de Jean Teulé ;-)

Bref, un week-end de 3 jours bien rempli !

Maintenant, il va me falloir trouver une bonne bio de ce trousse-chemises, coupe-bourses, jongleur, hâbleur, rusé... poète.
Lui qui a connu les bagarres, les meurtres, les geôles, les prisons, frôlé la pendaison (commuée en bannissement) avant de disparaître vers 30 ans.
C'est du moins comme cela que je me l'imagine (à tort ou à raison...)

Et peut-être à l'occasion relire Rabelais, qui de mémoire lui rendait hommage (Dans Pantagruel ? Dans le quart-livre ?... J'ai la mémoire qui flanche hihi...)

Si vous avez des conseils, je suis preneur !

Livresquement votre.
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Trace indéniable de l'histoire, dont plusieurs thèmes sont encore d'actualité (!), mais définitivement pas un grand plaisir de lecture pour moi.
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Je pense ne pas avoir été le seul surpris en voyant surgir sur dans les rayonnages une BD sur François Villon. On ne peut pas dire que ce soit le poète le plus lu en France, ces temps-ci. Je la lirais un jour mais j'en attends beaucoup, sa vie fut riche- autant que son oeuvre !

Car le Testament est bien une oeuvre magistrale. le poète va mourir. Il a été condamné pour sa participation au casse du siècle, le cambriolage du collège de Navarre. Et avant de pendouiller, il fait une monstrueuse nique au gibet ! Et au-delà, à ses « amis », « maitresses », comparses et fréquentations en tout genre. Avant de la quitter, il adresse ses féroces railleries à l'humanité. Ses jeux de mots et ses plaisanteries sont énormes, d'une subtilité et d'une ironie monstrueuse. Truands, prostitué(e)s, échevins, marchands, tout le monde en prend pour son grade. Il déploie des trésors de vocabulaire, des merveilles de métaphores filées. C'est le condamné à mort de Victor Hugo en train de tirer la langue et de montrer ses fesses à la foule – en plus subtile !

Dans ces conditions, et même si la structure du Français n'a pas tant changé, inutile de préciser que les notes de bas de page sont indispensables. En faite elles sont aussi longues que le texte, et s'étalent sur la page adjacente. Les balades en jargon en revanche, sont rédigées dans l'argot des coquillards – la mafia de l'époque. Elles sont strictement incompréhensible, avec ou sans notes.

Le recueil comprend également ses autres textes, notamment sa participation au concours de Blois, sur le célèbre thème des contradictions (« je meurs de soif auprès de la fontaine »). Il ne gagna pas. Et il ne trouva jamais le mécène qu'il cherchait désespérément, assez cultivé pour apprécier sa poésie, et suffisamment patient pour lui pardonner ses frasques.

Heureusement, tous les poètes n'ont pas besoin d'être menacé par la potence pour écrire de bons poèmes !
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Sacré bonhomme, brigand et poète, le maitre de Brassens et Renaud. le Caravage de la poésie !
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