Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler d'un livre de poésie. La poésie, un genre souvent trop peu mis en valeur en librairie à mon goût. J'ai acheté ce livre au festival bordelais Escale du Livre. Un deuxième tome d'anthologie de poésie grecque contemporaine, édité par une maison d'édition qui présente des poésies grecques ; le miel des anges, et vendu par une librairie qui met à l'honneur la poésie : la librairie Olympique, bien connue des Bordelais.
J'ai aimé.
J'ai aimé la démarche : faire connaître au public français la poésie grecque contemporaine, à la fois celle des auteurs connus et reconnus, et celle d'auteurs plus jeunes, de ma génération.
J'ai aimé la traduction. Poésie traduite, mais qui laisse éclater la diversité des parcours, des inspirations, antiques et modernes, personnelles, mythiques et mythologiques, collectives, le désespoir, l'espoir, la jeunesse, le feu, la folie parfois, le destin, la vie et la mort, la tragédie, la beauté.
J'ai aimé enfin la diversité des poètes et poétesses, la diversité des textes, la musicalité, l'évasion, la fenêtre sur un autre pays. Pays que j'aime et dont j'admire la culture.
Je vais maintenant citer un passage de l'introduction, qui présente un peu plus la démarche : "Si les dieux le permettent, l'aventure va durer six ans. Chaque année, dix poètes seront proposés - cinq déjà consacrés, cinq plus jeunes -, ce qui devrait mettre soixante poètes à la disposition du lecteur de 2017. Une telle profusion a un sens grâce à l'exceptionnelle richesse de la poésie grecque aujourd'hui. La crise qui frappe le pays n'affecte pas la poésie, au contraire. (...) Dans ce deuxième volume, l'éventail s'ouvre davantage encore, de l'aîné, Alexandros Issaris, né en 1941, au petit dernier né en 1988, Nikos Erinakis. On sera frappé une fois de plus, en découvrant cette deuxième fournée, par l'extrême diversité de ces voix."
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Prière pour Marina Tsvetaïeva (Stamatis Polenakis, né en 1970)
Tu nous as tout refusé, Seigneur, au moins laisse-nous une ultime consolation, accorde-nous une autre vie, un ultime refuge où nous pourrons supporter encore la fureur des choses, les tempêtes et la poussière du désert, les ténèbres du soleil et la lumière des étoiles, le destin aveugle et la poésie elle-même collée à nous. Comme sur la chair d'Héraklès le vêtement du Centaure.
Dîner (Dimitris Perodaskalakis, né en 1965)
De quoi la nuit peut-elle être remplie ?
Du parfum d'un jasmin suspendu
au balcon d'à côté
d'une lune qui se niche dans octobre
d'un verre d'alcool qui attend ses glaçons
de deux chatons et de la pelote
qui se déroule derrière eux
de l'enfant qui dort dans l'innocence
de la mère qui garde l'espoir
de la pendule du monde qui sonne toutes les douze heures
De quoi la nuit peut-elle être remplie ?
Des oiseaux qui apprennent le sommeil rapide
du grillon grattant la paupière de la nuit
des ombres nous faisant voir l'autre face de nous-mêmes
de la promesse qu'il fera jour encore
de la nappe qu'on tire même si ça fait mal
Il faut que je trouve une langue (Alexandros Issaris, né en 1941)
Il faut que je trouve une langue
Pour unir les nuages
Pour diviser la mer
Pour parfaire la douleur (...)
Il faut que je trouve une langue
Qui soit accordée aux voix
Quand se coucheront les sens
Et s'éveillera le sentiment (...)
Il faut que je trouve une langue
Qui aura l'amertume
Du baiser le plus doux
La légèreté de l'oiseau
L'âpreté du savoir.
Il faut que je trouve une langue
Pour te parler.
Renaissance (Alexandros Issaris, né en 1941)
Comme un torrent elle a noyé la vision
Comme un aigle s'est déployée
Comme une amante s'est ouverte
Comme un prêtre a pris la parole
Comme un satyre s'est dressée
Comme une étreinte s'est enroulée
Comme un repas s'est laissée manger
Comme un jouisseur a savouré
Comme un violoncelle a chanté
Comme une peau s'est resserrée
Comme un roi s'est tourmenté
Comme un saint a prié
Comme la poésie a montré
Comme une rivière a débordé
Comme la chevalerie a pris fin
La terre ardente (Lefteris Poulios)
Je ne peux te renier,
Dieu des créatures,
Dieu du silence.
Le soleil étend sur le mur
son identité
et des humains sont réparés
chaque jour
Michel Volkovitch. La langue grecque.