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EAN : 9782843043352
173 pages
Zulma (02/09/2005)
4.36/5   7 notes
Résumé :

Déterminée à faire la lumière sur les zones d'ombre d'un passé familial chargé de mystère et de douleur, une jeune femme prend le train pour Kielce, en Pologne. Devant les paysages qui défilent, des voix l'interpellent. Des voix qui instaurent un étrange dialogue entre elle, son passé, le présent. Quais de gare, frontières, visite de la ville de Kielce... Quelles réponses, quelles clés ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une femme attend sur le quai d'une gare un train qui ne vient pas, puis c'est un trajet de nuit, long, très long. Toute cette attente lui laisse le temps d'analyser la relation d'attirance et de répulsion pour ce pays où elle a tardivement décidé d'aller, après bien d'autres fuites. un pays où elle revient sans jamais y avoir été, que ses parents ont fui, dont ils ne lui ont jamais parlé, et dont elle espère que le découvrir va être une délivrance, elle ne sait pas trop comment. Car ce père et sa soeur (la tante) s'enferment peu à peu dans la maladie d'Alzheimer, qui efface en eux ces événements, ou en tout cas leur récit, de façon irrévocable, cette fois. La maladie efface les mots, l'identité mais certainement pas la connaissance intuitive d'un passé (là-bas et ici) taraudant.

"Tout cela s'est logé quelque part en nous et a tracé une voie, celle du refus, de l'oubli progressif."


Dans cette quête, des voix lui parlent , en de surprenants dialogues magnétiques : le père, la tante en leur exil, elle-même d' une voix rendue nouvelle par le voyage , et un personnage étrange qui l'accompagne une fois arrivée dans ce pays hostile.

" -Nous ne comprenons rien de toi.
-Tu ne comprends rien de nous.
-C'est le signe de notre réussite."


Ce livre est un récit de l'exil, de la mémoire et de l'incommunicabilité, du silence comme transmission, transmission pervertie, mais transmission quand même. Et l'on est en droit de s'interroger, devant ces voix qui surgissent en elle, devant cette compréhension qu'elle a enfin à la seule confrontation physique avec les lieux, si ce récit ne lui avait pas été fait, par bribes, peut-être, par allusions, mais bien fait, et qu'elle n'avait pas su l'entendre. le tabou était sans doute un mélange : pour les parents croyant l'autoriser à construire un avenir sans le malheur comme terreau premier, pour elle comme refus de cet enracinement tragique. Comme s 'ils avaient cru que nier suffirait.

C'est un livre empreint d'une ineffable mélancolie, rythmée par l'attente, le cahot (chaos?) du train, les pas éperdus dans la ville, dont il décrit la griffure avec douceur. Au-dela de la douleur du traumatisme premier ( le pogrom et la fuite), il y a l'idée que l'exil n' a pas suffit à mettre une distance, que l'oubli est impossible et n'est sans doute pas souhaitable : la marque reste là, la nier ne sert à rien, qu'à une perte d'identité plus grave encore.


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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
- Après la guerre, un an après, un enfant a disparu.
- Et le bruit a couru, ce sont eux, toujours les mêmes, qui enlèvent les enfants pour fabriquer leur pain rituel, pour leurs cérémonies.
- Leur religion déicide.
- Un an après la guerre, c'est-à-dire l'extermination, eux qui formaient plus de la moitié de la population...
- Eux, c'est-à-dire nous, tu comprends ?
- N'étaient plus que quelques dizaines, ils avaient survécu et étaient revenus.
- Ils s'étaient réfugiés dans un bâtiment, au bord de la rivière, n'avaient pas eu le temps de retrouver une maison, une habitation, les quartiers détruits n'étaient pas encore reconstruits.
- C'est là qu'ils sont.
- Il faut leur faire payer.
- Et ils allèrent, fouillèrent la maison de fond en comble, nulle trace de l'enfant, bien sûr, et ils frappèrent, tuèrent, cherchèrent dans toute la ville - nulle trace de l'enfant, mais ce n'était plus l'enfant qu'ils cherchaient, c'était eux, leurs ennemis de toujours, les rares qui avaient échappé au massacre, les rares qui s'étaient obstinés à revenir, croyant encore à une patrie.
- Croyant à un avenir, mais l'avenir s'arrêta brutalement, quarante-deux morts et autant de blessés.
- Certes, ce n'était pas grand-chose au regard des six millions.
- Mais c'était après, et chaque mort désormais comptait double, chaque mort comptait dix, cent, mille.
- La police laissait faire.
- Et les cadavres furent jetés à la rivière.
- La rivière qui traverse la ville et qui passe presque au centre.
- Ils cherchèrent dans toute la ville, non pas l'enfant, mais les survivants, les soi-disants complices d'un enlèvement qui n'avait pas eu lieu, pour les éliminer.
- Certains, affolés, coururent vers la gare prendre le premier train.
- On les arrachait des wagons et des compartiments, on les jetait sur le quai.
- Dans la ville, il n'y en avait plus un seul.
- Plus un.
- L'enfant était revenu, entre-temps.
- Il avait fait une fugue.
- Cela arrive.
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Car ils étaient partis comme des milliers, des dizaines, des centaines de milliers qui partaient tous les jours de tous les pays sur tous les continents, qui partaient seuls ou en famille, et ils prenaient le car ou le train, le bateau, ou ils prenaient l'avion, dans les situations les plus incroyables, entre deux wagons, dans le train d'atterrissage, entassés sur des planches flottantes [...]. Car ils étaient partis comme tous ceux qui partaient, pour fuir des guerres ou des persécutions, la famine, la misère, la pauvreté ou simplement l'insatisfaction [...] et ils avaient marché, voyagé, traversé les tempêtes et les terres, et traversé le temps, pour arriver un jour - ceux qui arrivaient - au pays dont ils avaient rêvé.
Et là, ils s'installaient, habitaient d'autres endroits qu'ils cherchaient à faire leurs, qui pouvaient être pire que ceux qu'ils avaient quittés [...] et peu à peu, quittaient les pièces noires pour des appartements plus clairs, se dispersaient, travaillaient, faisaient connaissance avec des gens d'ici, de là-bas, et commençaient à vivre leur vie, et à se croire les habitants du pays qu'ils avaient choisi.
C'est alors que nous venions, nous, leurs enfants, et que dès la naissance, nous portions leurs espoirs car nous accomplirions les choses qu'ils n'avaient pas pu faire et leur venait l'idée qu'ils étaient partis pour nous, [...] dès le commencement, nous étions lestés de leur vie, de leurs désillusions en même temps que de leurs illusions, et porteurs de désirs qui n'étaient pas les nôtres.
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Tu ne peux pas savoir que ces paysages de destruction sans ruine sont à l'image de notre monde et des temps à venir, on croit reconnaître le danger, mais il prend un autre visage, à chaque fois, si bien que nous restons les yeux fixés sur le passé, hypnotisés par certaines formes, sans savoir en tirer la vraie leçon. Chaque époque se lit avec le regard de l'époque antérieure, parce que les gens mettent du temps à venir au pouvoir, parce qu'ils sont marqués par leur enfance ou par les évènements que leurs parents ont vécus, et c'est cela qu'ils ont à digérer, qu'ils mettent du temps à assimiler.
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Les voyages ne sont pas si faciles, pas aussi simples qu'on fait semblant de croire, chacun essaie de transporter son monde, de préserver sa vie et son identité, de s'entourer d'une protection invisible comme la mandorle des icônes, pour traverser, indemne, toutes les intempéries, et arriver exactement tel qu'il est parti, niant ainsi l'essence du voyage. Non, il n'était pas si simple de laisser, de quitter, et de s'abandonner à ce qui pouvait se produire.
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Ils avaient échappé à toutes les catastrophes auxquelles ils auraient dû succomber, mais était-ce si bien d'échapper ? Après, on ne comprend plus, après, il n'y a plus personne autour.
- Nous vivions de toute façon isolés.
- Sans amis.
- La famille, une grande famille, étendue aux cousins...
- Aux cousins des cousins...
- Mais nous étions coupés, divisés.
- Une partie était restée.
- Une partie était venue, mais ce n'était plus comme avant.
- L'unité rassurante.
- La totalité.
- Il nous manquait quelque chose.
Comme il manque à tous les immigrés, à tous les émigrés, quelque chose de l'ailleurs qu'ils ont quitté et qui, à l'origine, n'était pas un ailleurs mais chez soi, ils n'en imaginaient pas d'autre, lorsqu'on naît, qu'on grandit, la première pensée est-elle qu'on va partir, même ceux qui finissent par chercher une autre famille n'ont pas l'idée de chercher un autre pays.
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Hélène Cixous, Cécile Wajsbrot
À lire – Hélène Cixous, Cécile Wajsbrot, Lettres dans la forêt, éd. L'Extrême contemporain 2022.
Lumière par Patrice Lecadre, son par Adrien Vicherat
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