Sur fond de révolution culturelle, à quelques centaines de lis autour du légendaire mont des Fleurs et des Fruits, deux êtres que peu de choses rapprochent se rencontrent pour le plus grand malheur de leur entourage.
Cadet est un homme irrésolu. Violoncelliste de formation, ne trouvant de sens à sa vie qu'en jouant d'un instrument, Cadet est affublé de bien de défauts. Sa timidité maladive, sa lâcheté naturelle, son désintérêt pour la vie en général, sa volonté de s'effacer du monde, poussent cet être sans caractère, sans ambition, à se réfugier dans les bras de femmes fortes, des femmes capables de le porter à bout de bras.
A quelques lis du mont des Fleurs et des Fruits, nait celle par qui le scandale arrive, la jeune fille de la ruelle de la Vallée d'or. Égoïste, égocentrique, frivole, se jouant des gens et de leurs sentiments, elle grandit en savourant l'ascendant qu'elle exerce sur les hommes. Experte dans les mille et une manières d'enchaîner un homme à sa personne, elle ne rêve que d'une seule chose: trouver celui qui la dominera.
Ces deux vies se dérouleront en parallèle. Ils se marieront, fonderont une famille, se complairont dans une routine rassurante. A la mort de Mao Zedong suivie de la chute de » la bande des quatre », leurs chemins se croiseront.
Une lecture qui déroute ou égare un peu le lecteur, aucun prénom est donné. Les protagonistes sont nommés selon leur lieu de naissance, leur place dans la fratrie, leur statut social ou par un pronom.
La grande Histoire à peine effleurée offre un autre regard sur toutes ces vies.
Wang Anyi sans s'attarder sur les conséquences néfastes du régime communiste nous laisse entrevoir des pans d'un quotidien peu reluisant. La faim, la folie destructrice de cette politique, les débordements des forces de l'ordre, les tracasseries administratives font partie de leur existence. le rappel de la légende de Sun Wukong, héros du roman « La pérégrination vers l'Ouest » ( un classique de la littérature chinoise) donne une dimension céleste à cette histoire. Si le Ciel en a décidé ainsi, aucun humain a les moyens de contre-carrer l'inéluctable. Ce fatalisme sauve les personnages d'une victimisation de mauvais goût. L'avant-propos établit un parallèle entre l'écriture et une partition musicale, c'est vrai que les ressemblances sont frappantes mais le rythme du récit s'apparente plus aux mouvements de marées; marée basse, marée haute, mer déchaînée, tsunami et enfin le tourbillon, celui qui aspire tout ce qui passe à portée.
Sans être un livre d'une grande gaîté, il n'est pas non plus déprimant.
Wang Anyi met une telle distance entre ces personnages et elle qu'elle nous refuse le droit à l'empathie. Les personnages sont sculptés au scalpel, elle les taille en pièces avec minutie. Son approche quasi chirurgicale des protagonistes n'éveillent pas la pitié. La lenteur du récit ne masque pas la violence qui en émane. Sans concession, elle dévaste tout sur son passage.
Sans trouver la lecture désagréable, elle ne m'a pas non plus transportée. Je l'ai pourtant lu d'une seule traite, avide de connaître le sort de ce couple maudit, l'enchantement a dû s'émousser en cours de chemin. Sentiment mitigé sur ce livre… J'en terminerai pas moins cette trilogie sur l'amour commencée en France avec la publication «
Amour dans une petite ville », «
Amour sur une colline dénudée » et enfin, «
Amour dans une vallée enchantée ».
Pour qui veut découvrir les oeuvres de cette auteure, «
le chant des regrets éternels » écrit dix ans après cette série, est une pure merveille.
Wang Anyi y décrit le destin douloureux d'une femme et d'une ville, Shanghai au travers les bouleversements de l'histoire. Beaucoup de nostalgie, de regrets sur les occasions manquées, sur ce temps perdu à jamais. C'est d'une tristesse absolue mais le talent de
Wang Anyi s'étale à chaque page. Bouleversant et poignant. Pour ceux qui prennent le temps de humer l'air du temps.
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