Elles parlaient – plaisant sujet pour un si bel après-midi d’été – du Paradis. Les trois jeunes femmes étaient d’avis qu'on y trouvait une chaleur agréable et de frais ombrages, des fleurs et des oiseaux qui chantent, de flots étincelants sous des cieux azurés et des montagnes dont les cimes se perdaient dans les nuages... Un décor pas si différent, observera-t-on, du paysage qui s’étendait sous leurs yeux. Jusque là, les jeunes femmes étaient d'accord, mais il y avait plusieurs points qui faisaient débat. Par exemple, est-ce que les pierres du Paradis étaient en or ? Et si oui, est-ce que les maisons étaient en or aussi ? Les regarder ferait-il mal aux yeux ?
Marietta affirmait, d'une manière que les autres jugeaient blasphématoire, qu’elle préférait une villa de simples pierres grise ou, encore mieux, en stuc rose, à tous les bâtiments d’or du Paradis.
Le médecin dit que le Signor Papa devient trop gros… Je ne pense pas qu’il soit trop gros, qu’en pensez-vous ? Il me semble plutôt bien en chair que gros. Quoi qu’il en soit, le médecin a dit qu’il lui fallait de l’exercice alors nous comptons faire des excursions en montagne avec des chaussures à clous comme les Allemands. Nous comptons commencer les excursions dès demain parce qu’il y a en ce moment à la villa deux Anglaises qui adorent la montagne. Pouvez-vous nous procurer un guide et quelques ânes ? Il nous faut un âne joli, docile et distingué pour ma tante, un pour l’Anglaise et un troisième pour porter les affaires et éventuellement moi, si je me fatigue. Ensuite, il nous faut un homme qui leur tirera la queue pour les faire avancer.
‒ Je suis venu ici sur ton initiative pour me reposer et me détendre, pour me débarrasser des contrariétés et des tracas, et voilà qu'un gros souci tout neuf que je n’aurais jamais imaginé avoir avant m'attendait ici. Que se passera-t-il si ma fille unique se met en tête d’épouser un de ces officiers italiens d'une beauté infernale ?
‒ Ne laissez pas cette idée vous importuner, Père. Je vous assure que je ne ferai rien de tel. Sinon, je penserais qu'il est de mon devoir d'apprendre le subjonctif italien, et c'est impossible.
Vous devez savoir, à votre âge, Gustavo, qu'un homme ne peut apprécier un paysage lorsqu'il est seul. Il faut être deux pour ce genre de choses. Oui, le fait est que je me sens bien seul. Vous voyez vous-même à quelles extrémités j'en suis réduit pour discuter. Si j’avais votre don pour les langues, en ce moment, je parlerais aux randonneurs allemands.
On ne peut pas blâmer un homme pour son nom.
"Papa longues jambes", réalisé par Jean Negulesco en 1955, avec Fred Astaire (USA)