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EAN : 9782017163992
256 pages
hachette heroes (31/08/2022)
3.18/5   65 notes
Résumé :
Une immense maison sans fenêtres, sans issues, un piège à mille étages refermé sur l'humanité comme une matrice géante... Un monde où se débattent le rêve et la violence, le mystère et la mort !

Une œuvre originale et étonnante où fulgurent les traditions millénaires de l'Europe centrale, une des illustrations les plus insolites de la science-fiction moderne. Tel est ce livre de Jan Weiss qu'on redécouvre aujourd'hui un peu partout dans le monde avec ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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J'aime de temps en temps lire un bon roman d'anticipation dystopique. Ce livre m'avait attiré avec son titre et son bandeau rouge accrocheurs. le fait qu'il ait été redécouvert et réédité après tant d'années, vu qu'il avait été écrit en 1929, m'avait incité aussi à me le procurer.

Le début du livre était prometteur. Un homme ouvre les yeux dans un lieu qui lui est totalement inconnu et effrayant. Il voudrait s'en échapper mais comment faire ? Dans ce lieu, il n'y a que deux chemins possibles, descendre ou monter… des escaliers, encore des escaliers, pas de fenêtre, pas de porte, des paliers déserts entre deux étages…
« Il montait, montait obstinément, sans répit. Et, de nouveau, les étages se succédaient, sans fin, sans espoir. -Ce colosse monte-t-il jusqu'au ciel ? »

Qui est donc cet homme qui vit ce cauchemar ? En fait, il se demande lui-même qui il est, quel est son nom, et ce qu'il fait là, dans ce lieu sordide… Puis il découvre dans la poche de sa veste un petit carnet qu'il commence à feuilleter, où sont inscrites quelques phrases qui ressemblent à de curieuses missions à accomplir : -pénétrer dans des régions emmurées, déterminer qui est un certain Ohisver Muller, qui serait bienfaiteur de l'humanité, une divinité ou son contraire, un faux dieu…et pourquoi se cache-t-il aux yeux du monde…

Et puis du petit carnet de cet homme amnésique s'échappent des coupures de journaux et aussi une lettre scellée à l'adresse d'un certain Petr Brok.
De ce fait, l'homme sans mémoire se demande avec étonnement s'il ne serait pas lui-même un détective… Et il va se lancer dans une enquête semée d'embuches, une enquête qui s'annonce complexe et effrayante.

Quelle est cette bâtisse inquiétante, cette « Maison aux mille étages » ? Qui l'a conçue ? Qui y habite ? Comment y vit-on ? se demande-t-il…
L'homme, Petr Brok, va y découvrir la présence d'un vieillard aveugle, enfermé dans une pièce où il croupit en tant que prisonnier depuis des années. Sur chaque paume de ses mains un numéro est marqué au fer rouge. Il est l'un des ouvriers qui ont érigé Mullertown, cette maudite cité aux mille étages. Ce vieillard -qui n'a pourtant que trente ans- va en quelques mots décrire quel personnage immonde est cet Ohisver Muller…

Le héros, Petr Brok, grâce à son invisibilité, va réussir à pénétrer dans des lieux jusque-là tenus secrets, dans les coulisses de Mullertown. Il y découvre une humanité réduite à l'état d'esclavage, enfermée dans un univers sous contrôle, créé et dirigé par un tyran. En justicier, Petr Brok va défier, provoquer, et démasquer Muller, pour mettre fin aux agissements de ce dictateur tortionnaire.

Comme je le mentionnais au début de ma critique, le début de ce livre me semblait prometteur… mais plus j'avançais dans cette lecture et moins il me transportait…
Contrairement à ce que vantent la 4e de couv. et le bandeau rouge qui ceint le livre, « La maison aux mille étages » ne mérite pas à mon sens d'être qualifié de chef-d'oeuvre ! Rien à voir avec les excellents ouvrages dystopiques que sont « le meilleur des mondes » d'Huxley, ou « 1984 » d'Orwell, pour ne citer qu'eux !
Avançant dans le livre, j'avais l'impression de voir défiler devant moi les images d'un pauvre film de série B !

Ce livre aurait certainement pu être intéressant s'il avait été traité différemment. Il n'est pas suffisant d'y insérer et de mélanger les exploits d'un homme-invisible, passe-muraille, dans une tour de Babel, avec des voyages cosmiques vers des étoiles, des lilliputiens, des esclaves qui se révoltent et des personnages autocrates et sanguinaires pour en faire un bon livre d'anticipation digne d'intérêt ! C'est trop touffu et confus, ça part dans tous les sens, ce qui fait que le récit perd en force et en qualité ! J'ai trouvé aussi que la quête de Brok pour trouver Muller est trop longue, rocambolesque, et au final, tombe dans une caricature assez ridicule.

J'ai été plusieurs fois tenté de refermer ce livre avant de le terminer. Trop de qualificatifs, des phrases interrogatives incessantes, trop d'actions répétitives, trop de phrases naïves et infantiles du genre : « le plafond est blanc comme du sucre et ta langue en goûte directement la douceur ». « Au plafond pend une ampoule laiteuse, on dirait un bouton de nénuphar qui sommeille. » !!! Et encore, un article sur comment torturer des fleurs … etc.
Ces visions, qui semblent relever d'un surréalisme naissant, sont aujourd‘hui bien kitsch !

Si, comme il est écrit dans une préface ancienne de ce roman, -l'intention de l'auteur était de nous montrer des aspects inquiétants et tourmentants de la situation de l'homme contemporain et de la médiocrité humaine, personnellement je trouve que son écriture est mal orientée, et sa portée bien insuffisante. J'aurais voulu y voir un cri de l'humanité désespéré ! Arrivé au bout du livre, le résultat n'est pas à cette hauteur du tout !

Petr Brok, à la fin du livre, se réveille. Il sort d'une léthargie typhique.
« Dans l'espace d'un éclair, il se souvint de lui-même, de son passé, de son nom… ».
Le constat final est que tout ce récit n'était pas réellement vécu par le héros. Tout cela n'était qu'un mauvais rêve de sa part !
L'auteur, Jan Weiss (1892-1972) a été soldat pendant la Première Guerre mondiale et a été interné dans un camp de prisonniers dans une baraque en pleine épidémie de fièvre typhoïde. Ainsi, « La maison aux mille étages » représenterait la vision de rêve fiévreux du soldat qu'il a été, qui luttait contre la mort, ayant contracté la maladie.

Ce mélange de pauvre dystopie et d'un rêve fiévreux n'est guère passionnant.
Le seul intérêt qu'on puisse trouver à ce livre, c'est d'être en quelque sorte un précurseur de la SF !
Ce roman de Jan Weiss, écrit en 1929 en Tchécoslovaquie, a mal vieilli.
Contrairement à lui, un autre auteur tchèque, de la même génération, Karel Čapek (1890-1938), a écrit quelques années après, un roman entre science-fiction et politique-fiction, « La guerre des salamandres », qui dans le genre dystopique reste absolument moderne dans son propos et dans sa forme, en plus de faire preuve de certains talents visionnaires ! Ce livre-là est une véritable satire féroce du comportement humain par l'homme, et il conserve, lui, une extraordinaire modernité.

Pour moi, ce livre de Jan Weiss gagnerait beaucoup à être épuré et modernisé, en étant transposé en roman graphique. Cela lui procurerait un meilleur avenir dans les bibliothèques !
Je ne peux donc que noter très faiblement cette « Maison aux mille étages » avec un 2 et demi/5.
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💥Mois de l'Imaginaire💥

⭐️Chronique⭐️
La maison aux mille étages
Jan Weiss

« Qu'est-ce qui se cache derrière? »

Des portes, des étages, des hommes. Il se cache des tas de choses dans La Maison aux Mille Étages. Des miroirs, des couloirs sans fin, des hommes meurtris. Une tour monstre de cauchemars, ça vous tente? Mullerdôme est un lieu de tous les dangers, de toutes les possibilités, de toutes les horreurs. Même en ayant le don d'invisibilité, l'expérience en ces lieux, est traumatisante. Mais le plus surprenant, c'est la perception visionnaire de l'écrivain Jan Weiss. C'est ce qui rend cette lecture troublante. C'est presque incroyable qu'il ait pu ressentir avec autant d'acuité, les dérives à venir…Qu'il ait pu deviner l'extrême, l'autoritarisme, l'abomination…Peut-être que sa propre captivité a forgé sa sensibilité et son imagination, le menant à réfléchir et créer pour son lectorat, un bâtiment hors-norme, où toutes les violences seraient elles aussi, enfermées et purulentes…J'ai été soufflée rien que pour cela, du pouvoir prescient de son histoire et de l'ambiance anxiogène de cette Maison aux mille étages…

« -C'est vous tous qui êtes fous! Je le jure! J'en mets mes cinquante mille étoiles en jeu! »

C'est certain que c'est un pari fou, de vouloir mêler les étoiles, les princesses, les détectives et le totalitarisme. Pour autant ça ne manque pas de reliefs et ni de poussières. Et comme ils en font de la poudre aux yeux, c'est encore plus…EFFRAYANT...C'est l'enfermement omniprésent qui rend le voyage oppressant, pour les lecteur.ice.s avides d'imaginaires...Reste à déterminer ce qu'il reste à sauver, quand le Maître des lieux décide de tout détruire, que ce soit le désir, les rêves, l'amour, la jeunesse, le soleil…L'Univers est vaste, mais rempli de mensonges écoeurants. Vers quoi va-t-on se tourner, du coup?!? La révolution monte, mais il manque l'élan, la vitalité, l'énergie…La révolution est grise, et il n'y a qu'un être invisible pour lutter contre l'obscur…C'est peu. Très peu. Puisque ils ont volé le ciel et ses richesses, comment on fait pour rêver encore, à la liberté?

VOUS AVEZ PEUR DE VOYAGER VERS LES ÉTOILES? 
Vous n'en avez pas les moyens?

Ce roman a été écrit en 1929, réédité cette année, et je me suis fait un plaisir de le lire en ce Mois spécial de l'Imaginaire. le genre est plein de pépites à dénicher, et bien que je reste un peu mitigée par la conclusion, je pense que c'est une histoire qui ne manque pas d'intérêt, de dynamiques et d'originalité! Je n'aurai voulu pour rien au monde, être une pensionnaire de la Maison aux mille étages, mais je me demande si vous, vous allez avoir le courage de pousser ses portes? Sensations fortes garanties…
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Les éditions Hachette ont développé une nouvelle collection dédiée à l'imaginaire avec des textes d'aujourd'hui et des textes plus anciens (comme le Frankenstein de Mary Shelley et celui-ci). Je remercie donc la maison d'édition ainsi que le site Babelio pour leur Masse Critique, parce que c'est une très belle découverte, il frôle le coup de coeur, mais le texte est incroyable, percutant, c'est clairement un roman qui sort du lot, soit on va apprécier l'expérience, soit c'est un grand non.

Ce qui m'a laissé pantoise, c'est le côté « anticipation », nous sommes dans un roman paru en 1929 et pourtant, le texte a des scènes qui font penser à la société de consommation ou à ce qui s'est passé en 39-45 dans les camps de concentration et d'extermination. Je sais que l'auteur a été détenu dans un camp de travail en Sibérie, qu'il y a contracté la fièvre typhoïde et qu'il aura subi de grosses hallucinations, mais certaines scènes, certains sujets et la manière dont ils sont abordés donnent comme un tapis déroulant les années 30 à aujourd'hui. C'est à la fois déroutant, curieux et terrifiant.

Le texte est au carrefour de la science-fiction et du surréalisme, un courant dont l'auteur se sentait très proche. Ce qui donne au récit une saveur très particulière, il y a toutes ces réflexions sur l'humain et la société qui permet de classer l'oeuvre dans de l'anticipation et de la dystopie et par instant, il y a ces scènes de rêves et de cauchemars, ces enchaînements improbables, ce côté rocambolesque qui fait pencher la balance dans le surréalisme. Si personnellement, le mélange des deux rend le récit passionnant, je peux parfaitement comprendre qu'il déplaise.

J'ai beaucoup aimé suivre ce personnage invisible nommé Petr Brok qui se réveille amnésique et qui va devoir reconstituer son passé, comprendre son rôle et survivre dans cet enfer qu'est la maison aux mille étages. J'ai adoré lire ses aventures, j'aime aussi le fait qu'il soit l'un des rares personnages à être doté d'un grand sens de l'empathie, d'une humanité certaine, à contre-courant de tous les autres personnages rencontrés – ou presque, puisque la princesse Tamara et quelques révolutionnaires sortent du lot.

Clairement, le récit aborde tant de thématiques, s'aventure dans tant de questionnements que l'histoire est très agréable à suivre avec une intrigue très simple, mais elle permet de se concentrer davantage sur les thèmes exploités. Il y a les conditions de travail, la place des femmes et les violences qu'elles subissent, le culte de la personnalité, le fanatisme religieux, la surconsommation, l'exploitation des terres et de l'espace, le pouvoir et l'argent, les tueries de masses, les vices et les addictions en tout genre, cela va du plus absurde au plus inquiétant.

J'ai adoré découvrir le travail de l'auteur sur tous ces sujets, certes nous sommes dans un roman de 1929, il ne faudra pas s'attendre à un travail aussi poussé qu'un auteur contemporain, mais je salue la prouesse de l'époque, la plume est très chouette à lire et elle est clairement datée années 20-années 30 sans que cela soit pour autant indigeste. Franchement, les chapitres sont courts et addictifs, le résultat paraît aussi invraisemblable que réaliste, c'est un peu du vécu de l'auteur et de l'imaginaire, l'aspect esthétique est tout aussi soigné avec l'effet métallisé rosé sur la couverture ou les dessins / typographies des enseignes de magasin croisés. C'est sincèrement un livre audacieux pour son époque.

Ce n'est pas parfait non plus, comme je l'ai dit, il y a un aspect loufoque qui peut déplaire, un côté daté dans l'écriture qui peut refroidir, une intrigue très simple et des personnages qui peuvent paraître peu travaillés pour notre regard de contemporain – sans oublier la fin qui m'a amusé, c'est une fin en format « chute de nouvelle », avec un twist qui est typique de ces décennies. Donc oui, il y a des couacs et des légèretés, des incohérences, des thématiques présentes mais pas exploitées à 100 %, cependant, je salue la performance pour l'époque, les thèmes présents, l'aspect anticipation et le héros très attachant. J'ai passé un très bon moment avec !
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Une lecture inhabituelle qui, par plusieurs côtés, m'a laissée perplexe.
Je ne sais d'ailleurs pas par quoi commencer... Je pense qu'au même titre que la construction, ou que la narration, mon cerveau en est tout retourné, brisé en 1000 facettes et recollé de manière aléatoire. Un Picasso de l'écriture.
Non, plus sérieusement, La Maison aux mille étages n'est pas facile d'accès, et pourtant tout à la fois basique. Je m'explique :
C'est une débauche de corps, de couleurs, de bruits, de sensations si heureuses qu'elles en deviennent malsaines, c'est un tourbillon, un concentré surréaliste, un récit qui brouille la perception, qui joue avec les rêves, la mémoire, la folie.
C'est une ferveur, une fièvre, une fantaisie futuriste.
C'est un conte symbolique, acide.
Derrière des scènes d'une violence extrême mais très rapides (pas plus de quelques lignes, l'horreur n'a pas le temps de s'installer qu'elle est cachée par une autre vision, un autre personnage) se cache une réflexion sur le monde, comme bien souvent dans ce genre de roman, une mise en scène d'une révolution.
C'est un voyage énigmatique aux confins du réel, un cauchemar dystopique délirant. La recherche de Muller, le dieu omniscient et tout puissant qui régit cette tour incroyable (et le monde ?) ne fut pas de tout repos, une quête que j'hésite à qualifier de farfelue ou de dingue, ou de géniale.

J'y ai même retrouvé une certaine poésie, par touches délicates, dans la torture des fleurs par exemple, ou dans cette manipulation de l'humanité.
On touche aussi au merveilleux, avec la construction même de la tour, qui semble infinie.
Il y a de la fureur, avec tous ces métiers d'assassins prêts au spectacle, avec ces rues bondées et fiévreuses !
Il y a beaucoup de choses en peu de pages, et désolée si ma critique est décousue. En vérité, je ne sais même pas si j'ai aimé ou pas ce que j'ai lu. Ce roman, je l'ai dévoré, j'ai souris, j'ai fait la tête, j'ai tenté de l'imaginer dans ma tête, j'ai halluciné, j'ai acquiescé, je me suis dit : hé ben, quelle folie !

Le fait qu'elle ait été écrite en 1929 donne l'arrière-goût principal de cette histoire. On rétrograde un instant et on se dit que oui, la science-fiction peut prendre toutes les formes qu'elle veut, elle a toujours des choses intéressantes à dire, sur les Hommes et la société.
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La maison aux mille étages est le premier livre que je lis de la nouvelle collection dédiée à l'Imaginaire chez Hachette, le Rayon Imaginaire.

La maison aux mille étages est également un sacré casse-tête. Evidemment, avec 1 000 étages, ça rend le repérage un peu complexe dans l'espace. le schmilblick se corse quand, par des moyens très théâtraux, les étages s'avèrent être des rues. Une multitude de rues qui dessinent une ville à grande échelle, et qui vont même au-delà puisqu'il est question d'univers et de planètes. Plus on monte dans les étages, plus la population s'appauvrit. Plus on descend, plus c'est clinquant. C'est certes labyrinthique, mais on s'amuse un peu à parcourir ces endroits, d'autant que c'est très visuel. La mise en page très graphique permet de rendre vivants ces lieux, à coups de réclames, enseignes et messages muraux retranscrits dans leur forme visuelle. C'est d'abord un roman qui se regarde, avec une mise en scène malgré tout très théâtrale.

Sur le fond, de quoi parle ce roman ? Ah, ça se corse encore plus. Et je regrette, d'ailleurs, que le texte n'ait pas été accompagné d'un petit appareil critique, ne serait-ce qu'une postface, comme sa précédente édition.
Car la maison aux mille étages est un texte assez cryptique, aussi ne dessinerai-je ici que ce que j'ai pu en comprendre/interpréter.
Cette maison est un huis-clos dirigé par un dictateur en puissance, qui a fait de sa création un univers totalitaire. On a donc des échos à des luttes sociales, des révoltes populaires, des résistances plus musclées, mais aussi à des répressions sanglantes et à un contrôle des individus particulièrement glaçant (une sorte de Big Brother is watching you en avance).

La maison aux mille étages est un texte particulièrement surréaliste, on dirait qu'il a été rédigé en écriture automatique. Parfois, on se demande si le narrateur a fumé, tant cela semble décousu, absurde, fantasque. Mais parmi tout ce fatras surréaliste, jonché d'images et d'allégories que je n'ai pas toujours saisies, on parvient tout de même à capter des bribes de réel, laissant entrapercevoir un cauchemar visionnaire particulièrement glaçant. Et le parallèle avec le vécu de l'auteur prend alors tout son sens.
Ajoutez à cela une bonne dose d'onirisme, et vous avez un texte étrange, qui vous interroge à chaque phrase. Mais dans quelle réalité sommes-nous ?

Une question que je me suis posé tout au long de ma lecture; parfois, j'ai pu me raccrocher aux branches, parfois je me suis juste laissée porter par la poésie surréaliste de Jan Weiss. Assurément, j'ai passé un moment de lecture atypique, mémorable, et qui me fait penser que c'est le genre de romans qu'on peut lire 15 fois et trouver 15 sens différents. J'aime particulièrement ce genre de textes.
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/j..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
… Brok put enfin se faire une opinion sur Ohisver Muller et se représenter la monstrueuse grandeur de cet homme mystérieux qui était partout et nulle part. C’est ici que se déroulaient les luttes inégales entre les mulldors, sa monnaie, et les pauvres devises des autres nations. C’est en ce lieu que, chaque jour, des milliers de bouches prononcent mille et mille fois son nom. Ce nom qui résonne, tantôt comme un gémissement, tantôt comme un cri victorieux, tantôt comme une prière implorant la pitié ou le craquement des os sous un dur talon. La grande loupe au plafond était son œil.
Le microphone dans le mur son oreille. Le haut-parleur de cristal sa bouche. Sa main, sans doute peut descendre du plafond et lui-même peut apparaître dans un miroir.
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Soudain, il huma l’air. Une odeur étrange frappait ses narines. Une odeur tellement violente qu’il en manque s’évanouir. Elle s’élevait dans son cerveau comme les vapeurs de l’alcool, l’engourdissant et l’exaltant tour à tour, en traçant de curieux paysages devant ses yeux. « Mais quel est ce parfum si paisible et si bon ? Un pré fauché à la lisière d’une forêt. Tel l’encens qui s’élève des autels sacrificatoires, des meules de foin l’odeur monte vers le ciel. Sur ce pré, je me suis couché moi-même. J’ai du foin sous la tête, j’ai des brindilles dans les cheveux. Je suis couvert d’épices chaudes qui se dessèchent. Et je reconnais leurs différents langages : le serpolet, la sauge, la camomille.
>> Et quand j’ouvre les yeux, je vois la brume épaisse comme un crème. Je me souviens, je commence à me souvenir. La princesse s’éloigne et une musique, quelque part au centre de l’univers accompagne sa fuite… Mais ce parfum, d’où vient-il et quelle est sa signification ? Est-ce l’envoûtante mélodie des odeurs, qui berce et déchire avec plus de violence encore que le triste amour, aux lointains, du violoncelle et du violon ?
>> Et s’exhale l’arôme de la forêt, des mousses, des aiguilles de pins, des fraises et de la résine. Je vois une source blottie sous la verte dentelle des fougères. Y viennent boire les oiseaux des bois, les chevreuils et les braconniers…
>> Mais à présent, l’odeur de la forêt se disperse aussi dans la blancheur du brouillard. (…) Un vent s’élève qui fait claquer les voiles. La froide odeur de la mer (…)
>> Et voici qu’une nouvelle odeur, complètement différente, naît et prends sa place. Elle évoque un rêve étrange, depuis longtemps oublié. La chaleur du fourneau de cuisine, les fumets nourrissants des casseroles qui disent que le déjeuner est proche. Et soudain le courant d’air d’une porte brusquement ouverte. Une bouche qui s’ouvre et crie : « La guerre ! » Et de nouveau tout disparait sans laisser de trace (…)
>> Maintenant les odeurs se succèdent rapidement.
>> Une locomotive qui s’essouffle, les fumées.
>> La puanteur des wagons : six chevaux, trente hommes…
>> L’atmosphère meurtrière de la saleté, de l’eau-de-vie, des pieds sales et des latrines.
>> Le lointain
>> La terre fraichement retournée.
>> La poudre.
>> Les incendies qui couvent.
>> Le sang.
>> La pourriture des déchets, des conserves, des blessures purulentes, du phénol ; la pestilence des punaises écrasées, la fermentation et la décomposition de la chair ; les engelures noires qui se putréfient sous les pansements malpropres.
>> Au plafond, une petite lampe jaune répand dans l’air un mélange de pétrole et de mèche qui charbonne.
Pierre Brok se ressaisit. « Cela, tout cela, c’est mon passé ! Ce sont les souvenirs que j’ai perdus. Vite ! Vite ! » Il tendit la main. Rien ! La brume blanche. La princesse noire.
« Il n’est point de passé, hormis Mullertown »
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Un brouillard opalin, dense comme du lait, lui bouchait la vue. Brok hésita, se frotta les yeux, tendit les mains comme un aveugle et les agita.
A trois pas devant lui, il vit se fondre deux silhouettes, l’une noire, l’autre blanche. Atchorguène et la princesse. Brok s’élança dans la brume, les bras tendus et ne rencontra que le vide. Les ténèbres blanches l’éblouirent. Le silence opalisé l’assourdit.
Il bondit vers l’endroit où avait disparu la princesse. Il appela et battit des bras comme un oiseau aux ailes brisées. Le brouillard l’étouffait, une étrange chanson tintait dans ses oreilles. Non, ce n’était pas la brume qui chantait ainsi ! C’était le sang qui battait dans ses artères !
Chaque pas en avant ajoutait à son angoisse. Son corps ne lui obéissait plus et appréhendait les pièges qui semblaient le guetter dans cette atmosphère brumeuse. En se déplaçant lentement, il marcha dans la même direction, longtemps, très longtemps, sans jamais en trouver la fin.
Soudain il s’arrête et craint d’avoir été trop loin. Doit-il revenir sur ses pas ? Il est là, hésitant, au milieu des ténèbres blanches, abandonné des êtres et des choses, égaré, dilué dans cette vapeur sans limite. Déjà il est perdu, déjà les ténèbres blanches l’engloutissent, le traversent et le remplissent. Il sent qu’il va tomber et que son corps sans vie demeurera ici longtemps, très longtemps. Une jour peut-être, quand cette impondérable blancheur se sera dissipée, des gens passeront ici et heurteront du pied son cadavre. Mais personne ne le verra.
Ses forces l’abandonnent, Il ne peut aller plus loin. Ses jambes semblent se liquéfier et devenir, elles aussi, un lourd brouillard sans forme. Il s’effondre et se met à pleurer.
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Cette ascension aura-t-elle jamais une fin ? Où sont les portes? L’homme monte toujours. Le tête lui tourne, le tapis et sa cascade de pourpre lui incendie le cerveau.
Soudain il s’arrête. « Peut-être … vaudrait-il mieux redescendre ? Reculer ? Non, il est trop tard. Je suis allé trop haut. Plus haut. En avant ! »
Encore un étage. Et encore un. Ce n’est plus possible. Encore un. Le dernier ? Un nouvel étage, monotone, et la langue que tire le tapis rouge.
Le cœur est prêt à se rompre, les jambes fléchissent. Impossible d’aller plus haut. « Où suis-je arrivé ? Qui ?... Moi ? Qui est-ce, moi ? Qui suis-je ? »
Une pensée stupéfiante. Une surprise. L’homme saisit sa tête entre ses mains.
« Qui suis-je ? »
Mais le cerveau se tait… De mémoire ?... Point !
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- Monsieur, faites de moi et de mes frères de nouveaux hommes. Donnez-nous des noms au lieu de nos matricules, des aliments plutôt que des cubes. Donnez-nous l’amour, le désir et les rêves. Faites-nous sortir de cette prison et donnez le soleil à tous ceux qui croyaient l’avoir perdu à jamais.
- Je le promets, dit Brocke.
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