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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
1889 - Oscar Wilde imagine et écrit son Portrait de Dorian Gray. C'est ce manuscrit nullement censuré et "déterré" en 2011 grâce au travail de Nicholas Frankel que Les Cahiers Rouges de Grasset viennent d'éditer en Septembre 2016 dans sa traduction française d'Anatole Tomczak.

20 Juin 1890 - La revue américaine Lippincott's Monthly Magazine publie ce manuscrit. Quand l'Angleterre le découvre, elle est scandalisée. Mais ce que tout le monde ignore à cette époque c'est que Joseph Marshall Stoddart, son rédacteur en chef, en a déjà censuré les passages les plus scabreux.

1891 - le Portrait de Dorian Gray parait en volume. Mais, poussé par son éditeur anglais qui redoute le procès, Wilde doit reprendre son texte. Il atténue ses aspects les plus sulfureux et y ajoute six chapitres afin de donner au roman une couleur plus mélodramatique.

1895 - L'avocat du marquis de Queensberry, lors du procès qu'il a intenté à Oscar Wide, s'appuie sur la version du Lippincott's pour prouver la perversité de son auteur. Nul doute que s'il en avait eu connaissance, il aurait utilisé le manuscrit que Wilde avait remis au magazine américain, avant qu'il ne soit censuré.
Wilde est condamné à deux ans de travaux forcés. À sa sortie de prison, ruiné, éreinté, abandonné par la plupart de ses amis, il s'exile en France sous le nom de Sébastien Melmoth. Après une agonie de plusieurs mois, il meurt le 30 Novembre 1900 dans un hôtel misérable de la rue des Beaux-Arts à Paris.

Ayant lu la version volume édulcorée il y a trop longtemps, je ne suis pas en mesure d'établir une comparaison entre les deux. Excepté peut-être que je n'aurais pas conseillé la présente à mon fils, jeune ado, ainsi que je l'avais fait à l'époque. Non qu'elle soit indécente - elle ne l'est pas - mais parce que les subtilités et le style de son écriture ne sont pas à la portée d'un trop jeune lecteur.

En refermant le livre, je n'ai pu retenir un sourire ironique à la pensée de l'indignation, voire de l'hystérie, d'une l'Angleterre si outrée à la découverte d'une version pourtant déjà censurée une première fois. Amusant quand on sait que, en France, un siècle plus tôt (1795), Sade publiait sa Philosophie dans le Boudoir.
Elle était décidément bien prude cette Angleterre du XIXe siècle pour voir de la pornographie dans l'oeuvre de Wilde. Elle avait le marquis de Queensberry... nous, celui de Sade. Ceci explique sans doute cela.

Ah ! Oscar, Oscar ! Merveilleux et insolent Oscar !
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Quand ai-je lu la version expurgée ? Ma mémoire a perdu la trace de la date... mais pas celle de la fascination pour cette histoire ensorcelante.
J'avais donc dans ma PAL - le portrait de Dorian Gray non censuré -, c'est-à- dire fidèle au manuscrit initial d'Oscar Wilde, "débarrassé " des six chapitres écrits pour satisfaire aux moeurs et aux injonctions sociétales de ses contemporains, et plus explicite sur la nature des relations des protagonistes masculins du chef-d'oeuvre, et de leur conduite.
J'ai retrouvé avec ravissement le mythe de Faust repris et transposé par le génie De Wilde.
Dorian Gray jeune héritier d'une immense fortune dans la haute société victorienne est doté d'une beauté exceptionnelle, laquelle beauté fascine, enchante et envoûte toutes celles et ceux qui l'approchent. À commencer par un célèbre peintre londonien, Basil Hallward... qui va faire, avec tout l'amour que lui inspire son modèle, le portrait de celui-ci et, ce faisant, réaliser le chef-d'oeuvre de sa vie.
"Pour l'anecdote, Wilde aurait tiré son idée géniale de la réflexion réelle d'un jeune homme entendue dans l'atelier d'un peintre."
Dorian est encore "pur", ce n'est que sous l'influence diabolique de Lord Henry, un ami du peintre, qu'il va prendre conscience de son extraordinaire beauté, du pouvoir qu'elle génère... et de son caractère éphémère.
Le portrait achevé, il lui est offert par Hallward.
Dorian tel Narcisse amoureux de sa propre image va alors être obsédé par l'évanescence de cette dernière et sceller un pacte afin de conserver jeunesse et beauté. C'est son portrait, reflet de son "âme" ou de sa conscience qui seul vieillira et se marquera des affres de ses turpitudes.
Dorian va avec la plus grande délectation visiter voluptueusement les Enfers, braver tous les interdits, abandonner la morale pour les sens, céder à tous les plaisirs, ruiner la vie de celles et ceux qu'il séduit, s'abandonner au crime... laissant à son portrait la lourde peine de porter le fardeau de toutes ses dépravations et de toutes ses "hontes".
Depuis plus d'un siècle, beaucoup tentent d'interpréter les multiples sens cachés de cette oeuvre foisonnante... et il y en a !
Roman fantastique, "conte noir", réflexion métaphysique, philosophique, questionnement sur l'Art, sur le bien et le mal, - le portrait de Dorian Gray -, outre le fait d'être un puits de réflexions, d'interrogations, de mystères, d'énigmes, est une oeuvre à l'esthétique sublime.
Le fond et la forme se conjuguent dans une harmonie de beauté et d'érudition dont on ne se lasse pas.
Wilde qui était d'abord et avant tout un auteur de théâtre, et c'est avec gourmandise que l'on savoure ses aphorismes et ses répliques immortel(le)s, garde dans ce qui fut son unique roman ce sens et cette tonalité de l'homme rendu célèbre par ses pièces.
Ne connaissant pas sa voix, lorsque je le lis, c'est celle de Guitry ( Sacha pas Lucien ) qui résonne à mes oreilles lors de certains passages.
"Le seul moyen de se défaire d'une tentation est d'y succomber".
"De nos jours les gens savent le prix de tout, mais ne connaissent la valeur de rien."
Qui ne connaît pas ces mots... qui ont un air Guitrien ?
Trois scènes m'ont beaucoup impressionné :
- la première est la rupture avec Sybil Vane,
- la seconde est celle du crime,
- la troisième est la scène finale... qui, chaque fois, me "bouleverse".
Pour conclure cette présentation, je vous laisse sur ces mots De Wilde :
"Basil Hallward is what I think I am: Lord Henry what the world thinks me: Dorian what I would like to be- in other ages, perhaps.”
Un immense bouquin dont Grasset a très bien fait d'éditer cette version censurée.

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Une fois n'est pas coutume, compte tenu de l'histoire peu commune de ce livre je me permets de jouer les Wikipédia, en essayant de ne pas être soporifique.

La première fois que le Portrait de Dorian Gray a été publié c'était en 1880 dans une revue Américaine du nom de Lippincott's Monthly Magazine qui avait pour habitude de publier des textes inédits. Bien que le directeur du journal eu prît soin de censurer certains passages avant publication, le texte fît tout de même scandale et on cria à l'infamie et au dégoût. L'éditeur d'Oscar Wilde, courageux mais pas téméraire, redoutait le procès. Il demanda donc à l'auteur de revoir son texte avant publication. Oscar Wilde obtempéra et chose étonnante au lieu de retirer simplement des passages il ajouta six chapitres afin d'édulcorer son propos et de le rendre publiable. Cette version, alors même qu'elle avait été censurée deux fois, fît tout de même scandale . La préface des éditions Grasset reprend quelques extraits des critiques de l'époque : « M Wilde a écrit des choses qu'on ne préférerait jamais voir imprimées » « une vie de débauche contre-nature » « Il prend un plaisir malsain à étudier la corruption morale et physique d'en garçon beau comme un ange » « d'une frivolité efféminée, d'une duplicité calculée, d'un cynisme affecté et d'un mysticisme sordide » on parlera également de blasphème, de dégoût, de vice, de démence… Pourtant si certains auteurs tels que Mallarmé, Gide, Camus reconnaissent son talent voir son génie, il est évident que la société de l'époque n'est pas prête et l'auteur le paie cher. Excentrique, homosexuel, talentueux, instruit et provocateur son livre est à son image et les deux dérangent. Quatre ans après la parution de son livre il est condamné aux travaux forcés, à cause de son homosexualité, le 25 mai 1895 et purgera sa peine dans la prison de Reading, au sud de l'Angleterre. A sa sortie de prison il choisira la France comme terre d'exil. Il mourra à Paris en 1900 seul et dans la misère.

Jamais donc ce texte qui fît tant parlé de lui, et qui impacta de manière terrible la vie de son auteur, n'avait été publié en français dans sa version originale. Les éditions Grasset ont donc décidé en 2016 de le faire en reprenant le manuscrit initial d'Oscar Wilde. Cette version comprend donc les passages supprimés mais pas les chapitres ajoutés. Attention la préface du livre en dit plus sur les passages supprimés, donc peut être à lire après le livre pour éviter de découvrir malencontreusement certaines choses.

Je quitte le mode Wikipédia et j'en reviens à l'essentiel : le livre. Rien que pour tous ces rebondissements j'avais envie de le lire. Je n'ai vraiment pas été déçue : la plume d'Oscar Wilde est géniale ! Poétique, érudite, délicieusement provocatrice. J'adore. Je comprends pourquoi elle a tant dérangé : quand il écrit il met son âme à nu, ce qui est terriblement impudique évidemment. Il détaille la nature humaine dans ce qu'elle a de plus pure mais aussi de plus corrompue et sordide.
Dorian Gray est à la fois cruel et innocent, complètement amoral à la manière d'un enfant laissé à l'état brut. Basile est la bonté incarné et la résignation, Harry est à l'opposé complètement immoral (donc pire que Dorian Gray à mon sens) sans aucun état d'âme ; un épicurien au sens péjoratif du terme. Malgré cela je n'ai pu m'empêcher à certains moments d'être séduite par l'ombre plus que par la lumière. le personnage de Basile est pourtant admirable, une véritable allégorie de l'Amour, et pas au sens niais du terme.

Quand au côté sulfureux du livre les années passées et l'évolution de nos sociétés ont bien entendu érodé l'aspect scandaleux des passages censurés. Mais je peux tout à fait imaginer ces ladies and gentlemen de la bonne société londonienne s'étouffer avec leur thé à la lecture de certains passages. Pure hypocrisie d'ailleurs car la même bonne société londonienne n'hésitait pas à aller s'encanailler dans les quartiers du East End pour ensuite mieux se détourner de sa pauvreté.
Évidemment je n'ai pas été dérangé par les allusions à l'homosexualité, par contre ce qui m'a gêné c'est la vision de la femme dans ce livre. Provocation de la part de l'auteur ? Je pense car Oscar Wilde a fait preuve de trop de finesse d'esprit pour être ensuite aussi balourd dans ses propos. Je pense qu'il s'agit plus d'une critique du rôle de la femme dans la société de l'époque. Par ailleurs il était ami avec de nombreuses femmes dont certaines ouvertement féministes, une prise de position misogyne me semble donc peu probable. Idem pour les commentaires antisémites qui à mon avis ne sont qu'une caricature de l'époque.

Je n'ai pas lu la version censurée et je n'en ai pas l'intention car cette version m'a séduite. Provocateur , rebel, passionné, aristocratiquement incorrect, Oscar Wilde a fait preuve de tellement de courage et d'honnêteté en écrivant le Portrait de Dorian Gray qu'il mérite d'être lu. Quand bien même on ferait abstraction du contexte il faut bien avouer que ce livre est diaboliquement bien écrit.
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Heureusement qu'il est noté que c'est la version non censurée, parce que sinon, je ne l'aurais pas cru si cela avait été ma première lecture de ce roman.

Il existait donc, au fond d'un tiroir, la version originale que Wilde donna à Stoddart, rédacteur de la revue américaine du Lippincott's pour sa publication en 1890 ??

Encore eut-il fallusse qu'on le susse. Qu'on le sussasse ?

Anybref, on avait ressorti la vraie version, l'intégrale et je ne le savais pas !

Mais où est le shocking ? Je dois être moins cul béni et cul serré que les Anglais de l'époque, qui s'offusquèrent du roman De Wilde lorsqu'il sortit en roman (paru en 1891).

Ils ne savaient pas que cet oeuvre avait déjà subi le caviardage au Lippincott's et que les choses les plus tendancieuses (les allusions homosexuelles, autrement dit) avaient été passée par pertes et profits (500 mots, au bas mot) ???

Sans doute que non, ou alors, leurs culs étaient serrés à mort car, après un épurage réalisé par ceux du Lippincott's, les Anglais puritains ont de nouveau demandé à Wilde de censurer son texte, déjà caviardé… Ça caviardait fort.

Wilde reprend son texte, atténue ses aspects les plus sulfureux et y ajoute six chapitres afin de donner au roman une couleur plus mélodramatique. Ce sera celle que nous connaissons et que j'ai déjà lu deux fois (dont en juin 2019).

Pire, en 1895, le marquis de Queensberry s'appuya sur la version épurée parue dans le Lippincott's afin de prouver la perversité De Wilde. Mon Dieu, s'il avait su qu'il existait une version non censurée…

Mais bordel de cul, il est où le sulfureux ?? Je m'attendais à des scènes sensuelles entre mecs, des attouchements du service trois-pièces, des hommes se réveillant au petit matin, nus et puant le stupre et la fornication !

Cherchez pas, ce que les puritains ont vu et censuré ne nous "en fera même pas bouger une" à notre époque…

Tout est suggéré, à demi-mot, même si on se doute qu'il se déroule des trucs pas net, dans la seconde résidence de Dorian Gray et que des gens jouent à tchik-y-boum, mais ces hypothèses sont le fait de mon cerveau, de mon imagination grivoise, un puritain n'aurait pas pu y lire autre chose… Apparemment, si !

Le marquis de Sade a fait bien pire et lui, au moins, c'était expliqué noir sur blanc, les scènes de cul !

Évidemment, Wilde avait du talent, de l'humour, de la répartie, et ça, ça ne pardonne jamais, les gens sont jaloux et il faut que vous tombiez dans la disgrâce la plus totale.

La loi condamnant l'homosexualité masculine y était pour beaucoup aussi, même si on a moins fait de scandale pour le petit-fils de la reine qu'on avait attrapé dans un bordel pour hommes… le petit-fils de la reine peut jouer à des jeux entre hommes, ça passe mieux que Wilde, sans doute.

J'ai beau avoir relu la version censurée et caviardée l'année dernière, j'aurais bien été incapable de dire qu'elles phrases se trouvaient en plus, dans cette édition, si la préface n'en avait pas dévoilée quelques unes.

Mais ce n'est pas aux amours masculines que je m'attache dans ce roman, c'est aux personnages, fouillés, travaillés, bien développés, surtout Dorian, qui passe par tous les affres de la culpabilité ou du je m'en-foutisme, qui se perverti sous nos yeux et sur cette société coincée qui pense que si un homme est mauvais, cela se voit sur son visage…

Lord Henry et ses aphorismes, sa manière de jouir de la vie, me fait penser à un avatar De Wilde lui-même. Un avatar sombre puisqu'il pousse Dorian, tel un Méphisto, à passer du côté obscur de la Force.

Troisième relecture et le roman n'a rien perdu en force, j'ai même eu l'impression que je le découvrais pour la première fois (les miracles d'Alzheimer) et à nouveau, j'ai assistée, impuissante, à la chute de Dorian vers tout ce qui est laid, futile et mal.

Au fait, la bonne société de l'époque, celle au cul si serré, pourquoi ne s'est-elle pas offusquée du côté misogyne de leur société ? Ni de la manière dont ils traitaient leurs domestiques ?

Ils auraient mieux fait de donner plus de droits à leurs épouses et à leurs domestiques au lieu de débattre sur les allusions homosexuelles du roman... Sans doute ces dernières étaient plus croustillantes et sans danger pour cette société.

Toujours un plaisir à relire.


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Quel régal que ce livre !
Par hasard, je l'ai vu dans sa version non censurée, c'est à dire celle qu'Oscar Wilde avait initialement écrite.
Je n'ai jamais lue la version la plus courante, celle que tout le monde lit.
Je ne peux donc pas comparer et savoir en quoi la censure gênait ou entravait le roman.
En tout cas, aujourd'hui, ce roman n'est en rien choquant ou sulfureux.
Les temps ont bien évolués ...et les amours homosexuelles ont le droit d'exister .
J'ai adoré, l'écriture, l'histoire, l'époque, l'ambiance…
Le roman n'est pas qu'anecdotique, c'est une vraie réflexion intéressante, sur la jeunesse, la beauté, l'amour, l'art, la vie.
Il y a de beaux moments d'écriture, que ne laissent pas indifférents.
Bref un livre que je recommande chaudement.
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Une version non censurée du Portrait de Dorian Gray, inédite en français, vient de paraître (Les Cahiers Rouges, Grasset). Cette version avait été publiée dans une revue américaine quelques mois avant la version de 1891 que nous connaissons. On y découvre un Dorian Gray plus homo-érotique, Basil Hallward (le peintre du portait) lui déclare ouvertement sa flamme "Je reconnais avoir conçu pour toi un amour fou, extravagant, irrationnel" tandis que les allusions érudites à la littérature érotique antique foisonnent. Cette version initiale est plus courte, plus brute, sans doute plus transgressive.
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Je n'avais jamais lu la version "censurée", c'est-à-dire expurgée de certains mots et noms de personnages historiques controversés (comme Héliogabale) et édulcorée par l'ajout de six chapitres. Comme tout le monde je connaissais en gros l'histoire et savais qu'il s'agissait d'une variation sur le mythe faustien de l'éternelle jeunesse. Je ne regrette pas d'avoir lu l'oeuvre originale, son caractère ramassé (200 pages) en faisant un texte puissant, encore aujourd'hui même si, bien sûr, il n'y a dans ces pages absolument rien de pornographique, du moins au regard des critères actuels.
Je suppose que les analyses de ce classique se comptent par milliers, raison pour laquelle je me contenterai de livrer quelques-unes de mes modestes impressions.
L'histoire en bref : Dorian Gray est un jeune, beau et riche héritier solitaire qui compte deux amis, le pur et moral Basil Hallward et le cynique et sulfureux Henry Wotton. Basil peint un magnifique portrait de Gray qui formule le voeu de demeurer toujours conforme à l'image du portrait, résistant aux vicissitudes du temps qui passe. Wotton, redouté de Basil, ne tarde pas à exercer une influence néfaste sur le très malléable Dorian (le fameux aphorisme selon lequel "Le meilleur moyen de résister à la tentation c'est d'y céder", sort de sa bouche), le transformant en un débauché qui conservera toutefois sa beauté séraphique, son portrait prenant par contre l'empreinte de tous ses méfaits. La fin de l'histoire sera à la fois horrifique et fantastique.
J'ai eu l'impression que les trois personnages constituaient en réalité trois facettes d'Oscar Wilde, l'une rêvée et les deux autres reconstituant son "moi" réel. Dorian Gray me semble représenter l'être que Wilde aurait aimé être, beau et riche, et qu'il se venge ou console de ne pas être en lui infligeant le destin qui sera le sien. Wotton, par son brillant esprit et son cynisme est peut-être le personnage le plus proche de Wilde quoiqu'en une version monstrueuse. Hallward est le personnage le moins développé des trois et, au premier abord, le plus ennuyeusement moral. Mais, à y regarder de plus près, c'est probablement le plus complexe car c'est son tableau et l'étrange vertu de celui-ci qui sera à l'origine du drame et Basil a pour Dorian des sentiments réprouvés par l'époque.
Dorian Gray lui-même m'a semblé étrangement vide, tiraillé entre ses deux amitiés antagonistes, débauché certes mais sans passion apparente, une sorte de bel objet étrange, une sorte de marionnette dont Wilde semble éprouver un malin plaisir à triturer les fils....
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Comment ne pas aimer cet ouvrage qui creuse encore la dualité entre la part d'ombre et la facette sociale de l'individu ? C'est une relecture plus victorienne encore du thème de Dr jekyll et Mister Hyde. de surcroît, une oeuvre assez atypique pour Oscar Wilde, inspirée de celle de son oncle, qui écrivit "Melmoth". Un grand classique, brillant et fort bien écrit.
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J'ai acheté cette version du Portrait de Dorian Gray parce que je trouvais le livre joli dans cette édition, et je m'étais dit que la mention "non censuré" signifiait que certains mots et passages retirés des éditions habituelles auraient été rétablis dans celle-ci. Ce que je ne savais pas, et que j'ai découvert dans la préface, c'est que pas moins de six chapitres avaient étés rajoutés dans la version que l'on connaît le plus aujourd'hui. Je me suis alors dit que le livre que je m'apprêtais à lire n'était peut-être pas celui que tant de monde avait aimé, que peut-être ces deux ouvrages n'avaient plus grand chose à voir... Ca, je n'en sais toujours rien, et la seule façon d'y remédier sera de lire la version censurée. En revanche, ce que je sais, c'est que cette version m'a plu.

Pourtant, cette lecture n'était pas celle que j'avais imaginée. Compte tenu de la polémique et de la censure qui ont suivi la parution du roman, je m'attendais à une histoire dont le noyau serait l'homosexualité du jeune Dorian, et j'ai donc été surprise quand j'ai constaté qu'elle n'y prenait en fait que peu de place. Finalement, je n'aurais pas dû aller chercher plus loin que le titre, puisque comme il l'annonce explicitement, le roman tourne autour de Dorian et de son portrait.
D'ailleurs, parlons-en de Dorian! L'affection que je porte au personnage principal est parfois déterminante de l'estime que j'ai pour son roman. Autant dire que celui-ci déroge à la règle : j'ai trouvé Dorian Gray odieux, et j'ai pourtant adoré ce livre. Je crois que cela peut s'expliquer par l'amour pour la plume De Wilde dans lequel je suis tombée. Comme ces beaux parleurs que l'on écouterait nous raconter les pires horreurs avec volupté tant ils le font bien, il me semble que Wilde pourrait nous faire lire absolument n'importe quoi, et ce toujours avec délectation.
Cependant, si j'ai trouvé certains personnages très subtils et complets, d'autres m'ont paru un peu trop grossiers, et je me suis par ailleurs un peu ennuyée lors d'un passage franchement assommant, dont je me demande encore ce qu'il apportait au roman... Enfin, cela est bien négligeable à côté de tous les atouts de ce livre, qui sont tout ce dont je me souviendrai!
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Ce qui me touche le plus dans le Portrait de Dorian Gray n'est pas le festival de bons mots lâchés par Lord Henry. C'est au contraire sa partie fantastique, si anglaise, si peu française, qui n'a pas trait à l'esprit, mais au coeur, et qui est bien plus profonde. Oscar Wilde nous dit que l'homme est immortel par le coeur, et que l'art est un révélateur de ce que nous sommes au fond de nous. Cet effet miroir est vertigineux, car notre part d'ombre ressort toujours dans le tableau qu'un artiste fait de nous. Il en a besoin pour montrer la vie. Ce roman d'Oscar Wilde est profondément fantastique, donc profondément humain. 
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