Heureusement qu'il est noté que c'est la version non censurée, parce que sinon, je ne l'aurais pas cru si cela avait été ma première lecture de ce roman.
Il existait donc, au fond d'un tiroir, la version originale que Wilde donna à Stoddart, rédacteur de la revue américaine du Lippincott's pour sa publication en 1890 ??
Encore eut-il fallusse qu'on le susse. Qu'on le sussasse ?
Anybref, on avait ressorti la vraie version, l'intégrale et je ne le savais pas !
Mais où est le shocking ? Je dois être moins cul béni et cul serré que les Anglais de l'époque, qui s'offusquèrent du roman
De Wilde lorsqu'il sortit en roman (paru en 1891).
Ils ne savaient pas que cet oeuvre avait déjà subi le caviardage au Lippincott's et que les choses les plus tendancieuses (les allusions homosexuelles, autrement dit) avaient été passée par pertes et profits (500 mots, au bas mot) ???
Sans doute que non, ou alors, leurs culs étaient serrés à mort car, après un épurage réalisé par ceux du Lippincott's, les Anglais puritains ont de nouveau demandé à Wilde de censurer son texte, déjà caviardé… Ça caviardait fort.
Wilde reprend son texte, atténue ses aspects les plus sulfureux et y ajoute six chapitres afin de donner au roman une couleur plus mélodramatique. Ce sera celle que nous connaissons et que j'ai déjà lu deux fois (dont en juin 2019).
Pire, en 1895, le marquis de Queensberry s'appuya sur la version épurée parue dans le Lippincott's afin de prouver la perversité
De Wilde. Mon Dieu, s'il avait su qu'il existait une version non censurée…
Mais bordel de cul, il est où le sulfureux ?? Je m'attendais à des scènes sensuelles entre mecs, des attouchements du service trois-pièces, des hommes se réveillant au petit matin, nus et puant le stupre et la fornication !
Cherchez pas, ce que les puritains ont vu et censuré ne nous "en fera même pas bouger une" à notre époque…
Tout est suggéré, à demi-mot, même si on se doute qu'il se déroule des trucs pas net, dans la seconde résidence de Dorian Gray et que des gens jouent à tchik-y-boum, mais ces hypothèses sont le fait de mon cerveau, de mon imagination grivoise, un puritain n'aurait pas pu y lire autre chose… Apparemment, si !
Le marquis de
Sade a fait bien pire et lui, au moins, c'était expliqué noir sur blanc, les scènes de cul !
Évidemment, Wilde avait du talent, de l'humour, de la répartie, et ça, ça ne pardonne jamais, les gens sont jaloux et il faut que vous tombiez dans la disgrâce la plus totale.
La loi condamnant l'homosexualité masculine y était pour beaucoup aussi, même si on a moins fait de scandale pour le petit-fils de la reine qu'on avait attrapé dans un bordel pour hommes… le petit-fils de la reine peut jouer à des jeux entre hommes, ça passe mieux que Wilde, sans doute.
J'ai beau avoir relu la version censurée et caviardée l'année dernière, j'aurais bien été incapable de dire qu'elles phrases se trouvaient en plus, dans cette édition, si la préface n'en avait pas dévoilée quelques unes.
Mais ce n'est pas aux amours masculines que je m'attache dans ce roman, c'est aux personnages, fouillés, travaillés, bien développés, surtout Dorian, qui passe par tous les affres de la culpabilité ou du je m'en-foutisme, qui se perverti sous nos yeux et sur cette société coincée qui pense que si un homme est mauvais, cela se voit sur son visage…
Lord Henry et ses
aphorismes, sa manière de jouir de la vie, me fait penser à un avatar
De Wilde lui-même. Un avatar sombre puisqu'il pousse Dorian, tel un Méphisto, à passer du côté obscur de la Force.
Troisième relecture et le roman n'a rien perdu en force, j'ai même eu l'impression que je le découvrais pour la première fois (les miracles d'Alzheimer) et à nouveau, j'ai assistée, impuissante, à la chute de Dorian vers tout ce qui est laid, futile et mal.
Au fait, la bonne société de l'époque, celle au cul si serré, pourquoi ne s'est-elle pas offusquée du côté misogyne de leur société ? Ni de la manière dont ils traitaient leurs domestiques ?
Ils auraient mieux fait de donner plus de droits à leurs épouses et à leurs domestiques au lieu de débattre sur les allusions homosexuelles du roman... Sans doute ces dernières étaient plus croustillantes et sans danger pour cette société.
Toujours un plaisir à relire.
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