Le roman de
Tim Willocks,
La Religion, se déroule en 1565 pendant le grand siège de Malte par les Ottomans. Soliman le Magnifique a décidé de prendre l'archipel aux chevaliers de l'ordre de saint Jean de Jérusalem et d'en faire une base stratégique en méditerranée.
Pendant quatre longs mois, nous allons vivre quasiment au jour le jour avec Mattias Tannhäuser, avec les chevaliers de Malte, commandés par le grand maitre de l'Ordre Jean Parisot de la Valette, avec les milliers d'ottomans, avec le peule de Malte et avec les principaux personnages de cette épopée romanesque digne de « Notre Dame de Paris » ou des « Piliers de la terre ».
A la fin du mois de mai 1565, la flotte Truque débarque à Malte et commence le siège des positions chrétiennes. Très inférieurs en nombre, les chevaliers vont se réfugier dans les villes fortifiées de l'Ile et tenir largement au-delà de ce qui aurait été prévisible. Les ottomans assaillent le Fort de Saint-Elme, les chevaliers vont tenir leurs positions et attendre les secours promis par le roi d'Espagne et le vice-roi de Sicile. Malgré leur grande supériorité numérique, les Ottomans vont essuyer de très lourdes pertes et seront contraints de lever le siège.
Dans ce cadre cauchemardesque, au coeur de cette bataille dans laquelle il n'a pourtant rien à gagner, nous allons découvrir Mattias Tannhäuser, l'allemand. C'est un mercenaire, un ancien janissaire de Soliman le Magnifique, qui connaît donc bien les assaillants, leur langue, leur habitudes, leurs sentiments dans la bagarre. Il aime les femmes, la bonne chère, l'opium qui soulage, le bon vin et son cheval Buracq. Il mène une vie de trafiquant, de marchand, aux côtés de Bors de Carlyle, un géant anglais qui lui sera fidèle jusqu'au bout, « jusqu'à la fin », de Sabato Svi, l'ami juif avec qui il commerce et monte des affaires. Il va ainsi pouvoir aller d'un camp à l'autre, apporter des informations, se battre avec les chevaliers, vivre le siège à sa façon, en faisant tout pour réussir sa mission.
Il rencontre la belle Carla, une jeune veuve, qui lui confesse avoir eu un fils illégitime qu'elle veut retrouver sur cette ile de Malte assiégée par les Ottomans. Pour les beaux yeux de Carla, il va accepter d'aller sur l'Ile assiégée pour retrouver ce fils. Carla est accompagnée d'Amparo, une jeune femme espagnole un peu sorcière, particulièrement belle et étrange, qui va tomber follement amoureuse de Mattias. Toutes deux vont le charmer en jouant de la musique pour lui, et pratiquement l'ensorceler, lui qui restera sous leur emprise tout au long du roman.
En toile de fond, à ces terrible combats, l'inquisition et ses procès incroyables, ses hommes prêts à tout pour la gloire de Dieu, et Ludovico Ludovici, le moine ambitieux et terrible, qui ne renonce à rien au nom de sa foi.
Le livre est long, 950 pages, mais l'histoire est tellement prenante que l'on ne peut pas le lâcher. Malgré les longues descriptions de ces batailles, tellement sanglantes, de ces corps en décomposition, de ces combats à l'épée, de ces morts, du sang versé de part et d'autre, de la douleur et des hommes qui se battent et meurent quand ils n'aspireraient qu'à rentrer chez eux.
Tim Willocks nous fait vivre quatre longs mois de siège implacables et particulièrement féroces et sanglants, par moments au-delà du supportable. Ses descriptions sont tellement réalistes que les images se matérialisent parfois devant les yeux du lecteur. le récit est particulièrement documenté, nous suivons les héros sur l'Ile, les descriptions sont réalistes, parfois un peu trop sanglantes et longues à mon gout, mais très intéressantes.
Mais c'est aussi et avant tout un beau roman où la place est laissée à l'amour, à l'amitié plus forte que tout, au courage, à la fidélité envers ceux qu'on aime, envers
la religion, ou la famille. Les sentiments sont forts, les personnages sont entiers, puissants, on oscille entre le mal et le pardon, entre le bien et le chagrin, entre la trahison et la fidélité, on découvre l'amour pour un père, celui de Mattias pour son vrai père, ou pour Abbas, son père adoptif, ou l'amour d'un père, celui de Ludovico pour un fils. Des sentiments plus forts que les différences, plus forts que toutes ces croyances, ces religions, pour lesquelles tant d'hommes vont vivre et mourir.
C'est une belle épopée romanesque. J'ai hâte de lire la suite !