Que se passe t il dans le cabinet d'un psychanalyste ? Ou plutôt, que se passe t il entre le patient et le thérapeute ? Quelles sont les limites que ne doit pas franchir un thérapeute face aux demandes de son patient ? Comment gérer un patient difficile ? Comment innover, dans la thérapie, sans compromettre la santé psychique du patient et celle du thérapeute ?
Sur tous ces thèmes,
Irvin Yalom, a réalisé une jolie broderie romanesque qu'il est délicat de résumer tant l'esprit de ce livre s'apparente à une comédie à la
Woody Allen.
Essayons néanmoins !
Trois personnages de psychanalystes sont les protagonistes de ce récit : le premier Seymour Trotter, n'apparaît qu'au prologue, mais l'influence qu'il exercera sur le second thérapeute, Ernest Lash, néo analyste de 36 ans,sera déterminante.
Le troisième Marshal Streider, se trouve être le psychanalyste qui supervise Ernest Lash dans ses premiers pas de thérapeute.
Trotter ( 71 ans), après une brillante carrière, s'est décidé à explorer des voies non orthodoxes avec une patiente difficile : il est un peu le libertaire de service qui sera sévèrement puni par l'institution pour avoir enfreint les règles.
Il est l'opposé de Marshal Streider, très imbu de lui-même, intéressé avant tout par le pouvoir et l'argent.C'est justement faute d'avoir su analyser le rapport qu'il entretient avec l'argent qu'il sera « puni ».
Entre ces deux figures paternelles, le jeune analyste qu'est Ernest doit trouver sa voie mais son coeur penche évidemment pour Seymour Trotter dont l'exigence de vérité l'a frappé.
Lash réussit à se sortir d'un piège dans lequel une de ses patientes, désireuse de se venger de lui, tentait de le faire tomber.Il faut préciser que Lash s'occupait, depuis cinq ans d' un patient vivant un véritable enfer conjugal avec sa femme, Carol , qu'il est incapable de quitter. Ce patient, c'est Justin, l'époux de Carol .
Lorsque Carol est enfin quittée par son mari, elle recherche le psychanalyste qui, selon elle, est responsable, le trouve et commence une thérapie sous une fausse identité. L'objectif poursuivi est de séduire Lash, le compromettre et ruiner sa carrière.
Cependant, les fragments de vie qu'elle confie à Lash vont permettre d'amorcer un processus de « sortie de crise ». Ce faisant, Lash s'efforce de faire preuve, avec plus ou moins de bonheur, de l'exigence de vérité que Seymour Trotter lui a transmis. Ensuite Carol rencontre un autre patient de Lash, Jess, avec qui elle noue une relation amoureuse.
Ainsi, sa fureur vengeresse disparaît-elle peu à peu : les lignes se déplacent et Carol
voit « le spectre de sa vie affective s'élargir ».
En discutant avec Jess, elle s'aperçoit que le précédent thérapeute de son compagnon n'était autre que Marshal Streider. Jess en avait changé après avoir surpris la femme de Streider en compagnie d'un autre homme.
Comme Jess a bénéficié pleinement du traitement commencé avec Streider, elle
se met en quatre lorsque Streider ( qui ignore tout de ses relations avec son ancien patient) vient la voir à son cabinet d'avocat et lui demande une aide, d'abord juridique puis morale. L'ambitieux psychanalyste a en effet été victime d'une double escroquerie et a plongé dans la dépression.
Pour assurer un « soutien » efficace auprès de Streider, Carol demande conseil à Ernest Lash, qui sait trouver les mots pour permettre à son « superviseur » de surmonter son épreuve. Évidemment, Carol ne dévoile pas l'identité de son « client ».
Ironie de l'histoire: le « superviseur », gardien de l'orthodoxie se retrouvant dans une position de patient d ' une femme qui a été analysée par son « élève ».
Ironie et « inversion des pôles » puisque Carol, qu'on décrivait au début comme un bloc de haine, potentiellement meurtrière, est redevenue capable d'aimer et de faire preuve d'altruisme et qu'elle sollicite l'aide de l'homme dont elle voulait détruire la carrière et la vie.
On ne saura finalement pas si la patiente suicidaire de Seymour Trotter s'est sortie d'affaire : le roman laisse une part d'ombre sur cet épisode secondaire.Le romancier veut peut-être ainsi signifier que le désir de toute puissance qui peut parfois habiter un thérapeute ne trouve pas de conclusion heureuse.
On ne trouvera pas dans ce roman de satire de la psychanalyse ni de charge contre les psys : si le portrait qui est fait de certains d'entre eux n'est pas toujours à leur avantage, ils sont aussi décrits comme « humains, trop humains ».
Que ce soit dans les thérapies individuelles ou thérapies de groupe, les personnages des « patients » et les relations qu'ils entretiennent avec le thérapeute sont dépeints dans toute la complexité dont un roman peut faire preuve, tout en gardant une certaine légèreté.
de plus, la psychanalyse n'est pas montrée comme étant la seule voie existante pour la résolution des conflits : il y a de la place pour d'autres approches et c'est aussi un des mérites de ce livre que de leur faire une (petite) place.
On parle, à propos de certains films de « fell good movie » : un film qui fait se sentir bien. A sa façon brillante,
Mensonges sur le divan est un « feel good book » .
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