Avec ma sensib
ilité pour tout ce qui a trait à l'art, j'attendais avec impatience de découvrir Blue Period, le dernier seinen de Pika, qui a été vendu à grand renfort de pub à ce sujet. J'en avais entendu le plus grand bien, je m'attendais donc à être soufflée. Mais si j'ai beaucoup aimé ma lecture, ce ne fut pas un coup de coeur.
Tsubasa Yamaguchi est une jeune autrice de manga qui s'est fait connaitre dans les années 2010. Blue Period est son premier gros succès, toujours en cours au Japon avec 9 tomes à ce jour. le titre publié dans Afternoon, un magazine dont j'aime la qualité des seinens qui y sont proposés, a déjà remporté de très beaux pris avec le Prix manga Taishô en 2020 et le Prix du manga Kôdansha en 2020 également, sans parler de sa sélection pour le Prix culturel
Osamu Tezuka la même année. C'est plutôt gage de qualité.
Dans ce seinen aux couvertures qui claquent et attrapent l'oe
il d'emblée,
il est question d'un jeune ado japonais typique, qui vivote un peu dans la vie, cherchant à avoir des bonnes notes pour faire plaisir à ses parents et pouvoir entrer dans une fac publique puisqu'
ils ne pourront pas lui payer autre chose. Yatora, de son petit nom, aime passer du temps avec ses amis et étudier, mais au final,
il n'a aucune passion dans la vie. Jusqu'au jour où
il tombe littéralement nez à nez avec le tableau de Mori, élève du club d'art du lycée.
Il reste alors figé sur place comme frappé par la foudre.
Blue Period est ains
i le récit d'une rencontre, celle d'un jeune lycéen qui s'ennuie avec ce qui va devenir sa passion. Souvent, dans les mangas abordant ce genre de thème, on est frappé pour la force de cette passion, mais ici ce n'est pas le cas. L'autrice a décidé de nous décrire un cheminement plus long. Si on y perd en force d'attraction primaire, on y gagne en réalisme. J'ai été un brin déçu à cause de la première raison, mais la seconde m'a séduite, alors je suis partagée.
De plus, la mangaka fait le choix de mettre en scène un héros qui n'est pas forcément attachant au premier abord. Yatora est un ado lambda avec tous les défauts que ça implique.
Il est superficiel au début, assez pédant vis-à-vis des autres, et a des réflexions sur la vie digne d'un ado de son âge, ce qui peut agacer. C'est dans sa découverte de cette future passion qu'
il devient intéressant et gagne de l'épaisseur tout comme son trait. On découvre alors un garçon peu sûr de lui, qui veut avant tout faire plaisir mais qui n'est pas si bien que ça dans ses baskets. On est touché par sa frag
ilité quand on le voit si flatté des compliments qu'
il reçoit sur quelque chose qui vient vraiment de lui. Mais surtout on assiste déjà à une lente évolution vers un personnage plus mature et nuancé qu'au début, qui risque de moins porter de jugement à l'emporte pièce. C'est bien vu.
Autour de lui, nous retrouvons la figure classique de la prof, figure d'autorité dont les longs discours explicatifs sur l'art m'ont souvent semblé un peu lourd et indigeste, mais qui a le don pour frapper juste et savoir tirer les élèves vers le haut en s'adaptant à celui en face d'elle.
Il y a également la "madone", figure que l'on retrouve parfois dans les shonens et seinens et qui revêt toujours la même douceur et autorité. Mori est parfaite dans ce rôle et j'espère qu'elle ne va pas nous quitter trop tôt.
Il y a bien sûr, le trublion, représenté ici par le pét
illant Yuka ou Ryûji, c'est selon, qui aime se travestir. J'espère que ce ne sera pas seulement un élément comique et qu'
il y aura un vrai développement autour de l'attitude qu'
il adopte, parce que si c'est juste pour nous montrer que certains artistes ont une personnalité haute en couleur, je serai déçue. Enfin, apparait dans les dernières pages le rival, celui qui motivera le héros à s'améliorer, je pense, un jeune génie assez impressionnant mais un peu archétypal, lui aussi, dans sa froideur maladroite. On a donc un joli panel de personnages secondaires pour graviter autour du héros et peut-être former une jolie bande autour de lui.
Le titre se lit très fac
ilement. Les chapitres s'enchaînent rapidement et
il y a déjà une belle évolution dans ce premier tome, de la rencontre du héros avec l'art, à son intégration au club d'art, en passant par son entraînement ou ses décisions d'orientation et ses questionnements personnels. La narration est assez dynamiques si on occulte ces passages un peu trop denses où on nous explique comment fonctionne telle ou telle technique.
Il y a un vrai sentiment d'allant et de stimulation saine entre les personnages. J'ai d'a
illeurs beaucoup aimé le dernier ressort scénaristique à ce sujet même s'
il est fort classique. On sent que l'autrice ut
ilise des dynamiques déjà éculées mais parfaites pour insuffler encore plus de vie dans son titre.
Elle interroge de plus sur des questions centrales telles que l'orientation très tôt finalement des jeunes qui sont encore en recherche d'une identité, sur la place de l'art dans la vie : passion ou possible carrière. Elle interroge sur la question des apparences mais aussi sur nos relations aux autres. Enfin, elle questionne sur notre rapport à l'art, comment on le perçoit, comment
il peut nous chambouler ou pas, comment c'est plus un pan de celui-ci qui nous parle qu'un autre, etc. C'est très riche et ce sont vraiment les parties qui m'ont fait vibrer et que je souhaite voir développer par la suite.
Du côté des dessins, je suis globalement restée sur ma faim. J'ai beaucoup aimé le choix, dans ce projet, de faire intervenir un grand nombre d'assistants pour qu'
ils dessinent pour de vrais les oeuvres réalisées par chacun des personnages croisés. le choix d'attribuer un plus un assistant à un personnage ou à un type de production me plaît. En revanche en dehors de ces moments-là, je n'ai pas été frappée par les dessins ou les compositions de la mangaka principale :
Tsubasa Yamaguchi. Elle a au contraire un trait, certes de qualité, mais tout à fait banal dans la production seinen actuelle sans rien qu
i la démarque vraiment. C'est beau mais assez lisse. Les seuls moments qui se démarquent pour moi sont ceux où son personnage principal "plonge" dans les paysages qu'
il souhaite représenter, là vraiment ça frappe. Mais pour le reste, c'est très banal et
il y a bien d'autres mangakas qui se démarquent plus. Alors, je suis un peu déçue de voir dans un titre sur l'art une autrice qui ne se démarque pas vraiment.
Le premier tome de Blue Period est ainsi une belle mise en bouche, appétissante et prometteuse mais à laquelle
il manque encore un peu de corps et de densité. Nous sommes pour le moment avec quelque chose d'assez lisse en dehors de quelques rares moments de fulgurances. Je m'attendais à être plus frappée aussi bien du point de vue de l'histoire - j'ai été plus soufflée par la passion de Dai pour la saxo ou de Mori pour l'escalade lors des premiers tomes de Blue Giant et d'Ascension par exemple - que des dessins, mais sûrement que j'en attendais trop ^^! Cela reste tout de même un très bon début et j'ai vraiment envie de suivre la suite des aventures de Yatora et sa découverte de l'univers de l'Art.
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