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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ayant eu un véritable coup de coeur pour son roman « L'Art de perdre », je me suis volontiers laissé surprendre par ce texte qu'Alice Zeniter propose dans un tout autre registre. À l'origine, « Je suis une femme sans histoire » est en effet une commande de la Comédie de Valence à l'autrice (et comédienne) pour un spectacle seule-en-scène itinérant, finalement victime de la pandémie.

D'ailleurs, dès les premières lignes, Alice Zeniter installe un dialogue avec ses lecteurs en livrant une sorte de « one-woman-show » où la « professeure » s'adresse à son auditoire, tentant de démontrer l'impact important du récit depuis la nuit des temps. D'ailleurs, dès le début, on s'est fait berner avec ces peintures rupestres montrant l'homme des cavernes chassant le mammouth l'arme au poing alors que le gros fainéant passait 80% de son temps à cueillir des airelles. L'auteure s'amuse également à démontrer que la littérature a toujours été une affaire d'hommes avec des histoires les mettant en avant, de préférence lors d'actions conquérantes, tandis que la femme devait souvent se contenter d'un rôle secondaire d'adjuvant au coeur d'un décor masculin, à l'image de la Schtroumpfette ou des James Bond girls.

Intelligent, érudit et particulièrement didactique, « Je suis une femme sans histoire » se veut surtout extrêmement accessible grâce à une vulgarisation extrême des principes de la narratologie et de la sémiotique. En agrémentant ses propos d'exemples très visuels, elle parvient à livrer un récit non seulement pédagogique, mais également très drôle qui ne manquera pas de faire sourire les lecteurs.

S'il est bien de lire, cet échange complice avec Alice Zeniter vous permettra de mieux comprendre les rouages de la narration, expliquant notamment pourquoi l'on parvient à pleurer la mort d'un personnage fictif alors que l'on parvient à regarder le journal télévisé sans utiliser le moindre mouchoir…
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Vous êtes né.e.s après 1980? Alors, c'est sûr, vous avez eu droit au schéma actantiel, le héros, la quête, les adjuvants, les opposants, et tout ça, glose universitaire introduite à grands coups de tatanes dans les programmes du primaire pour des motifs restés indéterminés à ce jour. Alice Zeniter nous le refourgue dans un seule-en-scène hilarant qui prouve que, si j'ignore à ma grande honte quel écrivain elle est, comme prof, en tout cas, elle est au moins championne du monde. La voici qui, pour notre plus grande joie, ressuscite ce bon vieil Aristote en train d'animer un atelier d'écriture, taclant une certaine Marguerite même pas fichue de mettre un minimum de suspens dans ses romans. Ce n'est pourtant pas bien compliqué d'imaginer une bonne histoire: début, élément perturbateur, péripéties, climax, descente, résolution; c'est pas plus difficile que ça et hop! Lect.eur.rice.s en transes ou en larmes, 10 000 ans que ça marche, pas de raison de changer.
Évidemment, la plupart des récits mettent en scène des héros actifs et beaucoup plus rarement des héroïnes. Comme Emma Bovary (suicidée), Anna Karenime (suicidée), la princesse de Clèves (recluse volontaire). On notera donc que dans les belles histoires de la littérature mondiale, les femmes sont non seulement moins nombreuses (voir la Schtroumpfette), moins centrales (voir Astérix) mais surtout nettement plus passives-agressives (puisque c'est comme ça, je me tue / je pars au couvent et vous allez me regretter bouhouhou).
Bref, horreur, on sait que les livres ont toujours été écrits par les vainqueurs, en l'occurrence par les chasseurs plutôt que les cueilleuses, ce qui signifie que tout ce qu'on nous a appris à l'école c'est à aimer la littérature patriarcale (encore que, grâce aux thuriféraires de Greimas, on ait aussi appris aux gamins à la détester - faut-il s'en réjouir ?).
Or, le pouvoir des histoires étant ce qu'il est, dans la bibliothèque rose comme à Hollywood, il est peut-être temps d'inventer un autre imaginaire.
Oui, on est d'accord, une telle objurgation ne casse pas trois pattes à un canard mais cette conférence théâtrale n'est pas un brûlot théorique : c'est une délicieuse invitation à réfléchir sur le féminisme, les métalepses et les notes de bas de page (tout ce que j'aime, en fait).
D'ailleurs, j'ai toujours pensé que la sous-représentation des femmes en littérature était un faux problème. de huit à quinze ans j'ai lu toutes les aventures des quatre mousquetaires et je sais depuis que D Artagnan c'est moi, bene pendantes ou pas.
En revanche, pour reprendre un exemple d'Alice Zeniter, depuis que vous avez commencé à lire ce billet, 20 personnes sont mortes de faim dans le monde (on rigole moins, hein?). Plus que la littérature patriarcale m'inquiète la littérature doudou, plaisir égoïste du reclus en sa tour d'ivoire.
C'est pourquoi il faut lire les 80 pages d' « une fille sans histoires », pour rire et s'interroger.
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Bien qu'Alice Zeniter me considère comme un vieux mâle dominant qui devrait aussi «fermer sa grande bouche», je vais tout de même tenter d'écrire un gentil commentaire.


J'avais lu d'elle le magnifique « L'Art de Perdre » et je ne connaissais pas l'auteure sous cet autre angle, avec ce « plaidoyer » aussi corrosif et plein d'humour. Il m'a même un peu perdu sur la fin.
Bien sûr, son livre est destiné pour bien écorcher, avec beaucoup de truculence et d'ironie, le système patriarcal. Et même si j'ai la sensation qu'Alice s'est bien amusée, elle ne s'est pas contentée d'un simple constat.


Dans la première partie du livre, l'auteure nous explique et nous démontre avec beaucoup d'habileté, quelle est la manière pour écrire un livre ou décrire une scène en les rendant intéressants. Et surtout que le récit sache toucher le lecteur par l'affect et en conséquence puisse capter toute son attention.
Les peintures rupestres, dont parle l'auteure sont l'exemple le plus flagrant.
Les hommes des cavernes avaient déjà tout compris. Ils avaient préféré peindre d'éclatantes scènes de chasse qui mettaient en valeur et glorifiaient les valeureux hommes-chasseurs. Et avaient donc délaissé les représentations puériles de cueillettes effectuées par de jeunes nymphettes évaporées. (Humour !)


Un savoureux moment où Alice, met en scène Aristote qui donne des cours à ses élèves, pour la rédaction d'un texte efficace.
Un beau passage aussi, comme une enquête où Sherlock Holmes regarde et observe l'auteure pour mieux la dévoiler. C'est avec cette élégante pudeur qu'Alice a choisi pour parler d'elle.


Alice Zeniter est effectivement une fille sans histoire, mais qui a mille belles histoires à nous raconter. Un joli moment de détente, comme de petits amuse-bouches.
Alice, j'attends le plat de résistance, un autre roman aussi Puissant que « L'Art de Perdre » !
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Des écrits pour la parole est une collection des éditions de L'Arche pour promouvoir des textes destinés à être déclamés, adressés à un public à l'oral. Toute la vivacité et tout l'humour d'Alice Zeniter s'y emploie, pour nous faire questionner ce qui fait les histoires « depuis la nuit des temps »…

Car depuis que l'on s'inter sur la dramaturgie, l'on sait qu'il nous faut un héros, un élément déclencheur, des péripéties nous menant au point culminant, puis quelques autres jusqu'à la résolution. Mais comment raconter la cueillette ? La femme ? La nature ? de la même manière qu'une chasse au mammouth ?

Cet essai d'une centaine de pages appuie là où ça fait mal, et ça fait du bien. Une réflexion importante, souriante et brillante (bien qu'avec un peu trop de notes divertissantes en bas de page, difficile de se concentrer !) sur la place des femmes dans les histoires et sur le renouveau nécessaire de la dramaturgie.
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Dans cet essai-conférence la romancière s'interroge sur la fiction. Elle convoque La Poétique d'Aristote, elle décortique le schéma narratif mais là où elle est très forte c'est qu'elle le fait avec tellement d'humour et d'autodérision quand elle se met en scène que tout est clair pour le lecteur et pas du tout rébarbatif. Alice Zeniter nous explique en gros que depuis la nuit des temps une bonne histoire c'est celle d'un homme qui fait des trucs et que c'est quand même un problème. le test de Bechdel, dont j'ignorais l'existence, permet de mettre en évidence la surreprésentation masculine dans la fiction. Pour le réussir, il faut remplir trois critères : 1.l'oeuvre doit contenir au moins deux femmes désignées par un nom 2.elles doivent avoir une conversation 3.elles doivent parler d'autre chose que d'un homme. Peu de textes remplissent ces trois critères, les femmes étant souvent des personnages secondaires ou des faire-valoir du personnage principal masculin. Alice Zeniter est féministe et ça se sent tout au long du texte même si elle admet que certains de ses romans ne passent pas le test car il est bien difficile de s'affranchir de siècles de schémas narratifs centrés sur l'homme. le plus important c'est d'avoir conscience des mécanismes de la fiction qui sont aussi utilisés dans le journalisme par exemple et qui biaisent parfois notre vision de la réalité. Un texte très instructif et drôle à la fois.
Lien : https://monpetitcarnetdelect..
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Ce livre est génial, intelligent et impertinent. J'ai adoré.
J'ai beaucoup aimé son roman L'art de perdre, son écriture et son style.
Ici ce n'est pas le même genre, c'est un récit essai plus qu'un roman. Alice Zeniter partage son point de vue sur la littérature et la place occupée par les femmes depuis plusieurs siècles. C'est malin et drôle, se lit d'une traite.
Je recommande vivement!
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Je suis une fille sans histoire est un court récit d'Alice Zeniter publié en 2021.
Elle évoque la construction des histoires depuis l'antiquité, du roman à la politique en s'interrogeant sur la place de la femme. Elle n'hésite pas à se mettre en scène pour étayer son propos.
Un livre instructif et intéressant.
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Il s'agit d'un livre hybride, car le texte a été créé par Alice Zeniter sous la forme d'un seule-en-scène en octobre 2020, liant deux sujets qui lui tiennent à coeur : le problème d'inégalité des sexes dans les récits et la déconstruction littéraire.

Cette mi-conférence-mi confession, à l'oralité présente tout au long du texte, érudite et personnelle, ne manque ni d'allant ni d'humour. Elle s'intéresse à la façon dont, depuis la nuit des temps, on crée une histoire réussie : en deux mots, elle DOIT comporter des hommes et de l'action. L'auteure se livre ainsi à la déconstruction du schéma narratif classique qui s'inscrit dans une longue histoire des histoires et des conseils donnés (dès Aristote, dans la Poétique) pour écrire une bonne histoire. Et il s'avère donc que les histoires éliminent les femmes depuis des millénaires.

Ce qui n'est pas un «scoop» en soi puisque, dès 1973, l'historienne Michelle Perrot proposait un cours intitulé «Les femmes ont-elles une histoire ?» à l'université de Jussieu. Et que, ces dernières années, nombre de livres ont paru sur le sujet, notamment Ni vues ni connues, par le collectif Georgette Sand (2019) et Les grandes oubliées : pourquoi l'Histoire a effacé les femmes, de Titiou Lecoq (2021). Sans compter les BD, telles les Culottées de Pénélope Bagieu ou les ouvrages jeunesse. Car histoires et Histoire se rejoignent ici dans leur éviction délibérée de la plupart des femmes, celles qui ne se contentent pas d'être le faire-valoir du héros, mais occupent le rôle principal. L'Histoire fait donc comme les histoires.

L'auteure convoque la narratologie et la sémiologie, en rendant ces disciplines très abordables, pour évoquer et analyser les «formes séduisantes du récit», qu'il s'agisse des peintures rupestres de l'homo sapiens, de textes classiques comme l'Odyssée ou plus récents comme le Seigneur des anneaux, de films comme La Guerre des étoiles ou Shrek, de la description physique de la femme dans toutes sortes de textes (du blason de Clément Marot à celui, moderne, d'André Breton) ou des discours politiques.

Un livre sur les mécanismes de la fiction et la puissance des histoires, qui nous rendent Frodon ou Sherlock Holmes plus proches et plus «réels» que notre voisin ou que les nouvelles du jour. Mais la fiction a-t-elle le pouvoir de changer le monde ?
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Le récit, un vaste sujet qui pourrait sembler ennuyeux mais qui devient passionnant grâce à la plume drôle, piquante mais surtout intelligente d'Alice Zeniter. Son entrée en matière avec la mise en scène d'un cours d'Aristote est à mourir de rire. D'ailleurs que dit-elle sur sa vision d'un bon récit ? "On peut rire du sexisme d'Aristote mais je préfère ne pas oublier que nos formes de récits actuelles en ont hérité. Une bonne histoire, aujourd'hui encore, c'est souvent l'histoire d'un mec qui fait des trucs. Et ça peut être un truc un peu violent, si ça peut inclure de la viande, une carabine et des lancés, c'est mieux."
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Alice Zéniter avec Je suis une fille sans histoire se transforme en Jacqueline de Romilly moderne. Je précise bien "moderne". Ce petit essai de "sémiologie littéraire" se lit d'une traite. L'autrice nous dévoile son regard sur la lecture et l'écriture et les histoires qu'elle a lues et lit et... qu'elle écrit. Je recommande son "envolée lyrique" rafraichissante avec un regard décalé et malicieux sur les femmes en littérature. Je retiens que tous les récits d'hommes auxquels j'ai été biberonnée dès 8 ans, c'est la faute à Aristote (je simplifie...). Je me joins à elle pour inclure Toni Morrison et Zadie Smith dans "l'assemblée des Guérillères" qui ont désormais pris la parole dans la littérature universelle: des femmes qui parlent des femmes à des hommes et des femmes. Et avant elles, il y avait eu Virginia Woolf dont Alice Zéniter m'a donné envie de lire Un lieu à soi. Et je n'ai pas été déçue!
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