"Les meilleures intentions ont parfois les pires conséquences."
Comment peut-on être aussi mal préparé à l'adoption d'un garçon de 10 ans ayant traversé toute l'horreur de la vie ? La guerre, la violence, l'exil, la mort de ses proches ; il porte déjà en lui toutes ces blessures.
Wajdi débarque dans cette famille nantaise, aisée, on peut dire insupportablement bourgeoise, au fil des pages. Une idée de la vie comme si c'était de l'art, tragique ou pas. Ils sont bien loin de la vérité, dans leur cocon, ils n'ont jamais brûlé leurs ailes du côté noir de la toile, la vraie toile, celle du réel. Ils n'ont eu que les images au sons filtrés, comme dans un film.
Pour Wajdi, jeune orphelin yéménite qui a fui l'horreur, l'atterrissage dans cette famille est une autre violence.
J'ai été choquée par l'accueil que la famille lui a réservé, pas l'once d'un regard sur son traumatisme, pas un seul silence pour l'écouter, même s'il n'a pas les mots.
Peut-on être à ce point gâté par la vie pour ne plus savoir regarder avec son coeur ?
Peu de personnages échappent à cet aveuglément. La grand-mère se comporte en personne qui donne gratuitement. Elle ne cherche pas à prouver sa générosité, sa gentillesse, son amour, elle le donne sans attendre de fortune, de compliments. Juste un sourire et elle est comblée. Elle sait lire l'enfant perdu. Elle sait tendre la main sans brusquer l'enfant.
Ce premier tome est bouleversant, révoltant.
Il y a un tel écart entre la détresse de Wajdi et l'insouciance, la légèreté, l'irréalité des sentiments de ses parents d'adoption.
Ils auraient tant à apprendre de lui, à commencer par "les bonnes manières" d'aimer.
Les dessins sont très beaux, un trait et des couleurs délicates pour effleurer la détresse et le manque de tendresse.
Je remercie Babelio et les Éditions
Grand Angle pour cette BD qui souligne la difficulté d'adopter des enfants qui ont traversé l'enfer, le décalage qui demande tant de générosité pour pouvoir un peu s'effacer.