Evidemment…
Germinal !
On pourrait trouver cette misère des mines forcée, manichéenne, voire repoussante, si l'on se réfère à l'animalité souvent évoquée des mineurs : on aurait tort.
Germinal, à lui seul, définit « l'exploitation de l'homme par l'homme » de Marx. Et pour cette raison, il ne met pas les formes.
Mais ce n'est pas là la puissance irrésistible de ce roman que de nous offrir une description éminemment juste – hélas, pour les ultralibéraux de tout poil, le travail ce n'est pas toujours la santé ! – des conditions de vie des mineurs du XIXe siècle. Ce qui fait de
Germinal une oeuvre sublime c'est sa dimension épique, portant un chant d'espoir sous-jacent, sans occulter l'horreur effective de ces esclaves modernes qui peuvent à l'occasion s'entredévorer – le personnage de Souvarine, n'hésitant pas à ensevelir ses camarades d'infortune pour servir sa cause anarchiste, en est l'exemple le plus frappant.
Germinal c'est aussi le refus d'admettre l'évidence de la servitude. Servitude qui connaîtra son point d'orgue quelques décennies plus tard dans l'asservissement final des peuples : la Première Guerre mondiale, qui sonnera le glas de cette époque où l'humble devait baisser la tête au passage du puissant. Et déjà, ces mineurs étaient des gueules cassées.
Roman social par excellence, puisqu'ici c'est la multitude qui compte, non plus exclusivement une poignée de personnages dont on suit la destinée tragique, voire sordide – L'Assommoir, L'Oeuvre, pour ne citer que ces deux-là. La grève des mineurs, point central du récit, l'atteste.
L'intime n'est pourtant pas absent du livre – lire la si touchante et non moins déchirante scène d'amour, au fond de la mine, entre Catherine et Etienne –, mais il est dilué dans une vision collective, portée par ce personnage rêvant aux lendemains qui chantent : Etienne Lantier, ce témoin révolté de son temps qui appelle ses semblables à la révolte…trop tôt. le temps n'est pas encore à l'égalité des chances.
Ces germinations futures, que l'auteur appelle finalement de ses voeux, sont comme un écho à cette exhortation de l'Internationale : « Debout ! les damnés de la terre ! / Debout ! les forçats de la faim. » Sauf que les « récoltes du siècle futur » n'advinrent pas, comme si l'élan collectif n'était qu'un spasme, souvent violent et désordonné, et l'individualisme viscéral du genre humain, une fatalité.
Zola, à travers ces destinées brisées, ne le pressentait-il pas au fond de lui-même ?
Jules Maître, à propos des Rougon-Macquart, écrivit ceci : « une épopée pessimiste de l'animalité humaine. » C'est vrai…