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Les Rougon-Macquart tome 8 sur 20

Henri Mitterand (Autre)
EAN : 9782073060747
480 pages
Gallimard (04/04/2024)
3.75/5   1003 notes
Résumé :
Jeune veuve, Hélène Grandjean mène une vie rangée, monotone, avec sa fille Jeanne. Depuis son appartement perché sous les toits de Paris, elle regarde passer le monde. Maladivement possessive envers sa mère, Jeanne est sujette à des crises régulières. Le jour où le docteur Deberbe, son voisin, vient au secours de l’enfant, Hélène en tombe soudain follement amoureuse. Dans la vie de cette femme tranquille, la passion va tout bouleverser.
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Critiques, Analyses et Avis (127) Voir plus Ajouter une critique
3,75

sur 1003 notes
Et voici, dans l'ordre de publication initial, la dernière des trois enfants Mouret, le rameau issu d'Ursule Macquart. On avait déjà vu son jeune frère Silvère dès La Fortune Des Rougon aux prises avec le coup d'état de Napoléon III ainsi que son autre frère François se débattre avec l'abbé Faujas dans La Conquête de Plassans.

Ici Hélène (la belle Hélène, sans chercher absolument à faire un vilain jeu de mots annonciateur du roman suivant Nana), s'installe à Paris venant de Marseille avec :
- une fortune acquise par un héritage imprévu,
- un mari fraîchement décédé et
- une fille chétive et sub-claquante de 12 ans.

C'est déjà assez étonnant et improbable comme canevas de base. Mais en plus, et ce qui n'arrange rien, Hélène est une femme droite, fidèle, honnête — et, pour être tout à fait sincère, de mon point de vue ennuyeuse, mais ça c'est à vous d'en décider —, qui ne lève jamais un oeil sur un homme, encore moins s'il est marié, enfin vous voyez le tableau, quoi...

Malheureusement, PAF !, pas de bol ma chérie, elle tombe sur LE médecin bellâtre qui vient soigner sa fille et son coeur commence à palpiter et cætera, et cætera, et cæteraaaaaaaaaa..... (Soupirs puis RRÔÔNN PPCHHH, RRÔÔNN PPCHHH, c'est très mauvais pour la nuque car votre menton touche votre sternum pendant de longues minutes et vous ne devez votre salut que parce que vous vous êtes réveillé(e) au bruit du livre venant de vous tomber des mains.)

Pas besoin de vous faire un dessin ; le mélo bon marché, les violons larmoyants qui vont avec et, la forte probabilité de vous ennuyer si vous avez plus de seize ans ou si vous n'êtes pas hyper fan de ce que le romantisme a de plus gnan-gnan (du genre Chateaubriant).

Il est vrai que Zola nous y avait déjà un peu habitué avec La Faute de L'Abbé Mouret. À croire que notre pauvre Émile a tout donné dans son précédent bouquin, L'Assommoir, et qu'il n'a plus grand chose en tête pour ce roman-ci.

On sent qu'il a voulu bâtir un ouvrage dans la veine d'Eugénie Grandet, de Madame Bovary ou même, avec un peu d'anticipation d'Une Vie, mais encore faut-il avoir un peu de matière en réserve, ou une quelconque recette littéraire magique propre à nous envoûter.

Ici, point de tout cela, vous avez appelé le mauvais numéro : ZOLA & Cie — COUVERTURE-ZINGUERIE-ISOLATION-RÉPARATIONS EN TOUT GENRE. Si vous aimez les descriptions interminables des ciels et des toits parisiens, vous serez servis, en revanche, pour le reste, c'est un opus très creux et très en deçà de ce dont est capable l'auteur.

Accordons à l'auteur que l'ensemble reste " assez " agréable à lire, contrairement à La Faute de L'Abbé Mouret, mais franchement sans grand intérêt.

C'est vrai, je n'y suis pas allée de main morte, mais qui aime bien châtie bien, dit-on, et au surplus, toutes ces faibles considérations ne sont que mon avis, mon tout petit avis sur le grand Zola, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Très sincèrement, ce n'est pas mon Zola préféré.
Je l'ai trouvé extrêmement long.

Bien évidemment, je n'ai rien a redire sur l'écriture de l'auteur... Comment le pourrait on d'ailleurs ?

Mais l'histoire me dérange . Et le fait penser à un roman interminable et ennuyeux : Emma Bovary.

Je n'aime pas quand Zola écrit de cette façon : lente. Je préfère quand son écriture est plus rythmée. J'ai retrouvé cette écriture plus rapide dans Nana que je viens de commencer.

Hélène est ennuyeuse a mourir. le médecin m'agace fortement par sa jalousie mal placée... Et ainsi de suite.

C'est le style d'histoire d'A qui le laisse froide.

Heureusement que d'autres romans des Rougon Macquart relèvent le niveau.
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Huitième opus des Rougon-Macquart, Une Page d'amour ne fait pas partie des plus connus de la série; Il n'est cependant pas dénué d'intérêt.

A travers les personnage d'Hélène, la fille d'Ursule Macquart et du chapelier Mouret, et de Jeanne sa fille, Zola analyse les mécanismes de la passion.

Hélène est seule à Paris avec sa fille, après la mort de Grandjean son époux . La jeune femme a peu de contacts, se limitant à recevoir un prêtre et son frère, épris de la jeune femme. Elle se consacre à l'éducation de la petite Jeanne, une gamine fragile, et exclusive. Lors d'une « crise « de la petite, Hélène rencontre le docteur Delberre : c'est le début d'une passion amoureuse douloureuse, qui torture la jeune femme.

Jeanne occupe une place centrale dans cette histoire. C'est elle qui illustre dans les romans la thèse de l'hérédité familiale, puisqu'elle tient de ses grand-mères la faiblesse physique et la fragilité psychique. Elle exerce par ailleurs un ascendant moral sur sa mère, dont elle devine les états d'âme à la manière d'un médium et les traduit en symptômes. La psychanalyse n'a pas encore révélé ses théories. Charcot a décrit l'hystérie de conversion. Zola se fait uniquement descriptif.

Le roman témoigne aussi de cette époque où le médecin ne disposait que de son sens de l'observation pour établir un diagnostic, dont le seul intérêt était la performance intellectuelle, puisqu'aucun arsenal thérapeutique ne pouvait détourner le cours de la maladie. Pourtant Jeanne a la chance de survivre à l'une de ses crises grâce à l'application de sangsues…
La phtisie dont elle souffre est intéressante dans ce contexte, puisque les débats faisaient rage autour de l'origine , contagieuse ou héréditaire, du mal.

Les descriptions inévitables ont pour objet Paris, vu de la fenêtre de l'appartement d'Hélène, avec ses ciels qui créent des ambiances variées, très souvent en harmonie avec l'humeur d'Hélène ou de Jeanne.


Encore une bien agréable lecture.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Voilà trois semaines que j'ai terminé Une page d'amour et jusqu'ici, tout ce que ce roman m'a inspiré c'est le syndrome de la page blanche. Déjà, il a fallu que je fasse un petit retour en arrière pour replacer Hélène Grandjean dans l'arbre généalogique. Personnage insignifiant comparé à ses deux frères Silvère et François que j'avais adoré, c'est pourtant cette pâle jeune femme qui va jouer un rôle de premier ordre dans Une page d'amour. Alors mes amis, quand il faut y aller, il faut y aller! donc en avant pour ce huitième volume des Rougon-Macquart.

Hélène Grandjean a tout pour elle. Belle, vertueuse, gentille, intelligente, riche... Toute une panoplie de qualités qui seraient susceptibles de nous filer des complexes. de plus, à son arrivée à Paris, son ennuyeux mari passe miraculeusement l'arme à gauche en lui laissant une jolie rente à vie. Cette Hélène alors! elle a ce qu'on pourrait appeler "le cul bordé de nouilles", mais attention, car même la perfection traîne des casseroles aux fesses. Dans notre cas, la casserole en question se nomme Jeanne, douze ans, sans cesse malade, c'est le petit trésor, l'amour de fille, la fierté d'Hélène. La mère et la fille vivent un quotidien paisible et ennuyeux à Passy, leur existence étant réglée comme une horloge. Hélène sans cesse inquiète pour sa progéniture va voir son quotidien basculer le jour ou sa précieuse Jeanne est prise d'une crise grave en pleine nuit. Dans l'urgence, elle fait appel à Henri Deberle, médecin renommé qui se trouve être son voisin. Entre le docteur et Hélène c'est le coup de foudre, mais Jeanne, petite peste jalouse et égoïste n'entend pas partager sa mère avec quelqu'un. Nous voilà embarqués dans un drôle de triangle amoureux...

J'ai eu beau détester certaines choses dans ce roman, il faut bien avouer que Zola met le paquet pour nous dépeindre la passion destructrice qui peut parfois s'immiscer dans une vie. Il réussit le tour de force de nous présenter une intrigue lisse et niaise à souhait, avec des tournures de phrase poétiques, des descriptions magnifiques, et pourtant... Pour ma part j'ai ressenti un malaise dès le départ, flairant la catastrophe et attendant patiemment qu'elle arrive. le fond de l'histoire est quand même violent, j'ai eu beaucoup de mal avec le personnage de Jeanne. Finalement c'est elle qui mène la danse et fait marcher son petit monde à la baguette.Cette enfant est diabolique, déjà par sa lourde hérédité mais en plus par son caractère de sale gamine pourrie gâtée,j'ai eu envie de lui coller des baffes tout au long du livre. Elle agit un peu comme un gourou vis à vis de sa mère, la tenant au chantage avec la maladie, pour mieux la garder sous sa coupe et l'autre idiote d'Hélène marche dans la combine. Si vous vous attendez à une héroïne qui a du caractère, passer votre chemin car la Hélène est une vraie guimauve, s'en est lassant et désespérant !
J'ai adoré le style et l'écriture, j'ai moins aimé les personnages et le contexte qui sont malsains. Je garde de cette lecture un goût amer d'ou les trois étoiles de notation, j'adore Zola mais sur ce coup-là mes nerfs ont été mis à rude épreuve. Libre à vous de découvrir ce volume si vous en avez envie. En ce qui me concerne je ne pense pas que je le relirai un jour.
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Une page d'amour est le huitième opus du cycle des Rougon-Macquart, écrit par un certain Émile Zola, immense fresque bâtie sur vingt romans pour décrire et aussi décrier un certain univers social sous le Second Empire.
Je me suis fait fort comme certaines et certains ici de suivre l'ordre chronologique.
Après l'univers incroyablement émouvant et tragique de L'Assommoir, il semble que Zola ait eu envie de faire une pause, et nous aussi avec lui. Pour autant, Une page d'amour, sous ses aspects légers au départ des pages, n'en cache pas moins un récit romantique et poignant au sens fort du terme. Ce n'est sans doute pas le texte dont on se souviendra le plus dans cette prodigieuse fresque, mais pour autant ce récit se situe comme un jalon supplémentaire portant un éclairage sur cette fameuse lignée et, selon moi, il ne manque pas d'intérêt.
Et puis, je me suis aussi attaché aux différents personnages, dans l'écriture emplie d'empathie de Zola.
C'est une page intime et l'histoire pourrait se résumer à deux ou trois choses fort simples. Voici Hélène Mouret, une femme bourgeoise qui est veuve, partageant désormais son appartement parisien avec sa fille Jeanne. Pour la situer dans l'arbre généalogique que certains suivent au rythme des volumes de la saga des Rougon-Macquart, Hélène est la fille d'Ursule Macquart et du chapelier Mouret.
Ce détail n'est jamais anodin pour qui connaît le poids de l'hérédité de cette lignée indigne. Jeanne est en effet le personnage le plus intéressant de la série car elle a hérité à la fois de la faiblesse mentale de son aïeule Adélaïde Fouque et de la faiblesse physique de sa grand-mère Ursule Macquart qui était phtisique. Celles et ceux qui ont suivi les précédents opus comprendront cela et, dès lors, l'intérêt du récit, au-delà de sa légèreté vaudevillesque, apparaît ici de manière flagrante.
Hélène habite à Paris, elle est veuve, sa fille Jeanne est souffreteuse, en proie à des crises nécessitant la venue régulière du médecin de famille, le docteur Henri Delerbe dont Hélène va bientôt tomber amoureuse.
Jeanne, maladive est à la fois poignante et exaspérante. Touchée par sa maladie, elle est tour à tour fragile, possessive, cruelle et lucide dans le regard qu'elle porte sur la relation qu'elle devine entre sa mère et le médecin... Dans ses crises, c'est un regard impitoyable. Elle pressent les choses et sans doute cette sensibilité l'amènera plus loin qu'une simple amertume... Malgré sa souffrance, je dois vous avouer que j'en ai été par moments agacé, jusqu'à lui en vouloir... Et puis, à d'autres moments, j'éprouvais pour elle une infinie compassion...
Une page d'amour, c'est une page qui se déchire entre les conventions liées aux devoirs d'une mère envers son enfant qui souffre et de l'autre côté son coeur et son corps de femme, appelés par ce désir qui s'éveille de manière sensible et charnelle...
Une page d'amour, ce sont les ciels de Paris, les toits de Paris, sous les regards d'Hélène et de Jeanne, ces ciels changeants selon les humeurs de la mère et de la fille, se reflétant sur ces toits de zinc et d'ardoises où se déversent leurs regards, l'une attirée par la mort, l'autre par la vie...
Tout le talent de Zola ici est de maintenir un équilibre harmonieux dans ces différentes tensions qui s'exacerbent et tirent les ficelles du récit.
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Citations et extraits (206) Voir plus Ajouter une citation
Alors, Hélène regarda fixement les tours de Notre-Dame, très loin. Un rayon, dardant entre deux nuages, les dorait. Elle avait la tête lourde, comme trop pleine des idées tumultueuses qui s’y heurtaient. C’était une souffrance, elle aurait voulu s’intéresser à Paris, retrouver sa sérénité, en promenant sur l’océan des toitures ses regards tranquilles de chaque jour. Que de fois, à pareille heure, l’inconnu de la grande ville, dans le calme d’un beau soir, l’avait bercée d’un rêve attendri ! Cependant, devant elle, Paris s’éclairait de coups de soleil. Au premier rayon qui était tombé sur Notre-Dame, d’autres rayons avaient succédé, frappant la ville. L’astre, à son déclin, faisait craquer les nuages. Alors, les quartiers s’étendirent, dans une bigarrure d’ombres et de lumières. Un moment, toute la rive gauche fut d’un gris de plomb, tandis que des lueurs rondes tigraient la rive droite, déroulée au bord du fleuve comme une gigantesque peau de bête. Puis, les formes changeaient et se déplaçaient, au gré du vent qui emportait les nuées. C’était, sur le ton doré des toits, des nappes noires voyageant toutes dans le même sens, avec le même glissement doux et silencieux. Il y en avait d’énormes, nageant de l’air majestueux d’un vaisseau amiral, entourées de plus petites qui gardaient des symétries d’escadre en ordre de bataille. Une ombre immense, allongée, ouvrant une gueule de reptile, barra un instant Paris, qu’elle semblait vouloir dévorer. Et, quand elle se fut perdue au fond de l’horizon, rapetissée à la taille d’un ver de terre, un rayon, dont les rais jaillissaient en pluie de la crevasse d’un nuage, tomba dans le trou vide qu’elle laissait. On en voyait la poussière d’or filer comme un sable fin, s’élargir en vaste cône, pleuvoir sans relâche sur le quartier des Champs-Élysées, qu’elle éclaboussait d’une clarté dansante. Longtemps, cette averse d’étincelles dura, avec son poudroiement continu de fusée.
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Aussi Rosalie se montrait-elle maternelle. Elle sermonnait Zéphyrin tout en mettant la broche, lui prodiguait de bons conseils sur les précipices qu’il devait éviter ; et il obéissait, en appuyant chaque conseil d’un vigoureux mouvement de tête. Tous les dimanches, il devait lui jurer qu’il était allé à la messe et qu’il avait dit religieusement ses prières matin et soir. Elle l’exhortait encore à la propreté, lui donnait un coup de brosse quand il partait, consolidait un bouton de sa tunique, le visitait de la tête aux pieds, regardant si rien ne clochait. Elle s’inquiétait aussi de sa santé et lui indiquait des recettes contre toutes sortes de maladies. Zéphyrin, pour reconnaître ses complaisances, lui offrait de remplir sa fontaine. Longtemps elle refusa, par crainte qu’il ne renversât de l’eau. Mais, un jour, il monta les deux seaux sans laisser tomber une goutte dans l’escalier, et, dès lors, ce fut lui qui, le dimanche, remplit la fontaine. Il lui rendait d’autres services, faisait toutes les grosses besognes, allait très bien acheter du beurre chez la fruitière, si elle avait oublié d’en prendre. Même il finit par se mettre à la cuisine. D’abord, il éplucha les légumes. Plus tard, elle lui permit de hacher. Au bout de six semaines, il ne touchait point aux sauces, mais il les surveillait, la cuiller de bois à la main. Rosalie en avait fait son aide, et elle éclatait de rire parfois, quand elle le voyait, avec son pantalon rouge et son collet jaune, actionné devant le fourneau, un torchon sur le bras, comme un marmiton.
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Aimer, aimer ! et ce mot qu'elle ne prononçait pas, qui de lui-même vibrait en elle, l'étonnait et la faisait sourire. Au loin, des flocons pâles nageaient sur Paris, emportés par une brise, pareils à une bande de cygnes. De grandes nappes de brouillard se déplaçaient ; un instant, la rive gauche apparut, tremblante et voilée, comme une ville féerique aperçue en songe ; mais une masse de vapeur s'écroula, et cette ville fut engloutie sous le débordement d'une inondation. Maintenant, les vapeurs, également épandues sur tous les quartiers, arrondissaient un beau lac, aux eaux blanches et unies. Seul un courant plus épais marquait d'une courbe grise le cours de la Seine. Lentement, sur ces eaux blanches, si calmes, des ombres semblaient faire voyager des vaisseaux aux voiles roses que la jeune femme suivait d'un regard songeur. Aimer, aimer ! et elle souriait à son rêve qui flottait.
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Bientôt, elle oublia tout. La scène de l’aveu, malgré elle, renaissait. Sur le fond d’un noir d’encre, Henri apparaissait avec une netteté singulière, si vivant, qu’elle distinguait les petits battements nerveux de ses lèvres. Il s’approchait, il se penchait. Alors, follement, elle se rejetait en arrière. Mais, quand même, elle sentait une brûlure effleurer ses épaules, elle entendait une voix : « Je vous aime… Je vous aime… » Puis, lorsque d’un suprême effort elle avait chassé la vision, elle la voyait se reformer plus lointaine, lentement grossie ; et c’était de nouveau Henri qui la poursuivait dans la salle à manger, avec les mêmes mots : « Je vous aime… Je vous aime », dont la répétition prenait en elle la sonorité continue d’une cloche. Elle n’entendait plus que ces mots vibrant à toute volée dans ses membres. Cela lui brisait la poitrine. Cependant, elle voulait réfléchir, elle s’efforçait encore d’échapper à l’image d’Henri. Il avait parlé, jamais elle n’oserait le revoir face à face. Sa brutalité d’homme venait de gâter leur tendresse. Et elle évoquait les heures où il l’aimait sans avoir la cruauté de le dire, ces heures passées au fond du jardin, dans la sérénité du printemps naissant. Mon Dieu ! il avait parlé ! Cette pensée s’entêtait, devenait si grosse et si lourde, qu’un coup de foudre détruisant Paris devant elle ne lui aurait pas paru d’une égale importance. C’était, dans son coeur, un sentiment de protestation indignée, d’orgueilleuse colère, mêlé à une sourde et invincible volupté qui lui montait des entrailles et la grisait. Il avait parlé et il parlait toujours, il surgissait obstinément, avec ces paroles brûlantes : « Je vous aime… Je vous aime… », qui emportaient toute sa vie passée d’épouse et de mère.
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Paris, lentement, apparut. Pas un souffle de vent n’avait passé, ce fut comme une évocation. La dernière gaze se détacha, monta, s’évanouit dans l’air. Et la ville s’étendit sans une ombre, sous le soleil vainqueur. Hélène resta le menton appuyé sur la main, regardant cet éveil colossal.
Toute une vallée sans fin de constructions entassées. Sur la ligne perdue des coteaux, des amas de toitures se détachaient, tandis que l’on sentait le flot des maisons rouler au loin, derrière les plis de terrain, dans des campagnes qu’on ne voyait plus. C’était la pleine mer, avec l’infini et l’inconnu de ses vagues. Paris se déployait, aussi grand que le ciel. Sous cette radieuse matinée, la ville, jaune de soleil, semblait un champ d’épis mûrs ; et l’immense tableau avait une simplicité, deux tons seulement, le bleu pâle de l’air et le reflet doré des toits. L’ondée de ces rayons printaniers donnait aux choses une grâce d’enfance. On distinguait nettement les plus petits détails, tant la lumière était pure. Paris, avec le chaos inextricable de ses pierres, luisait comme sous un cristal. De temps à autre pourtant, dans cette sérénité éclatante et immobile, un souffle passait ; et alors on voyait des quartiers dont les lignes mollissaient et tremblaient, comme si on les eût regardés à travers quelque flamme invisible.
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