Citations sur Fouché (127)
“Chaque jour nous constatons encore que, dans le jeu ambigu et souvent criminel de la politique, auquel les peuples confient toujours avec crédulité leurs enfants et leur avenir, ce ne sont pas de hommes aux idées larges et morales, aux convictions inébranlables qui l’emportent, mais ces joueurs professionnels que nous appelons diplomates, - ces artistes aux mains prestes, aux mots vides et aux nerfs glacés”
Dix années d’inimité acharnée lient souvent les hommes plus mystérieusement qu’une amitié médiocre.
Cette résistance secrète contre la passion guerrière et le manque de mesure de Napoléon finit même par rapprocher les adversaires les plus acharnés entre eux, parmi ses conseillers : Fouché et Talleyrand. Ces deux ministres de Napoléon, les plus capables de tous - les figures psychologiquement les plus intéressantes de cette époque - ne s’aiment pas, probablement parce qu’ils se ressemblent trop à beaucoup d’égards. Tous deux sont des cerveaux clairs, positifs, réalistes, des cyniques et des disciples consommés de Machiavel. Tous deux sont passés par l’école de l’Église et par la brûlante école supérieure de la Révolution; tous deux ont le même sang-froid dénué de toute conscience, pour ce qui est de l’argent et de l’honneur. Tous deux servent avec la même infidélité, la même absence de scrupules, la République, le Directoire, le Consulat, l’Empire et la Monarchie.
(...) il joue toujours un jeu double, triple, quadruple; tromper et duper toute le monde, à toutes les tables, devient peu à peu sa passion.
Les morts sont encore ceux qui gardent le mieux le silence.
Il faut profondément sonder l’histoire pour remarquer, dans le feu de la Révolution et dans la lumière légendaire de Napoléon, la simple présence de cet homme, d’apparence modeste, mais qui, en réalité, met la main à tout et dirige l’époque. Pendant toute sa vie il restera dans l’ombre — mais il enjambera les corps de trois générations; Patrocle est depuis longtemps tombé, et Hector, et Achille, qu’Ulysse vit encore, Ulysse fécond en artifices.
Il ne faut pas s'épuiser prématurément, il ne faut pas s’assujettir trop tôt, il ne faut pas se lier pour toujours ! Car on ne sait pas encore exactement si la Révolution se développera ou reviendra sur ses pas : en véritable fils de marin, il attend, pour bondir sur le dos de la vague, le vent favorable, et pendant ce temps son esquif reste au port.
À l’Église, il ne se donne que temporairement et pas tout entier; il ne se donnera pas davantage plus tard à la Révolution, au Directoire, au Consulat, à l’Empire où à la Royauté; même à Dieu, et encore moins à un homme, Joseph Fouché ne s’engage à être fidèle sa vie durant.
Cet homme froid, sans sensualité, ce calculateur, ce joueur cérébral, moins tigre que renard, n'a pas besoin de l'odeur du charnier pour exciter ses nerfs.
Le tiers état est encore exclu de tout, dans le royaume corrompu et mal administré ; il n'est pas étonnant qu'un quart de siècle plus tard le poing exige ce qu'on a refusé trop longtemps à la main humblement suppliante.