Elle se prépara psychologiquement à trouver du crachat ou de la morve dans sa nourriture mais ce fut tout autre chose.
Une vision de cauchemar, le type était couvert de cicatrices. Tout son visage n’était qu’un ersatz de face humaine [...] Une face de mort, une promesse de souffrances atroces. En parlant de souffrances, sa brûlure était en train de la consumer de l'intérieur. Elle aurait donné n’importe quoi pour que la douleur s’arrête, c’était atroce, inhumain. Elle était même prête à tout abandonner et se laisser mourir là, sur le sol, pourvu qu’elle ne ressente plus rien. Un désespoir profond s’empara d’elle. Ensuite, le visage grimaçant du dingue aux cicatrices refit surface dans son esprit.
- Au fait, nous avons gardé votre bagage. Je suppose que vous n’en avez pas vraiment besoin, vu ce qu’il contient.
Cette phrase était bourrée de sous-entendus et Chris les reçut en pleine face. Elle se sentait rougir et un sentiment de honte l’envahit. Que pouvaient-ils penser d’elle ? Elle alla une nouvelle fois au plus profond d’elle-même et verrouilla la porte de la honte, pour ne plus jamais devoir la rouvrir.
Il était réputé violent, agressif avec les filles qu’ils géraient. Il n’avait aucune pitié et n’hésitait pas à coller une bonne raclée à quiconque se dressait devant lui. La jeune inspectrice connaissait ce genre d’hommes. Il était de ceux qui ne supportaient pas être rabaissés par une femme. Elle se dit qu’il y avait peut-être une carte à jouer.
Elle n’avait aucune idée de l’heure qu’il pouvait être. Enfermée dans cet endroit obscur et froid, les secondes semblaient des minutes et les minutes des heures. Le temps s’étirait avec une lenteur insupportable. Comme le fil invisible par lequel l'araignée descend sournoisement pour sauter sur sa proie.
- Tu comprends pourquoi je ne voulais plus la voir ?
- Oui, je comprends mon amour. Je comprends tout à présent, répondit-elle.
Elle serra plus fort l’homme de sa vie et se dit qu’elle attendrait les prochaines vagues plus sereinement.
À cette pensée, elle sourit.
Le problème était qu’il s’agissait d’une soirée très privée. Les vieux porcs qui étaient présents nous ont fait boire et nous ont droguées à notre insu. Ils ont abusé de ma sœur et de moi toute la nuit. Ils nous ont violées chacun leur tour. Parfois ils étaient plusieurs sur l’une de nous deux, nous faisant subir les pires sévices. L’autre devait regarder sachant ce qui l’attendait. Le supplice dura des heures sans interruption. Quand le cauchemar fut terminé, nous n’arrivions plus à marcher pour regagner notre taudis. La douleur et la honte nous avaient brisées.
Ce qui perturbait le plus la jeune femme était la sauvagerie avec laquelle le meurtrier s’était déchaîné sur la pauvre fille. La tête était presque décapitée. Vein se disait qu’elle ne devait tenir que par quelques tendons qui étaient visibles d’ailleurs. Une sorte d’écharpe sanguinolente était posée sur l’épaule du corps. Celle-ci sortait de l’abdomen qui ressemblait à un magma indéfinissable. On avait l’impression que l’on avait fouillé dans ce ventre pour en extraire un maximum de choses.
Grande et élancée, elle avait un petit quelque chose qui faisait que les hommes se retournaient sur son passage. Ses cheveux couleur d’ébène rappelaient les ailes des corbeaux, ceux que l’on voit sur les illustrations de contes pour enfants. Ses yeux aussi noirs que la nuit, hypnotisaient ses interlocuteurs. C’était une belle femme, une très belle femme indubitablement. Elle avait une douceur dans son regard qui ne cadrait pas avec l’expression sévère de son visage.
La jeune femme avait vraiment beaucoup de mal avec son collègue. Pourtant, elle ne pouvait pas nier qu’il avait du charme. Non, elle n’aurait pas été honnête en prétendant qu’il n’était pas attirant. Son visage d’éternel adolescent, bien qu’il ait largement dépassé la trentaine, faisait fondre plus d’une femme. En outre, il avait des yeux bleus incroyables, d’un bleu profond comme l’océan. Son sourire pouvait être tour à tour charmeur, chaleureux ou ironique.