Citations de Boileau-Narcejac (307)
[...] ... - "Elles étaient deux," dit Ludwig.
- "Vous êtes sûr ?
- Absolument sûr. Je les connaissais bien puisqu'on a travaillé ensemble au Kursaal, à Hambourg.3
Le commissaire étudiait Ludwig. Derrière lui, se tenait un inspecteur, un grand gaillard en imperméable, avec une curieuse cicatrice qui courait sur sa joue gauche, comme une fêlure. Et Ludwig ne pouvait détacher ses regards de cette cicatrice.
- "Pourquoi n'êtes-vous pas venu nous raconter cela plus tôt ?" demanda l'inspecteur. "Il y a plus d'un mois que l'affaire est classée.
- Je ne suis en France que depuis cinq jours," dit Ludwig. "Je suis jongleur, chez Amar. Ce sont des camarades qui m'ont appris la mort de la petite ... Annegret ... J'ai été bouleversé.
- Je vous répète que l'affaire est classée," maugréa le commissaire. "... Avez-vous des faits nouveaux à nous apprendre ? ... Voulez-vous insinuer que cette jeune fille a été tuée ?"
Ludwig baissa les yeux, allongea les mains sur ses genoux.
- "Je n'insinue rien", dit-il. "Je voudrais simplement savoir laquelle des deux est morte. Et l'autre, qu'est-elle devenue ? Pourquoi ne parle-t-on plus d'elle ? ... Comme si elle n'avait jamais existé." ... [...]
Pourquoi enlève-t-on une chanteuse ? Pour l'écouter chez soi, tranquillement... égoïstement ? Ce n'est pas la musique qu'on veut entendre, mais la voix, la voix pour elle-même. (p.7)
Sans Atout ne répondit pas. Il était fasciné. La peinture ne l'avait jamais beaucoup intéressé. Il avait visité le Louvre et quelques autres musées. Trop de tableaux, qu'il fallait voir trop vite. Trop de Vierges à l'Enfant, de Christs, de Saints torturés, de vieillards en prière. Trop de fruits, sur des nappes chiffonnées, de poissons voisinant avec du gibier. Trop de formes, de couleurs, de reflets savants. Mais l'Homme à la dague, pour la première fois, éveillait en lui une émotion profonde.
Je m'essuyai les yeux. La canaille, dans cette histoire, c'était moi, et moi seul. Ma pauvre Mathilde !
Le préfet avait raison quand il prétendait que toute grande aventure scientifique paraissait folle, au début...
- Les gendarmes vont nous interroger, dit Rémy. Nous n’avons pas intérêt à parler de la querelle d’hier soir. Ils s’imagineraient Dieu sait quoi… et je vous affirme que je n’ai pas quitté ma chambre de la nuit… Vous me croyez, Raymonde ? J’ai souhaité sa mort, c’est vrai. Et maintenant, je ne suis pas fâché de ce qui lui arrive. Mais je vous jure que je n’ai rien fait, rien tenté… A moins de prétendre que j’ai le mauvais œil… Il essaya de sourire. – Allez ! Dites que j’ai le mauvais œil. Elle secoua la tête sans répondre.
Eve se taisait et Leprat comprit qu’elle le laissait choisir, qu’elle acceptait l’épreuve, qu’elle l’accueillait même avec un plaisir secret. Elle aimait ces minutes de vérité ; elle raffolait de ces coups de dés… l’amour, la séparation, la vie, la mort… à pile ou face. Il pouvait se libérer d’un mot. Mais il ne disposait que d’une seconde. S’il hésitait, il était fini. Elle le congédierait comme un domestique.
C’est dur de plaider devant un mort.
La félonie de Sylvain Daurelle… Ou bien : La trahison… Ou bien : La perfidie… Ou bien : La traîtrise… Les mots qui font saigner.
Deux rivaux qui se réconcilient sur le champ de bataille. La vie les a opposés. Le cinéma les rapproche.
Si tu t’arrêtes à la luxure, tu tombes sur l’histoire rebattue du noble cœur perdu par une maîtresse insatiable.
L’avarice, c’est le nourrisson de l’ambition.
On est méchant quand on aime.
Le désespoir d’amour, c’est à la portée de tout le monde. Mais le sacrifice accepté à froid !
Là où il y a le fric, il y a, comme par hasard, les copains, ceux d’autrefois, dont tu as perdu le souvenir, et ceux d’aujourd’hui, dont tu n’as pas encore retenu les noms. Et tout ça fait un joyeux vacarme de claquements de becs, de grincements de griffes jusqu’à ce qu’il ne reste plus de la charogne qu’une carcasse nettoyée à blanc. Alors, tout ce joli monde se sépare, en se léchant les babines ou en se lissant les plumes
Par prudence ! Qui sait si un jour vous ne gagnerez pas le gros lot à la loterie du cinéma ! Il vaut donc mieux être de vos amis. Moi, je suis le has been comme vous dites dans votre jargon. On peut m’écraser sans risque… Si, en revanche, vous vous cassez la figure avec Werther, tout le monde vous passera dessus, j’espère que vous le savez. Oh ! le joli bruit de mâchoires que l’on entend dans les coulisses de ce que vous ne craignez pas d’appeler : le septième art.
Mais ça veut dire quoi, le temps de vivre ? Qu’on flâne, qu’on donne à son corps des satisfactions choisies, qu’on refuse les soucis de la veille et ceux du lendemain ? Sans intérêt ! Vivre, au contraire, c’est vibrer sans repos dans un champ magnétique, à l’image de la boussole dont l’aiguille tremble dans le flux qui la pénètre.
Il y a des méchancetés qui rapportent.
On ne rompt jamais dans notre métier. On prend momentanément ses distances.
Le nerf de l’histoire, c’est l’argent. Vous allez comprendre… Le père de Charlotte, j’en fais un constructeur d’automobiles… mais naturellement ce sont des voitures de luxe qui ont joui d’un grand prestige et sont devenues invendables… Ça, c’est un problème économique d’aujourd’hui… Vous me suivez… Si ses usines ferment, chômage, bref, vous voyez les conséquences. Une seule solution : se vendre à un concurrent plus puissant.