Citations de Dominique A (83)
J’anticipe le mal qu’on peut me faire, et crains que l’odeur de ma peur n’agisse comme un excitant. La peur est mon pays. Peut-on l’écrire au titre du lieu de naissance sur la carte d’identité ? Ca me dédouanerait de mon incapacité à être courageux. J’envie ceux qui le sont. Mais la plupart le sont naturellement : leur courage n’est pas le fruit d’une lutte intérieur, il ne leur coûte rien. Je ne peux qu’avoir le cran d’accepter ma faiblesse, et d’en payer le prix, la peur, en espérant qu’elle suscite l’indulgence et que les autres me laissent "passer". (p31)
Je vins à Rennes de plus en plus souvent. J'y avais lié des amitiés, et j'y répétais ou enregistrais régulièrement. Je n'y croisai jamais Philippe, ni ne cherchai à le revoir, mais je le savais là, pensais à lui, et souvent, en marchant dans les rues à la nuit tombée, je me sentais comme immergé dans certaines de ses chansons. Elles en étaient l'écho nocturne parfait.
Marquis de Sade a toujours été un groupe intimidant. Il était finalement plus simple de se raccrocher aux émanations de celui-ci après sa dissolution, Marc Seberg dès leur second album ou Octobre : leurs répertoires respectifs étaient moins âpres, plus aimables pourrait-on dire. Mais la trace laissée était indélébile. On en parlait comme de notre Velvet à nous.
LASSITUDE
Il sera dit
que la lutte est sans fin
le dernier grain de sable
dans le dernier recoin
m'échappera toujours
Le plus décourageant
c'est qu'une fois poussière moi-même
je ne serai plus là
pour balayer
la vulgarité afflige ma tante, elle la ramène peut-être à une autre époque, avec la pauvreté tout autour d’elle, les gueules ravagées par l’alcool, la promiscuité, a sept dans un deux-pièces porte de Clignancourt, et la guerre, les privations. la famille revient de loin, et c’est elle qui a impulsé le mouvement vers une vie meilleure, donné l’exemple. Jacqueline compte sur nous tous pour être dignes de cette échappée, hors la pauvreté. Elle compte sur moi.
L'homme à abattre
Les gens sont de plus en plus jeunes
Sapé comme un bourgeois
dans mon trois-quarts
l'air du sexagénaire que je serai bientôt
complice du réchauffement
du désastre néolibéral
et de l'absence d'empathie
je suis l'homme à abattre
Retour inutile (extrait)
3.
Que faire d'un jour de plus
dans une ville
que j'aime ne pas aimer ?
Marcher le sac rempli
de livres que je lirai
peut-être pas
m'asseoir pour boire
pour égayer cette liberté
dont je ne sais plus quoi faire
enfant gâté
d'une solitude
et d'une poignée de temps
imméritée
Intraitable
Un jour parfait
ne donne pas de poème
Il renâcle
Ainsi ce 17 décembre
à l'hôtel Ar Men Du
le plus beau des sentiers
la mer, un crépuscule
un amour
rien n'y fait
Sa perfection est à ce prix
Il vise l’Italie
moins raciste pense-t-il
mais lui manque
l’argent
Je lui en donne
et il sort de ma vie
Mais n’en sort pas
Alors qui sait ce qui nous passe en tête
Chaque page
tournée
c'est souvent
pour toujours
Aujourd'hui ça me paraît simple d'écrire
J'écris comme un enfant
Rien qui barre l'horizon
rien qui coupe court et sème
la mort sur le blanc infini
des mots
Chaque page
tournée
c'est souvent
pour toujours
Un jour peut-être nous n'aurons plus besoin
ni du souvenir
ni de l'imaginaire
mes livres se sont envolés
Le constat
Ce dont je ne parle pas
n'est pas là
en creux
entre les lignes
Ce dont je ne parle pas
n'est pas là
Ce dont je ne parle pas
exige
une parole forte
une voix aguerrie
-de l'impudeur?-
Il n'y a guère que sur moi
que je peux me permettre
d'écrire d'importe quoi
Facilité
Je n'aimerais pas
qu'on ne me comprenne pas
même si qu'on me comprenne
au moment où j'écris
n'est pas mon souci
Au moment où j'écris
je renonce moi-même
à comprendre
Et si la musique, plutôt que de l'éloigner de ce qui le rongeait, était ce qui l'y avait ramené, l'avait fait "replonger"?
La poésie…
La poésie s’en est allée
Je la soupçonne d’être passé par chez toi
De s’être allongée dans ton lit
Et d’avoir écouté la pluie sur le toit …
La poésie s’en est allée
Je la soupçonne d’être passé par chez toi
De s’être allongée dans ton lit
Et d’avoir écouté la pluie sur le toit
Elle avait si peu à confier
Pas du genre à trop s’épancher quelques mots
Qu’elle a laissé sur ton bureau
Quelques ratures au stylo
Puis elle s’en est allée
Puis elle s’en est allée
Il nous a fallu quelques jours
Pour être moins aveugle et sourd et trouver
Que l’air était un peu plus lourd
Nos épaules un peu plus rentrées et penser
Qu’après avoir tant annoncé
Un départ mille fois reporté, elle rêve
Ôter le manteau du crochet
Où depuis des siècles il pendait
Puis s’en était allé
Puis s’en était allé
Sommes-nous des enfants perdus?
La forêt à perte de vue pour le soir
Refuse de nous abandonner
De laisser à l’obscurité tout pouvoir
Sur notre histoire mal engagée
La pleine lune est convoquée pour déjouer
Les pièges d’une nuit trop noire
Aux abords d’un abattoir
Sans un poème pour nous sauver
Sans un poème pour nous sauver
Je n’sais pas pourquoi je pensais
Qu’elle n’avait pas pu s’en aller, sans passer
Par chez toi et sur ton bureau
J’ai vu les ratures au stylo, quelques mots
Qui se sont glissés sur ma peau
Sur ton visage et sur tes mains ils ont pris
Le rythme d’un cœur en sursit
Et leur peau était faible aussi
Mais il faudrait s’y accrocher
Mais il faudrait s’y accrocher
//Chanson composée en hommage à Léonard Cohen.
On regardait le vinyle, le bras de l'électrophone balayer lentement sa surface en cercles jusqu'au rond central, et c'était une très belle façon de voir le temps s'écouler.
Des années durant, je me suis replié sur la musique, comme à l'abri.
J'aime le clair-obscur, et le silence, l'existence au-dehors tenue à distance par les murs épais.
La vie me fait peur. J'en redoute les lubies, les exigences imprévisibles.
Il va me falloir agir, justifier ma présence en ce monde.
Nos vies seront exigeantes et nobles, détachées des plaisirs immédiats ; nous chercherons dans le passé des traces d'un monde idéal, dont la new wave se fera l'écho, à grand renfort d'accords mineurs : nous lui confierons notre inquiétude. Elle transfigurera nos faiblesses.