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Citations de Ibn`Arabî (85)


Mon cœur est capable de toutes images.
Il est prairie pour les gazelles
Et monastère pour les moines
Il est temple pour les idoles,
Et Kaaba pour les pèlerins.
Il est Table de la Thora
Et Livre du Saint Coran.
La religion que je professe
Est celle de l'Amour,
Partout où se dirigent ses montures
L'Amour est ma religion et ma foi.
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Ne séme pas le grain dans la terre des aveugles et ne tourne pas les yeux ceux qui nous contredisent, car ceux sont eux les sourds, muets et aveugles dont parla pour nous, l'exempt de péché, dans le Coran.
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Contemple le Vrai dans la signification de Ses Noms et en tant qu’Essence de tout mon être, Essence de chaque atome qui le constitue.

Pour celui qui apprend mes déviances et mes dissidences apparentes, s’il veut me rendre justice,

Les Noms de mon Seigneur sont innombrables, rien ne peut les cerner, contrairement aux miens.

Si je parle, je parle à travers Lui ou s’Il parle, il parle à travers nous. Tout s’interpénètre, comme le contemplé et le contemplateur.

L’Essence est une et le point de vue est multiple. Réfléchis par Lui et à partir de toi-même, en considèrent mes signes et mes allusions.

La lumière n’a pas de couleur qui la différencie, comme l’eau elle prend les couleurs du verre.

L’eau n’a pas de forme qui la délimite si ce n’est celle du vase et dans cette limite réside mon mal.

Il s’agit d’un mal enfoui et incurable. Où est la guérison alors que mon mal se trouve dans mon remède ?

J’aspire à guérir de ce qui est inhérent à moi-même, hélas ! Comment soigner le mal par le mal ?

Je m’exprime par le lâm et non point par le bâ’ car nous avons certes quelqu’un qui nous désavoue sur le discours par le bâ’. (pp. 155-156)
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La Miséricorde de Dieu envers les hôtes du Feu, pendant les cycles de leur tourment, a pour effet de les soulager de son intensité. Le Feu est ensuite attisé à cause d’eux. Or, par ce processus de compassion, les affres du châtiment sont allégées dans la mesure où le Feu diminue d’intensité. Dieu en dit : Chaque fois que le Feu s’affaiblit, Nous intensifions un intense brasier pour eux (Qur’ân 17-97). Cela te confirme, sans aucun doute, que le Feu est sensible et c’est seulement parce qu’il concerne les corps qu’il reçoit cette qualification, étant donné que sa nature même n’accepte pas ce caractère sensible sous le rapport de son essence qui, elle, ne subit ni accroissement ni diminution. Seul le corps, qui offre un combustible pour le Feu, est ainsi qualifié et brûle en vertu de son caractère igné (nâriyya).

Si nous envisageons ce dernier verset, sous un autre aspect, nous ferons ce commentaire : Chaque fois que le Feu s’affaiblit – il s’agit du Feu qui s’empare de leurs corps – Nous intensifions pour eux – eux qui subissent le tourment – un intense brasier. Dieu n’a pas dit : Nous intensifierons le Feu, puisque le châtiment vient transformer leurs dispositions intérieures. C’est en cela que consiste le pire des châtiments du fait que leur tourment sensible pourrait les distraire du châtiment intelligible ou incorporel (‘adhâb ma’nawî). Quand le Feu faiblit dans leurs réalités extrinsèques, ils en éprouvent un délassement dans leur sensibilité (hiss) et Dieu leur impose alors, dans leurs dispositions intrinsèques, l’introspection (tafakkur) sur les choses qu’ils ont négligées et qui leur auraient procuré le bonheur s’ils les avaient accomplies.

L’estimation (wahm) impose son emprise sur eux et les force alors à se représenter un châtiment plus intense que celui qu’ils subissent. Leur châtiment résulte ainsi de ce pouvoir d’illusion (tawahhum) qui est en eux-mêmes, plus fort que l’immanence du tourment intimement lié au pouvoir que le feu sensible exerce sur leurs corps. Ce feu, que leur pouvoir d’illusion leur procure, est celui-là même qui s’empare des cœurs (Qur’ân 104-7) et que nous décrivons en ces vers :

Le feu est double : un feu entièrement flamme
et un autre incorporel brûlant les esprits
Qui produit ni brûlure ni brasier,
mais une douleur imprégnant le cœur ! (pp. 218-219)
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Quand l’homme contemple Dieu dans la femme, il contemple le « pôle passif » ; quand il Le contemple en lui-même l’aspect de la femme qui a été existenciée à partir de lui, il Le contemple en tant que « pôle actif » ; enfin, quand il Le contemple en lui-même sans que lui soit présente la forme de ce qui procède de lui (c’est-à-dire la femme), il contemple un être dont l’état est passif par rapport à Dieu, sans intermédiaire.

Sa contemplation de Dieu dans la femme est donc plus complète et plus parfaite, car il Le contemple alors sous Son aspect passif. Telle est la raison pour laquelle (le Prophète) – qu’Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! – aimait les femmes : en elles, la contemplation de Dieu est plus parfaite.

Dieu ne peut jamais être contemplé en l’absence d’un support, car l’Essence d’Allâh est indépendante des mondes. La Réalité divine est inaccessible sous ce rapport, de sorte que la contemplation implique nécessairement un support sensible ; c’est pourquoi la contemplation de Dieu dans les femmes est meilleure et la plus parfaite.

L’union la plus grande est l’union sexuelle. Elle est comparable à ce qu’est l’ « auto-orientation » divine vers celui qu’Il a créé selon Sa Forme pour l’établir comme Calife, de sorte qu’Il puisse Se voir Lui-même en lui. (pp. 694-695)
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 Ibn'Arabî
Mon cœur est devenu capable de toutes les formes,
Une prairie pour les gazelles, un couvent pour les moines,
Un temple pour les idoles, une kaaba pour le pèlerin,
Les Tables de la Thora, le livre du Coran.
Je professe la religion de l'Amour, et quelque direction
Que prenne sa monture, l'Amour est ma Religion et ma Foi.
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Dieu me fit contempler la lumière de la perception et le lever de l’astre du dépouillement. Il me dit : « Je me cache aux hommes du voile dans la pleine évidence et dans la perception. » Il me dit : « Le regard est borné, c’est le lieu du symbole et le substrat de l’énigme des choses. Si les gens savaient que l’énigme des choses divines et leur symbole résident dans l’intensité de la clarté, ils seraient à même de progresser. J’ai fait descendre les signes évidents comme indices des significations métaphysiques que l’on ne comprendra jamais. » Puis Il me dit : « Regarde-moi dans le soleil, recherche-moi dans la lune, scrute-moi dans les étoiles ». (p. 61)
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L’homme possède deux aspects de perfection. Par le premier, il accède au degré de la Présence divine et par l’autre, au degré de la présence du monde de la génération (kiyâniyya). D’une part, on dit de lui qu’il est un serviteur du fait qu’il est assujetti (mukallaf), qu’il n’existait pas puis vint à l’existence à l’instar du Cosmos ; d’autre part, on dit de lui qu’il est seigneur (rabb) sous le rapport de la Lieutenance (khalîfa), de la forme (cûra) et de la plus belle constitution (ahsan taqwîm). (cf. Coran 95 : 4). Il est aussi un Isthme (barzakh) entre le Monde et Dieu le Réel, il synthétise (jâmi’) la créature (khalq) et Dieu le Réel (haqq). Il est la ligne de séparation entre le degré de la Présence divine et celui du monde de la génération (kawmiyya), comme la ligne [imaginaire] séparant l’ombre du soleil. Telle est sa réalité.

Il possède la perfection totale dans l’adventice (hudûth) et dans l’éternel (qidam), alors que Dieu le Réel possède la Perfection absolue dans l’éternité et ne participe pas de l’adventicité étant trop sublime pour cela ; tandis que le Cosmos possède la perfection totale dans l’adventicité et n’est pas l’éternité étant trop infirme pour cela.

L’homme représente donc une synthèse – que Dieu en soit louangé ! Ainsi, dans l’existence, il ne peut y avoir de réalité plus éminente, ni d’existant plus pur, comme il ne peut y avoir de réalité plus avilie et plus dévoyée puisque, parmi les créatures, on trouve aussi bien Muhammad [le Prophète] que Abû Jahl aussi bien Moïse que Pharaon.

Réalise bien ce qu’est la plus belle constitution et considère-la comme la condition centrale des obédiants et des rapprochés. Réalise aussi ce qu’est la réalité plus inférieur des êtres vils (cf. Coran 95 : 5), et considère-la comme la condition fondamentale des mécroyants et des dénégateurs. Gloire à Celui auquel « nulle chose n’est semblable alors qu’Il est l’Oyant et le Voyant » (Coran 42 : 11). (pp. 25-26)
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Nous disons donc : ce que l’on désigne comme « autre que Dieu », ou ce que l’on appelle « le monde », est à Dieu ce que l’ombre est à la personne. Le monde est l’ombre d’Allâh ; elle est l’essence du lien qui rattache la réalité actuelle au monde.

L’ombre est douée de réalité dans le monde sensible, indubitablement. A condition, toutefois, qu’il y ait un rapport sur lequel cette ombre puisse se manifester, sans quoi elle demeurerait virtuelle et ne pourrait s’actualiser ; elle demeurerait en puissance dans la personne qui la produit. Le réceptacle de la manifestation de cette ombre divine que l’on appelle le monde est constitué uniquement par les essences propres des possibilités contingentes ; c’est sur elles que cette ombre est étendue. Elle est perçue dans la mesure où s’étend la réalité actuelle de cette Essence, et ne l’est que par Son Nom « la Lumière ». L’ombre ainsi étendue sur les essences propres de ces possibilités est à l’image du mystère inconnaissable.
(…)
Il découle de ce que je viens de te dire que le monde est illusoire car il est dépourvu de réalité véritable : c’est là qu’il faut entendre par « imagination » ; c’est-à-dire : on te fait imaginer que le monde est une réalité surajoutée, autonome et extérieure à Dieu, alors qu’il n’en est pas ainsi véritablement. (pp. 246-249)
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Ils exprimèrent leur ruse en disant : N’abandonnez jamais vos divinités ; n’abandonnez jamais, ni Wadd, ni Suwâ’, ni Yagûth, ni Ya’ûq, ni Nasr… En effet, cet abandon les aurait privés de la connaissance de Dieu dans une mesure correspondante, car tout objet d’adoration comporte un aspect (divin) connu de celui qui connaît cet objet et ignoré de celui qui l’ignore. Les Muhammadiens disent, quant à eux : Ton Seigneurs a décrété de toute éternité que vous n’adorerez que Lui ; c’est-à-dire : Il a établi la chose ainsi. Le Savant (par Allâh) sait Qui est adoré, et dans quelle forme Il s’est manifesté pour être adoré, et que la séparation et la pluralité sont semblables à celles des organes dans la forme sensible de l’homme et des facultés subtiles dans sa forme spirituelle, de sorte qu’en tout objet d’adoration c’est Allâh seul qui est adoré.

Celui dont la connaissance est inférieure s’imagine que la qualité divine est dans ces objets mêmes ; sans cette imagination, ni pierre, ni aucune chose semblable n’aurait jamais été adorée. C’est pourquoi le Très-Haut a dit : Nommez-les ! car, s’ils les avaient nommés, ils les auraient appelés « pierre », « arbre », « astre » ; et si on leur avait dit : « Qui adorez-vous ? » ils auraient répondu : « une Divinité » ; ils n’auraient dit, ni « Allâh », ni « la Divinité ».

Celui dont la connaissance est supérieure n’est pas le jouet de son imagination ; il dit plutôt : « Ceci est un support théophanique qu’ils convient de vénérer », de sorte que rien ne lui fait défaut.

L’ « inférieur », celui qui recourt à l’imagination, déclare : Nous les adorons uniquement pour qu’ils nous rapprochent d’Allâh ; le « supérieur », le savant (véritable), déclare (plutôt) : Votre divinité ne peut être qu’une Divinité unique : faites donc acte de soumission à elle… là où elle se manifeste …et annonce la bonne nouvelle aux humbles : ceux chez qui le feu de leur nature a été éteint(1) de sorte qu’ils disent « une Divinité » et non « un aspect naturel ».(2)

(1) Ibn Arabî explique le sens du terme mukhbitîn (se montrer humble devant Dieu) – tiré de la racine kh-b-t – au moyen d’une assimilation verbale établie avec le verbe khabâ (de racine kh-b-w) qui désigne notamment le fait de laisser s’éteindre un feu. Dans son commentaire, Qâchânî souligne le contraste entre l’ « orgueil » du feu qui cherche à s’élever et l’humilité de ceux qui s’abaissent devant Dieu.

(2) Lorsque le « feu de la nature », c’est-à-dire la vie individuelle, n’est pas éteint à l’intérieur de l’homme, il ne peut voir extérieurement que l’aspect naturel des réceptacles théophaniques. Inversement, s’il perçoit la « qualité divine » de ces derniers, c’est parce que l’extinction en lui du « feu naturel » lui permet d’actualiser son essence principielle, car, selon l’enseignement des Maîtres de la Voie, « seul Dieu peut voir Dieu ». (pp. 124-126)
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Nous nous révélerons la passion
Que l'un pour l'autre, nous éprouvons,
Ainsi que l'âpreté de l'épreuve,
Et les douleurs de l'extase.
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Est-ce fantasmes incohérents,
Ou bien rêves prémonitoires
Ou encore propos de tous les jours,
Dans lesquels mon bonheur repose ?
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Aussi, de notre point de vue, il n’est à nos yeux rien dans l’existence que nous ne magnifions car toute chose est pour nous l’occasion d’y contempler l’Essence de la Vérité ; aussi ne lançons-nous d’accusations contre rien de ce qui existe.
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Tu dois respecter les limites fixées par Dieu à propos de toi-même et des personnes sous ton autorité car tu en es responsable devant Dieu. Si Dieu t’a confié une autorité et un pouvoir, tu dois appliquer les peines légales et respecter les limites fixées par Dieu sur ceux qui dépendent de ton autorité. Car tous vous êtes des bergers responsables de vos troupeaux et cela ne concerne que le respect des limites fixées par Dieu à leur sujet. Le moindre pouvoir c’est l’autorité que tu as sur ton âme et sur tes membres où tu dois faire respecter les limites fixées par Dieu, et cela va jusqu’au grand vicariat. En effet tu es le vicaire de Dieu dans toutes les situations sur toi-même et au-delà. D’ailleurs, il est rapporté dans le hadith bien établi au sujet de celui qui respecte les limites fixées par Dieu et de celui qui ne les respecte pas, que l’Envoyé de Dieu (r) les a comparés à « Des gens qui ont un tirage au sort pour s’installer dans un navire : les uns ont occupé le pont et les autres les cales. Et lorsque ceux d’en bas montent pour chercher l’eau et passent près de ceux qui sont sur le pont, ils disent : « Si nous creusions une brèche pour accéder à notre part, nous ne gênerions pas ceux qui sont au-dessus de nous ! » Et si ceux installés sur le pont les laissent faire, tous périront. »

Ainsi lorsqu’une envie de faire le bien traverse ton esprit, sache que cela provient de l’ange. Et si ensuite te vient une idée qui t’empêche de faire ce bien, sache que cela provient du démon. Mais tu ne sauras distinguer le bien du mal que grâce à la définition de la Loi religieuse. Et si tu es assailli par une idée qui t’ordonne de faire le mal, sache que cela provient du démon, et si cette idée est suivie par une autre qui t’interdit de faire cela, sache que cela provient de l’ange. Et sache, de ce navire, que s’il est avarié, il périt et fait périr tout ce qui est en toi. Tu dois donc t’attacher à la science de la Loi religieuse, car tu ne sauras les limites fixées par Dieu tant que tu ne distingues pas celui qui y succombe de celui qui les respecte, et cela seulement si tu connaît la science de la Loi religieuse. Il t’incombe donc de rechercher la science de la Loi religieuse pour observer les limites fixées par Dieu. (recommandation 26)
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En quoi l'homme, ici l'Homme Universel, est-il semblable à Dieu ou différent de lui ? La réponse reste bien sûr d'une très allusive concision. En tant qu'il manifeste, par ses qualités positives, les attributs divins, l'Homme se trouve avec Dieu dans une relation de similitude, mais en tant qu'être, la différence est absolue, car l'Être (al-wujûd), n'appartient qu'à Dieu. Quant aux êtres manifestés, leur réalité se détache sur un fond de non-être absolu ('adam). (Denis Gril, pp. 10-11)
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La Réalité Divine Essentielle (al-Haqîqatu-l-Ilâhiyya) est trop élevée pour être contemplée par l'"œil" qui doit contempler, tant que subsiste une trace de la condition de créature dans l'"œil" du contemplant. Mais lorsque "s'éteint ce qui n'a pas été" - et qui est (par nature) périssant - "et reste ce qui n'a jamais cessé d'être" - ce qui est (par nature) permanent- alors se lève le Soleil de la preuve décisive pour la Vision par soi (al-'lyân). Alors se produit la sublimation absolue (at-tanazzuhu-l-mutlaq) effective dans la Beauté Absolue (al-Jamâlu-l-Mutlaq), et c'est cela l'"Œil de la Synthèse et de la Réalisation par excellence" ('Aynu-l-Jam'i wa-l-Wujûd) et la "Station de la Quiétude et de la Suffisance Immuable" (Maqâmu-sSukûni wa-l-Jumûd). Cet Œil voit alors les Nombres comme étant un "Unique", le nombre "Un" (Wâhid), qui, cependant, voyage dans des degrés numéraux et qui par ce voyage manifeste les entités des Nombres. C'est à cette station contemplative que se produit la glissade de celui qui professe (la doctrine de) l'"unification" (al-ittihâd), Celui-ci, voyant que l'Unique voyage dans des degrés numéraux dont l'existence est purement estimative (wahmiyya), où Il reçoit toutefois des noms qui varient avec les degrés, ne voit pas les Nombres comme étant autre chose que l'Un (al-Ahad): alors il dit qu'il y a eu "unification", Or (I'Unique, ou l'Un) ne paraît avec son propre nom (ism), en même temps qu'avec son essence (dhât), dans aucun autre degré que dans celui de l'Unité première (al-Wahdâniyya); toutes les fois qu'il paraît dans d'autres degrés que celui-là avec son essence, il ne fait pas paraître son propre nom, mais est nommé alors d'après ce que confère la réalité des degrés numéraux respectifs. Ainsi, par son "nom" propre, il produit l'extinction (yufnî) et par son "essence", il produit la permanence : quand tu dis "un" (ou "unique") (wâhid) s'éteint ce qui est autre que lui, par la vertu de ce nom, et quand tu dis "deux", l'entité du "deux" paraît par la présence de l'essence de l'Un à ce degré numéral, mais évidemment pas en raison du nom de Celui-ci, car ce nom est contradictoire avec l'existence dudit degré numéral, alors que son essence n'y fait aucune opposition.

Ce genre de dévoilement (kashf) et de science ('ilm) doit être caché à la plupart des créatures, en raison de ce qu'il y a en cela de trop élevé; au-dessous de cela, il y a un abîme profond, où la chute est beaucoup à craindre. En effet, si quelqu'un qui ne possède pas la connaissance des réalités propres des choses (haqâ'iq) et ignore la continuité infinitésimale des attaches universelles (raqâ'iq), en abordant cet ordre de doctrine contemplative, tombe sur quelque propos émanant d'un être qui a possédé effectivement une telle connaissance, alors que lui-même n'en a jamais eu quelque expérience directe il pourrait (s'autoriser à) dire (lui aussi): "Je suis Celui que j'aime, Celui que j'aime est moi". C'est pour cette raison que nous voilons et celons ce genre d'enseignement.
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Suivant Ismâ’îl Haqqî, le terme nafs désigne l’ « Âme totale », présente virtuellement en tout être humain, mais qui est « prisonnière » à l’image de Jonas dans le ventre obscur de la baleine. Il insiste sur la nécessité, pour l’homme, de réintégrer cette âme dans sa pureté originelle et d’opérer ainsi en lui ce que René Guénon a appelé « la réalisation initiatique des Petits Mystères »(1). Rappelons que ce dernier considère la baleine comme un équivalent de la caverne initiatique, et qu’il assimile la sortie de Jonas à la « nouvelle naissance » qui suit « la mort à l’état ancien »(2). Au chapitre 33 des Futûhât, Ibn Arabî propose une interprétation semblable en précisant que Yûnus « sortit du ventre de la baleine engendré selon la Fitra d’une façon parfaite. A part lui, aucun des Enfants d’Adam n’a eu deux naissances. Il sortit aussi faible qu’un petit enfant(3) ».

(1) Cette réalisation implique la connaissance des secrets qui concernent l’état humain dans son ensemble. Selon la tradition islamique, la science correspondante est celle de la « Table Gardée » (al-Lawh al-Mahfûz) qui est précisément un symbole de l’Âme totale.

(2) Cf. Les mystères de la lettre Nûn, chap. XXIII des Symboles fondamentaux.

(3) Le Cheikh al-Akbar fait référence à ce sujet au wa huwa saqîm de Cor., 37, 145. Cette interprétation initiatique se retrouve dans le symbolisme de la Sainte Enfance évoqué par la parole du Christ : « Quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant n’y entrera pas » (Luc, 18, 15) ; cf. aussi l’Esprit universel de l’Islam, chap. XI. (Charles-Adré Gilis, p. 514)
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Quant aux « Gens du feu », le terme auquel ils aboutissent est la félicité, mais à l’intérieur du feu ; car celui-ci, lorsque la durée du châtiment se sera écoulée, prendra nécessairement la forme de la fraîcheur et du salut(1) pour ceux qui y seront plongés ; telle est, en effet, la félicité qui leur est propre.

La félicité des « Gens du feu » après l’exécution complète des peines légales est celle de l’Ami-intime d’Allâh(2). Lorsqu’il fut jeté dans le feu, sa seule souffrance – sur lui la Paix ! – fut de le voir, car il partageait la science et la conviction habituelles selon lesquelles le feu est une cause de douleur pour les êtres du règnes animal qui s’en approchent ; il ignorait ce qu’Allâh voulait pour lui dans le feu et grâce à lui. Après les souffrances initiales, il le trouva « frais et salutaire », bien qu’il vit encore sa forme rougeoyante. Cela (uniquement) pour lui, car le feu demeurait tel aux yeux des (autres) hommes. Une chose unique peut prendre des apparences différences pour ceux qui le regardent.

(1) Allusion à Cor., 21, 69.

(2) C’est-à-dire Ibrâhîm. (pp. 510-511)
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La Sagesse du cœur est attribuée à Shu’ayb pour deux raisons. La première n’est pas mentionnée par Ibn Arabî ; il s’agit de l’ordre donné par ce prophète à son peuple de mesure avec équité et de peser avec une balance juste de manière à ne pas caser de tort aux hommes. La seconde, étroitement liée à la première, est mentionnée au paragraphe 6 et se rapporte au nom « Shu’ayb » dont la racine contient l’idée de « ramifications » s’étendant dans toutes les directions à partir d’un centre. Ces deux indications évoquent la fonction du cœur qui est considéré comme le centre de l’être parce qu’il est physiquement le centre du corps. Selon un hadîth prophétique, c’est lui qui maintient la santé des organes et des membres parce qu’il assure l’équilibre du corps dans son ensemble, donnant à chacune de ses parties sa part et le « régissant avec justice ». Il représente l’ « unité de l’ensemble des facultés » corporelles et spirituelles, et c’est pourquoi il est considéré aussi, dans le Tasawwuf, comme l’organe par excellence de la Connaissance métaphysique et de la réalisation initiatique.

René Guénon a montré que le centre de l’espace n’est autre que le point dont il procède, mais que ce point n’est pas de nature spatiale. De même, le cœur contient en lui une « cavité secrète », un « germe » qui est « le point de contact avec le Divin »(1). Ce « centre du cœur » est lui-même de nature divine, ce qui confirme la fonction cognitive et réalisatrice du cœur car Dieu ne peut jamais être connu véritablement que par Lui-même ; il est appelé en arabe « lubb », terme qui a aussi le sens de « moelle ». C’est pourquoi les commentateurs de notre chapitre rapprochent le verset cité dans le paragraphe 5 : En vérité il y a en cela un rappel pour celui qui est doué de cœur de cet autre : En vérité il y a en cela un rappel pour ceux qui sont doués de moelle (ulû-l-albâb). Le « lubb », qui n’est autre que le « noyau d’immortalité », est défini par Jandî de la façon suivante : « Dieu, en tant qu’il est présent en toute chose et en toute créature est le lubb de toute chose » ; c’est aussi la « Face de Dieu » dont il est dit dans le Coran : Toute chose périt sauf Sa Face. Ce verset comporte une application initiatique qui souligne un autre aspect de la fonction du cœur : si, d’une part, le Très-Haut ne peut être connu que par Lui-même, d’autre part la contemplation directe et la réalisation effective de Sa Présence lorsqu’Il est « contenu dans le cœur » exclut toute « association » avec « autre que Lui ». C’est le sens de la parole d’Abû Yazîd citée à la fin du paragraphe 2 : « Si le Trône et ce qu’il contient se trouvaient cent millions de fois dans un des coins du cœur du Connaissant, il ne le percevrait pas ».

D’autres enseignements relatifs au cœur sont liés aux significations de la racine du mot qalb (qui évoque l’idée de « retournement » ou de « renversement ») et de la racine q-b-l qui lui est semblable car elle comporte les mêmes lettres. René Guénon a indiqué que celle-ci « en hébreu et en arabe signifie essentiellement le rapport de deux choses qui sont placées l’une en face de l’autre » ; et il précisait : « De ce rapport résulte aussi l’idée d’un passage de l’un à l’autre des deux termes en présence, d’où des idées comme celle de recevoir, d’accueillir, d’accepter… »(2). Effectivement, la racine q-b-l comporte en arabe le sens de « réceptacle » qui convient éminemment au cœur envisagé en tant que « support des Épiphanies divines ». A ce point de vue, l’idée de « renversement » est également présente, puisque le cœur apparaît comme le « miroir d’Allâh »(3) et comme la manifestation de la Forme divine, ce qui est la définition du Califat.

(1) Le Grand de sénevé, p. 434 des Symboles fondamentaux.

(2) Cf. Qabbalah, p. 61 de Formes traditionnelles et cycles cosmiques.

(3) Ceci explique que le cœur, en tant que réceptacle de la Divinité, ait pour symbole géométrique le triangle inversé. La notion de « miroir d’Allâh » est évoquée par le nombre du mot qalb qui est 132, double de 66 qui est le nombre du Nom de Majesté. (Charles-André Gilis, pp. 327-328)
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Celui qui maîtrise la réalisation voit la multiplicité dans l’unité. Il sait de même que les Noms divins, en dépit de la multiplicité et de la diversité des aspects principiels auxquels ils correspondent, désignent un Être unique ; mais il s’agit alors d’une multiplicité (purement) conceptuelle, tandis que, dans le cas de la théophanie, il s’agit d’une multiplicité contemplée directement dans un Être unique. De même encore, la matière intervient dans la définition de toute forme (corporelle) ; cependant, en dépit de la multiplicité et de la diversité de ces formes, elle n’est véritablement qu’une substance unique qui est leur « matière première »(1).

Celui qui se connaît soi-même d’une telle connaissance connaît son Seigneur qui l’a créé « selon Sa Forme » ; ou plutôt, Il est l’essence de son ipséité et de sa réalité propre. Pour cette raison, aucun savant n’a accès la connaissance de « soi-même » et de sa réalité véritable à l’exception des « divins » d’entre les envoyés et les Sûfîs.

Quant aux spéculatifs et aux rationalistes d’entre les Anciens et les théologiens, aucun d’eux, lorsqu’il traite du « soi » et de sa nature, n’atteint cette réalité, car la spéculation rationnelle est à jamais incapable de la communiquer. Celui qui recherche la science à ce sujet au moyen de la spéculation rationnelle s’efforce « d’engraisser ce qui est déjà enflé » et d’ « attiser là où il n’y a pas de feu » ! Nul doute qu’il fait partie de ceux dont l’effort s’est égaré dans la vie de ce monde alors qu’ils sont convaincus d’avoir agi d’une manière excellente (Cor., 18, 104). Celui qui recherche une chose sans suivre le chemin qui y mène n’arrivera pas à la connaître véritablement.

(1) Le même enseignement est illustré cette fois au moyen d’une analogie tirée de l’ordre cosmique. La « matière première » n’est autre que la materia prima ou « Substance universelle » au sens où l’entend René Guénon ; cf. Le Règne de la Quanité, chap. I et II. (pp. 323-324)
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