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Citations de Ibn`Arabî (85)


L’histoire de ce prophète [Sâlih], évoquée aussi bien dans les versets coraniques révélés à son sujet que par les données sur lesquelles s’appuient les développements du présent chapitre, annonce, dans un contexte purement arabe, la fonction de l’ésotérisme islamique à la fin des temps. Le peuple des Thamûd, auquel Sâlih est envoyé par Dieu, ne dispose que de « peu d’eau » et l’eau symbolise la vie, notamment la vie spirituelle et initiatique. A ce point de vue, les Thamûd sont à l’abandon : c’est un peuple qui a succombé à l’illusion et à la sédition ; un peuple incrédule qui exige de lui un miracle consistant à faire apparaître d’un rocher une chamelle vivante ; un peuple sacrilège qui tue cette chamelle sacrée manifestée comme un signe divin, en dépit de l’ordre exprès de la laisser boire, et qui ensuite, menacé par Sâlih du châtiment divin après trois jours (Cor., 11, 55), s’efforce de le mettre à mort à son tour. Les Thamûd apparaissent ainsi atteints d’une corruption annonciatrice de celle qui se généralisera à la fin du cycle. Or, le terme qui désigne en arabe la corruption est traditionnellement opposé à celui de « sâlih ». Le nom du prophète envoyé aux Thamûd désigne ce qui demeure « sain » et « intact », non atteint par la corruption ambiante ; et c’est là un aspect caractéristique du Centre Suprême durant la période cyclique finale.

Dans cette perspective, on relève en particulier la formulation du verset 48 de la sourate Les Fourmis : Et il y avait dans la ville (des Thamûd) un groupe de neufs hommes qui répandaient la corruption sur la Terre, sans rien y amener de sain : d’une part, on y trouve une opposition explicite entre la notion de « répandre la corruption (yufsîdûna) » et celle de « ne rien amener de sain (lâ yuslihûna) » ; de l’autre, une telle ville symbolise le centre de la contre-initiation, de sorte que le « groupe d’hommes » réunis en son sein apparaît comme une image inversée des « vizirs du Mahdi » qui, selon l’enseignement d’Ibn Arabî, sont également au nombre de neuf. (Charles-André Gilis, pp. 303-304)
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Prends garde à ne pas te lier à un credo particulier en reniant tout le reste, car tu perdrais un bien immense ; davantage encore : tu perdrais la science de la Vérité telle qu’elle est. Que ton âme soit la substance des formes de toutes les croyances, car Allâh le Très-Haut est trop vaste et trop immense pour être enfermé dans un credo à l’exclusion des autres. Il a dit en effet : Où que vous vous tourniez, là est la Face d’Allâh (Cor., 2, 115) sans mentionner une direction plutôt qu’une autre ; en disant (seulement) que « là est la Face d’Allâh » ; or, la « face » d’une chose, c’est sa réalité véritable. Par-là, il a éveillé les cœurs des Connaissants, afin que les vicissitudes de la vie de ce monde ne les détournent pas de la réalisation de la Présence divine telle (qu’elle est évoquée dans ce verset), car le serviteur ne sait pas en laquelle de ses respirations il mourra ; il peut mourir dans un moment d’inattention, ce qui n’est pas la même chose que de mourir dans la Présence (divine). (pp. 278-279)
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Ce chapitre traite de la signification du terme dîn. Son enseignement est rapporté à Ya’qûb, d’une part parce que le Coran attribue à celui-ci la parole : O mes fils, Allâh a élu pour vous la religion (ad-dîn) ; ne mourrez pas sans être des soumis (Cor, 2, 132) ; d’autre part parce que, selon sa signification suprême, ce terme est interprété ici par référence à la notion de ‘uqûba (rétribution, sanction), vocable qui appartient à la même racine verbale que « Ya’qûb ».

La Sagesse correspondante est qualifiée de rûhiyya (spirituelle) ou de rawhiyya (« reposante ») selon la vocalisation que l’on adopte. La première interprétation se rapporte à la religion de l’Esprit universel, celle qu’Allâh a « élue » et que Ya’qûb a « recommandée » à ses enfants. Pour Qâchânî, il s’agit ici de la « Religion pure », telle qu’elle est évoquée par le terme fitra ; pour Bâlî, il s’agit plutôt des sciences communiquées dans ce chapitre, car elles procèdent de l’Esprit et ne peuvent être assimilées que par lui. A l’appui de cette interprétation, on rappellera que l’Aigle, désigné en arabe par le terme al-‘uqâb (également de la même racine que « Ya’qûb ») est lui-même un symbole de l’Esprit divin.

La seconde interprétation introduit des considérations plus complexes. Elle repose scripturairement sur une autre parole que le Coran attribue à Ya’qûb et qui, comme la première, prend la forme d’un conseil donné à ses fils : O mes fils… ne désespérez pas du Repos libérateur d’Allâh (rawh Allâh) ; en vérité, ne désespère du Repos libérateur d’Allâh que le peuple des mécréants. (Cor, 12, 87). Le terme rawh évoque non seulement l’idée de « repos » mais aussi celle d’un but atteint, d’un soulagement consécutif à une phase d’affliction et d’épreuve ; c’est le « repos qui marque l’arrivée », la paix qui met fin à l’affliction du cœur. Le Calife Alî a dit dans ce sens : « unissez-vous au repos de la certitude (rawh al-yaqîn) ». Initiatiquement, ce terme désigne la « Délivrance » obtenue grâce aux sciences spirituelles enseignées dans ce chapitre. Jandî, qui envisage uniquement cette seconde interprétation, mentionne dans son commentaire « la science des respirations et des souffles » (‘ilm al-anfûs wa-l-arwâh) ainsi que le hadîth selon lequel « le Souffle du Tout-Miséricordieux me vient à partir du Yémen ». Ces diverses indications montrent comment la notion de rawh permet de relier celle de rûh (souffle, esprit) à celle de râha (repos).

Par ailleurs, le terme rawh évoque l’aspect sensible de la respiration représenté par le parfum (al-rîh), mot qui ne diffère de rûh et de râha que par sa lettre médiane. Selon la Science des Lettres, rûh, rawh, râha et rûh apparaissent comme les états multiples d’une même racine et d’une même signification fondamentale(1) ; c’est ce qu’indiquent aussi ces deux hadîths, le premier cité par Qâchânî : « Les esprits ont une odeur comme les chevaux », et le second rappelé par le Lisân al-‘Arab : « Le parfum (ar-rîh) vient du rawh Allâh, c’est-à-dire de la miséricorde d’Allâh à l’égard de Ses serviteurs. » Rawh désigne plus spécialement le nasîm ar-rîh, c’est-à-dire le « parfum subtile » qui se répand tout d’abord, lorsque la bonne odeur n’a pas encore pris la plénitude de sa force. Tout ceci permet de comprendre pourquoi Jandî explique également la présente Sagesse par référence « à la théophanie et à la science divine manifestée dans l’odorat » ; d’autant plus qu’il justifie cette interprétation en citant un autre verset coranique relatif à Ya’qûb : En vérité, je décèle de parfum de Yûsuf (rîh Yûsuf). Puissiez-vous ne pas m’accuser de radotage (Cor, 12, 94.) Le fondement de cette facon de comprendre rawhiyya est, lui aussi, d’ordre métaphysique, car le « parfum subtil » envisagé ici est, en réalité, celui d’al-wujûd.

La Sagesse propre de ce chapitre n’est donc pas seulement une sagesse spirituelle, mais aussi une sagesse du parfum subtil et de la Délivrance. Les données de la tradition islamique montrent comment ces trois aspects complémentaires d’un même type de réalisation initiatique ont été rapportées par Ibn Arabî à sayyidnâ Ya’qûb.

(1) Râha, rûh et rîh diffèrent essentiellement par leurs lettres médianes yâ, wâw et alif, qui symbolisent le Pôle Suprême. Celui-ci, envisagé en tant que « Maître des trois mondes » « soutient l’univers par sa respiration ». On soulignera la parfaite conformité de ces termes avec la signification universelle de ces trois lettres : rîh se rapporte plus spécialement à l’homme individuel, sous sa double modalité « grossière » et « subtile », rûh à l’état supra-individuel et râha à l’être principiel. (Charles-André Gilis, pp. 235-237)
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S’agissant du Christ « historique », le pouvoir dont il s’agit est en relation directe avec la doctrine du shubbiha la-hum de Cor, 4, 157, par laquelle est expliquée en Islam la mort apparente du Christ : cette expression signifie littéralement « il a été fait pour eux une image analogue », ce qui veut dire qu’après la Crucifixion la « nature divine » du Christ s’était retirée de sa forme corporelle pour rejoindre le centre subtil « vital » de son étant individuel ; ou encore, pour reprendre les termes de Jandî, que Jésus avait « transporté avec lui par son action de présence » la forme qu’il avait quittée dans le monde sensible de sorte que c’est une forme analogue à celle du supplicié qui était sortie du tombeau « le troisième jour ».

Une fois de plus, on constante combien les divergences et les querelles théologiques sont factices et artificielles(1). En effet, si la doctrine exposée ici est ignorée des exotéristes musulmans (qui s’imaginent que ce n’est pas le Christ qui a été crucifié mais un sosie au sens habituel du terme) tout autant que des théologiens chrétiens, elle est néanmoins parfaitement connue dans le Tasawwuf et l’on en retrouve aussi de nombreuses traces dans le dogme chrétien. Ainsi, la parole du Christ en croix Eli, Eli, lamma sabaqta-nî : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » est celle que la forme humaine adresse à la nature divine quand celle-ci l’a « précédée »(2) dans le centre vital en l’abandonnant dans le domaine extérieur et sensible. D’autre part, la victoire du Christ sur la mort ne s’opère pas au moment de la Résurrection, ainsi que le suggère la présentation théologique habituelle, mais à l’instant même où il expire en disant : « Père, je remets mon esprit entre Tes mains ».

On oublie trop aisément que le Symbole de Nicée, entre les mentions « est mort et a été enseveli » et « le troisième jour, est ressuscité d’entre les morts » affirme que le Christ est « descendu aux Enfers », lieu qu’il ne faut pas confondre avec le séjour des damnés puisqu’il correspond en réalité aux Limbes, cette région proche du Paradis où, selon la perspective propre du Christianisme, les Justes attendaient d’être délivrés. C’est en tant qu’il est déjà « vivant » d’une vie nouvelle et vainqueur de la mort que le Christ opère cette délivrance afin de le faire participer à sa Résurrection et à son Ascension dans le Paradis. Enfin, la « forme analogue » assumée par le Christ après sa Résurrection explique les difficultés que ses proches et ses disciples éprouvent à le reconnaître.

Le commentaire que Qâchâni donne du shubbiha la-hum (ou, plus exactement, des mots mais plutôt Allâh l’a élevé jusqu’à Lui qui figurent dans le verset suivant) mérite également d’être cité ici : « Il a élevé (rafa’a) Isâ : lorsque son esprit a quitté le monde inférieur pour s’unir au monde supérieur. Il séjourne (désormais) au Quatrième ciel(3), ce qui est une allusion subtile (ishâra) au fait que le lieu d’origine d’où son esprit émane est la modalité spirituelle (rûhâniyya) de la Sphère du Soleil (falak ash-shams) qui est le Cœur du Monde(4) ; c’est donc aussi en ce lieu qu’il retourne. Cette modalité spirituelle est une lumière(5) qui meut cette Sphère par son amour enflammé(6), en irradiant directement ses rayons sur elle à cette fin. Comme (l’esprit de ‘Isâ) est retourné à son point d’origine(7) sans avoir réalisé la perfection véritable, il reviendra nécessairement à la fin des temps en se joignant à un corps nouveau. Alors, tout le monde le reconnaîtra. Les Gens du Livre croiront en lui(8), c’est-à-dire les Gens de la Science qui connaissent l’origine et la fin, et qui, tous, tireront leur science du dernier d’entre eux ; avant la mort de ‘Isâ, lorsqu’il s’éteindra en Allâh(9). Lorsqu’ils auront cru en lui viendra le Jour de la Résurrection, ce jour où ils apparaîtront délivrés de leurs voiles corporels, où ils ‘’se dresseront’’ et quitteront l’état d’oubli et de sommeil où ils se trouvent présentement. »

Si le Quatrième Ciel est le « centre vital »(10) du monde humain, où brille « la lumière des hommes », c’est aussi le cœur du domaine subtil où se produisent et se situent les rêves, ce qui montre l’unité profonde des développements apparemment sans lien que comporte le présent chapitre.

(1) Cf. Marie en Islam, chap. IV.

(2) C’est le sens propre du verbe sabaqa (deuxième personne du singulier : sabaqta).

(3) Cette indication est fondée sur un rapprochement implicite entre le verbe rafa’a qui figure dans ce verset et le terme rafa’ nâ-hu utilisé dans la Sourate Maryam (Cor., 19, 57) à propos d’Idrîs, le prophète qui préside au Quatrième Ciel.

(4) Cf. Symboles fondamentaux de la Science sacrée, chap. LXIX.

(5) Cette lumière est celle qui, selon l’Hindouisme, définit la condition de Taijasa ; cf. L’Homme et son devenir, chap. XIII

(6) On notera la similitude de ce passage avec « l’Amour qui meut le soleil et les étoiles » de la Divine Comédie.

(7) Maqarr, terme qui comporte une idée de stabilité et de fixation : ce point d’origine est situé symboliquement sur l’Axe du Monde.

(8) Allusion à Cor., 4, 159

(9) Cette extinction finale est comparable à celle du Kalki-Avatâra ; cf. Les sept Étendards, p. 219

(10) Idrîs préside au Quatrième Ciel qui renferme « le secret de la vie » ; cf. Le dévoilement des effets du voyage, p. 40. Sur la relation entre Idrîs (Hermès) et ‘Isâ (Jésus), voir le texte de René Guénon sur Hermès. (Charles-André Gilis, pp. 202-204)
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L’état de sommeil (manâm), c’est ce monde envisagé comme songe, c’est-à-dire comme une réalité imaginaire. Les références traditionnelles de ce point de vue sont, d’une part, le verset coranique « Et parmi Ses signes, il y a votre état de sommeil de nuit et de jour » (Cor, 30, 23) où, selon l’interprétation d’Ibn Arabî(1), le fait que l’ « éveil ne soit pas mentionné indique que l’état de sommeil est en réalité permanent » ; d’autre part, le hadîth : « Les hommes sont en sommeil (niyâm) ; lorsqu’ils meurent, ils se réveillent »(2). Pour le Cheikh al-Akbar, ce bas-monde est un « pont » (jisr) qui doit être « franchi » (yu’bar). Le verbe utilisé est de la même racine que ta’bîr, terme qui désigne l’interprétation des songes. Ce rapprochement justifie linguistiquement l’aspect doctrinal mentionné ici.

(1) Cf. Futûhât, chap. 32 ; vol. 3, p. 286 de l’éd. O. Yahya.

(2) Il y a une analogie entre ce hadîth et la doctrine cyclique selon laquelle, depuis la mort du Prophète, le monde est en état de sommeil ; il ne se réveillera qu’au Jour de la Résurrection. (Charles-André Gilis, p. 199)
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L’immolation de la « victime » dont l’ « immensité » indique la nature divine symbolise le sacrifice suprême qui est à l’origine de la phase descendante de la réalisation. Le Coran ne précise pas de quelle victime il s’agit ; cependant la tradition islamique rejoint le récit biblique qui mentionne l’immolation d’un bélier. Or, celui-ci est un emblème de l’antique sacerdoce de Râm. Le commentaire sur l’Archéomètre de Saint Yves d’Alveydre paru dans La Gnose décompose le nom d’Abraham en Ab-Râm, ce qui signifie « le père du bélier » et permet d’identifier la fonction sacerdotale du Patriarche à celle de Râm.

Par ailleurs, les Pères de l’Église, à la suite de Saint-Paul(1), voient dans Isaac portant le bois du sacrifice une image du Christ. En poussant plus loin ce rapprochement, on peut voir qu’Abraham, Isaac et le bélier sont, du point de vue de la théologie chrétienne, une figure de la Sainte Trinité ; du reste, Ibn Arabî indique expressément leur identité essentielle. Le bélier apparaît ainsi plus spécialement comme un symbole de l’Esprit Universel. Dans l’Apocalypse, il est représenté sous la forme adoucie et miséricordieuse de l’Agneau(2).

Rappelons que la Jérusalem Céleste est une ville « qui n’a pas besoin d’être éclairée par le soleil ou par la lune, parce que la Gloire de Dieu l’illumine et que l’Agneau est sa lampe »(3). Or, cette « lampe » est analogue à celle qui est mentionnée dans le Coran à propos de la Niche des Lumières(4), de sorte que la « victime immense » apparaît finalement, par son caractère sacrificiel et servitorial, comme une image du Prophète – sur lui la Grâce et la Paix !

(1) Cf. Épitre aux Hébreux, XI, 19.

(2) Le rapprochement entre l’Agneau et l’Agni védique est bien connu. L’Esprit Saint se manifeste à la Pentecôte sous la forme de langues de feu.

(3) Apocalypse, XXI, 23.

(4) Cf. Les sept Étendards, chap. XXXVIII, par référence à Cor., 24, 35. (Charles-André Gilis, pp. 198-199)
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Comme tout amour, la khulla implique une dualité. Cette particularité marque une certaine rupture du présent chapitre par rapport aux précédents ; après la Sagesse divine, sous ses aspects de synthèse (Adam), de différenciation (Shîth) et de transcendance (Nûh et Idrîs), le chapitre sur le Verbe d’Abraham introduit une notion d’échange, la considération d’un « réceptacle » faisant apparaître plus spécialement la manifestation divine comme une théophanie et l’Homme Universel comme un médiateur entre le Ciel et la Terre : il « pénètre » Dieu, « s’imprègne » des Attributs et des caractères divins, les assimile comme de la nourriture tout en étant lui-même assimilé par Lui, et s’en revêt de sorte qu’il est « caché à l’intérieur » de la Réalité divine. Les commentateurs expliquent par là le hadîth selon lequel « la première créature qui sera revêtue d’un vêtement le Jour de la Résurrection sera Ibrâhim ». (p. 175)
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Alors que Nûh appelait à l’unité transcendante proclamée par l’intellect, Idrîs représente l’unité immanente opérée au moyen de la réalisation spirituelle ; la première est qualifiée par les commentateurs de ‘aqlî (« intellectuelle ») et la seconde de nafsî (« personnelle »).

La Sagesse d’Idrîs est qualifiée de « Très-Sainte » parce que, selon les données traditionnelles de l’Islam, ce prophète a réalisé en lui-même, grâce à une ascèse et à une abstinence extrêmes, un état de transcendance par rapport à la manifestation grossière ; c’est pourquoi Allâh l’a « exalté », de sorte qu’il n’a pas été atteint par la mort corporelle. Les commentateurs soulignent qu’il s’agit d’une réalisation opérée au moyen des œuvres : si Idrîs a été « exalté en un lieu élevé », c’est parce que l’œuvre se rapporte au lieu alors que la science se rapporte au degré. Selon l’enseignement du Tasawwuf, le domaine des œuvres prend fin au Lotus de la Limite auquel aboutit la première partie de l’Ascension prophétique (mi’râj) au terme de la traversée des sept Cieux planétaires dont le Ciel du Soleil, régi par Idrîs, occupe le centre. (Charles-André Gilis, p. 161)
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La Sagesse « divine » d’Adam est celle de l’Unité synthétique et la Sagesse « de l’insufflation » attribuée à Shîth celle de la différenciation primordiale et non-manifestée des Noms divins ainsi que des dons conférés aux différents prophètes. La Sagesse de Nûh correspond alors à la différence effective de ces Noms, chacun d’eux étant représenté par un ange ; ce degré est celui des réalités transcendantes.

L’application cyclique de cette interprétation met en lumière la raison d’être de la fonction d’envoyé divin symbolisée par Nûh. En effet, comme nous l’avons indiqué dans nos précédents commentaires, Adam représente la Tradition primordiale, Shîth l’origine de la différenciation des révélations et des formes traditionnelles. Lorsque, par l’effet de la déchéance cyclique, les Noms divins et les formes révélées sont envisagés comme des réalités indépendantes, ou encore comme une multiplicité extérieure à l’Unité principielle dont ils procèdent, il devient nécessaire d’opérer un redressement et d’affirmer la transcendance de cette dernière, ce qui correspond précisément à la fonction spécifique de Nûh, et explique la place occupée dans les Fusûs par la Sagesse qui le caractérise. (Charles-André Gilis, pp. 133-134)
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Tandis qu’Adam figure l’unité sous son aspect essentiel et synthétique, Shîth la symbolise en tant qu’elle est à l’origine de la multiplicité des déterminations particulières : il est le « don d’Allâh » fait à Adam, dont procède tout l’ensemble des dons, aussi bien les dons « essentiels » qui confèrent al-wujûd aux êtres différenciés que les dons « provenant des Noms » qui sont à l’origine de cette différenciation ; cette distinction fondamentale ordonne le présent chapitre dans sa totalité. Shîth n’est autre qu’Adam, tout comme la « réalité actuelle » n’est autre que la « Réalité principielle » ; il est le « secret de son père », car cette identité constitue le mystère suprême de sa réalisation initiatique(1). Étant le don principiel dont procèdent tous les dons, il est aussi le « premier esprit » ou « esprit universel » dont procède tous les esprits, le « premier mouvement » (non dans l’ordre physique mais dans l’ordre « logique » et principiel)(2) dont procèdent tous les mouvements ; il représente « le Vivant, l’Immuable » (al-Hayy al-Qayyûm) à l’origine de toute vie.

Ceci explique la fonction cyclique de Shîth, qui comporte un double aspect d’ « ouverture » et de « fermeture ». D’une part, « en sa main est la clé des dons » ; de l’autre, c’est « sur ses traces » que l’humanité adamique est « scellée ». Il ferme ainsi ce qu’il a lui-même ouvert, car il détient le « pouvoir des clés » dans toute sa plénitude. Les deux aspects opposés de ce pouvoir unique reflètent au sein de la manifestation les deux phases de la respiration que le « Souffle du Tout-Miséricordieux » exprime dans l’ordre principiel. La représentation physique de ce « souffle divin » est le mouvement ondulatoire, ce qui confirme la relation spéciale de Shîth avec le symbolisme du serpent, que René Guénon a mise en lumière.

Ces considérations nous ramènent à la signification du terme nafth qui désigne précisément l’acte par lequel le serpent crache son venin quand il mort, et, d’une façon plus générale, toute émission de souffrance accompagnée de salive. C’est à cette signification que se rattache la fonction opérative du souffle dans les incantations, les charmes et les envoûtements. Rappelons que René Guénon a évoqué, à propos du Set égyptien, un aspect bénéfique et un aspect maléfique qui correspondent au double pouvoir de « lier » et de « délier » qui est celui des clés. L’aspect maléfique est illustré dans le Coran par le terme naffâthât qui figure dans l’avant-dernière sourate ; Allâh y ordonne à Son Prophète – sur lui la Grâce unitive et la Paix ! – de prendre refuge contre le mal venant de celles qui soufflent dans les nœuds. L’aspect bénéfique est mentionné dans un hadîth que le Prophète introduit en disant : « L’Esprit de Sainteté a insufflé dans mon cœur ». L’insufflation au moyen du nafth désigne ici un mode de l’Inspiration divine dont l’effet bienfaisant concerne le « centre vital » de l’être, ce qui est en accord avec l’ensemble des aspects initiatiques qui se rapportent à Shîth. Au début de son commentaire, Jandî définit le sens de nafth au point de vue linguistique en évoquant « une modalité du souffle qui consiste en l’envoi d’un flux d’air à partir du point d’émission de la lettre thâ(3) affectée du damma, d’une façon relâchée… Son usage habituel et sa raison d’être résident dans le ‘’remède qui guérit du sortilège’’ : il communique les qualités spirituelles et les répand dans le souffle à partir de ses vertus curatives internes. »

La relation de cette modalité particulière du souffle qu’est le nafth avec la question de l’Inspiration divine est confirmée par une autre formule de « prise de refuge » que le Prophète – sur lui la Grâce et la Paix ! – utilisait au début de la prière rituelle : « Je me réfugie en Allâh contre le Shaytân le Lapidé, contre son souffle (nafkh), son insufflation (nafth) et son incitation mauvaise (hamz) » où le terme nafth est considéré traditionnellement comme une désignation de la poésie. Or celle-ci est loin de présenter uniquement un aspect néfaste ; elle revêtait même, au sein des traditions plus anciennes, une fonction rituelle dont le caractère opératif était précisément lié, comme dans le cas du nafth arabe, à certaines formes d’inspiration : « En latin, les vers étaient appelés carmina, désignation qui se rapportait à leur usage dans l’accomplissement des rites, car le mot carmen est identique au sanscrit Karma, qui soit être pris dans son sens spécial d’ ‘’action rituelle’’ ; et le poète lui-même, interprète de la ‘’langue sacrée » à travers laquelle transparaît le Verbe divin, était vates, mot qui le caractérisait comme doué d’une inspiration en quelque sorte prophétique ».(4) Cette efficacité rituelle de la poésie traditionnelle est attribuée en Islam plutôt à certains vocables ou versets coraniques. On ne s’étonne donc pas de trouver, toujours dans le commentaire de Jandî, un passage où celui-ci déclare, à propos de l’usage incantatoire du nafth, que Shîth est « le premier homme à qui ont été révélées les sciences des ‘’dons traditionnels’’, celles des esprits et des anges qui ont pour fonction particulière de soumettre, d’influencer et de gouverner les êtres au moyen des Noms, des Lettres, des Mots et des Versets. »

La nature véritable des dons conférés par Shîth ne peut être comprise pleinement qu’à la lumière de la doctrine du Centre suprême. En effet, alors qu’Adam est une figure de la Tradition primordiale sous son aspect axial et synthétique, son fils représente la diversité des dons conférés aux prophètes et aux envoyés dans l’ordre ésotérique. Dans une perspective cyclique, ces dons peuvent être identifiés aux « Dépôts » et aux « Mystères » qui sont à l’origine de la constitution des centres spirituels, ainsi que des formes traditionnelles qui en sont issues. A cet égard, on soulignera que Shîth n’est pas seulement le « fils d’Adam » par excellence mais aussi le « maître de sayyidnâ Idrîs », considéré dans le Tassawuf comme le « Pôle des esprits humaines ».(5) Évoquant ce point, René Guénon rappelait que « d’anciens auteurs arabes le désignent par les noms, étranges en apparence, d’Aghatîmûn et d’Adhîmûn ; mais ces noms ne sont visiblement que des déformations du grecs Agathodaymôn, qui, se rapportant au symbolisme du serpent envisagé sous son aspect bénéfique, s’appliquent parfaitement à Seth ». Ces aspect bénéfique est constamment rapproché, dans les écrits de notre maître(6), d’une part de la « face lumineuse » de Metatron dont la signification, selon la Kabbale hébraïque, correspond aussi exactement que possible à celle de Shîth dans l’ésotérisme islamique ; d’autre part, d’un symbolisme solaire et apocalyptique(7) qui se rapporte, quant à lui, à la fonction cyclique finale d’ « Idrîs-Hermès » ainsi qu’à celle des trois Sceaux qui lui est solidaire. Ceci permet de comprendre la raison pour laquelle la doctrine des Sceaux est abordée par le « plus grand des Maîtres » précisément à propos du Verbe de Shîth.

Les indications qui précèdent montrent que celui des trois « fils d’Adam » qui représente le « secret de son père » peut être considéré, par la même, comme le dépositaire par excellence de la Science sacrée. Telle est, selon nous, la signification ultime des « mystères de Shîth » évoqués dans ce chapitre dont la sagesse caractéristique conditionne, ainsi que le conseil donné par Jandî le donne clairement à l’entendre, l’intelligence de toutes celles qui sont inclues dans le Livre des Chatons.

(1) Cette signification métaphysique de la filiation de Shîth est analogue (en dépit de différences fondamentales dans la formulation dogmatique et théologique) à celle du Christ par rapport au « Père ». La parenté entre Jésus et Seth est attestée aussi bien dans l’ésotérisme chrétien que dans le Tasawwuf ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans notre commentaire sur le Verbe de ‘Isâ.

(2) Toutefois, le mouvement physique est lui aussi représenté par Seth ; cf. René Guénon, Les conditions de l’existence corporelle dans Mélanges, p. 117 : « Qaïn correspond au temps, Habel… à l’espace, et Seth… au mouvement ». Il précisait : « Seth, ou le mouvement, ne procède pas en lui-même de Qaïn et d’Habel, ou du temps et de l’espace, bien que sa manifestation soit une conséquence de l’action de l’un sur l’autre (en regardant alors l’espace comme passif par rapport au temps) ; mais, comme eux, il naît d’Adam lui-même, c’est-à-dire qu’il procède aussi directement des puissances de l’Homme Universel ».

(3) Cette lettre est présente à la fois dans le vocable nafth et dans le nom Shîth.

(4) R. Guénon, La Langue des Oiseaux, chap. VII des Symboles fondamentaux.

(5) Cf. R. Guénon, Le Tombeau d’Hermès, p. 143 et Formes traditionnelles et cycles cosmiques. A cet aspect se rattache la désignation de Shîth comme « Maître des Feuillets primordiaux » (sâhib as-sahâ’if) que lui donne Nâbulusî. Selon un hadîth, ces Feuillets sont attribués principalement à Adam, à Shîth et à Idrîs.

(6) Cf. Le Roi du Monde, chap. III ; Symboles fondamentaux, chap. XX ; Hermès dans Formes traditionnelles et cycles cosmiques, p. 132 à 137

(7) Évoqué par le nombre 666 dans les deux premiers écrits cités dans la note précédente et par la mention finale de la « Citadelle solaire » dans le troisième. (Charles-André Gilis, pp. 91-95)
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Cet être que nous venons de mentionner porte les noms d' « Homme » et de « Calife ».

« Homme » par l'universalité de sa constitution qui inclut toutes les vérités principielles. Il est à Dieu ce que la pupille est à l'œil, qui est l'organe du regard. C'est parce que cette faculté est désignée comme étant "la vue", que la pupille porte (également) le nom d' « homme » : par lui, Dieu regarde les créatures et leur fait miséricorde.

Il est l’homme nouveau et éternel, le généré sans commencement ni fin, le Verbe qui sépare et qui unit.

Le monde est achevé par son être qui en fait partie de la facon dont le chaton fait partie de l’anneau. Il est la gravure et le signe sur le sceau que le Roi appose sur Ses trésors. Le Très-Haut l’a appelé « calife » pour cette raison. Il préserve par lui Ses créatures, comme le sceau préserve les trésors. Tant que le sceau du Roi demeure apposé, personne n’aurait l’audace d’ouvrir Ses coffres sans Sa permission. Il l’a préposé à la garde du Royaume. Le monde ne cesse d’être préservé tant que l’Homme Parfait y demeure.

Ne le vois-tu donc pas ? Quand il disparaîtra, quand (le sceau) sera brisé sur le coffre de ce monde, ce que Dieu y thésaurise n’y demeurera plus et en sortira ; chaque partie rejoignant celle qui lui correspond, l’Ordre (manifesté) se transportera dans la vie future. (Le Calife) sera alors le Sceau des trésors de cette vie (à venir), leur Sceau pour toujours.

L’ensemble des Noms liés aux formes divines est manifesté dans la condition humaine qui englobe et qui unit au moyen de cet être (adamique). (pp. 46-48)
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L’Alchimie désigne la science ayant pour objet les proportions et les mesures imparties à tout ce qui implique la proportion et la mesure parmi les corps physiques et les concepts métaphysiques, dans l’ordre sensible et dans l’ordre intelligible. Son pouvoir souverain réside dans les transmutations, je veux dire les changements d’états qu’affecte la « Source unique » (al-‘Ayn al-wâhida). L’Alchimie est une Science naturelle, spirituelle, divine. Nous la déclarons en effet une Science « divine » du fait qu’elle apporte la stable harmonie, entraîne la descente épiphanique et l’intime solidarité (entre les êtres), et du fait qu’elle déploie les Noms divins qu’affecte le « Dénommé Unique » (al-Mosammâ al-Wâhid), selon la haute diversité de leurs concepts métaphysiques.

- Distiques -

L’Objet (de la Quête) se trouve blotti
entre un repli caché et un flux éployé. De même que
le « comment » (kayf) et le « combien » (kamm) relèvent
des proportions, en vertu de quoi
nos véhicules corporels errent sur les traces
de leur simplicité première. C’est un égarement
que rehausse un mystère inviolé.
La révélation de l’être est porteuse
de sentences qu’elle légifère, et la juste sentence
prend place entre un interdit et une prescription. (pp. 31-32)
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 Ibn'Arabî
Celui qui est fixé sur telle adoration particulière ignore nécessairement la vérité intrinsèque d'autre croyances, par cela même que sa croyance en Dieu implique la négation d'autres formes de croyance. S'il connaissait le sens de la parole de Junayd : "La couleur de l'eau, c'est la couleur de son récipient", il admettrait la validité de toute croyance, et il reconnaîtrait Dieu en toute forme et en tout objet de foi.

Le Monde des religions (cité par Jean Mouttapa)
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Ainsi par tous ces symboles le Nom Alläh renferme les idées suivantes :
l° Par l'alif, l'idée : « Allah était et rien n'était avec Lui»;
2° Par le premier lâm, le maqâm de la Connaissance;
3° Par le deuxième lâm, le maqâm de la Possession
Universelle ou du Royaume; dans ce maqâm a lieu la manifestation de tout ce qui est « autre que Lui»;
4° Enfin par le hâ, la mention que le monde fait de
Lui, car cette lettre est un indice du non-manifesté que les créatures ne peuvent éprouver et qu'elles ne peuvent désigner que par le terme Huwa.
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Attache-toi à l’austérité (al-badhadha) car elle relève de la foi. Elle consiste à ne pas chercher l’excès de bien-être en ce bas-monde. On a d’ailleurs rapporté l’expression : « Mener une vie dure » (ikhchawchanou) dans le hadith. C’est de plus l’une des qualités du pèlerin et l’une de celles des gens du jour de la résurrection. En effet, ils sont hirsutes, poussiéreux et pieds nus. Car tout ceci élimine l’orgueil et éloigne de la fatuité, de la fierté, de l’arrogance et de l’impudence qui sont des défauts détestables et haïssables pour la Loi religieuse et méprisables dans la coutume pour les gens et pour Dieu. C’est pourquoi le Prophète (s) estime que l’austérité fait partie de la foi et l’intègre dans l’ensemble de ses branches. En effet le Prophète (s) a dit : « La foi comporte plus de soixante-dix branches dont la plus élevée c’est l’affirmation qu’il n’y a d’autre dieu en dehors de Dieu et dont la moindre c’est d’enlever les nuisances du chemin ». Nul doute d’ailleurs que la fierté, la fatuité et l’orgueil constituent une nuisance sur le chemin du bonheur, et ce genre de nuisance ne peut être enlevé que grâce à l’austérité. Voilà pourquoi l’Envoyé de Dieu (s) la considère comme faisant partie de la foi. (recommandation 37)
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Les voyageurs en Lui se partagent en deux groupes. L'un a voyagé en Lui par le moyen de la réflexion et de l'intellect et s'est écarté de la voie inévitablement, car ceux qui voyagent ainsi n'ont, à ce qu'ils prétendent, d'autre guide que leur réflexion. Il s'agit des philosophes et de ceux qui empruntent leur démarche. L'autre groupe a été emmené en voyage en Lui. Ce sont les envoyés, les prophètes, les élus d'entre les saints comme ceux qui ont connu la Réalité parmi les maîtres soufis tels Sahl b. 'Abdallah (al-Tustarî), Abû Yazîd (al-Bistâmî), Farqad al-Sabakhî, Al-Junayd b. Muhammad, al-Hasan al-Basrî et tous ceux qui se sont rendus célèbres jusqu'à nos jours.

Cependant le temps aujourd'hui n'est pas le même qu'autrefois car il se rapproche de la demeure de l'au-delà. Le dévoilement se multiplie chez les hommes de notre époque. Les scintillements des lumières commencent à briller et à paraître. Les hommes de notre temps bénéficient aujourd'hui d'un dévoilement plus rapide, d'une vision plus fréquente, d'une connaissance plus abondante, d'une saisie plus parfaite des réalités supérieures, mais leurs œuvres sont moins nombreuses que celles des hommes du temps jadis. Ceux-ci accomplissaient plus d’œuvres et recevaient moins d'ouvertures spirituelles et de dévoilements, car ils étaient plus éloignés de l'avènement de l'autre monde. Il faut excepter le temps des Compagnons gratifiés de la vision du Prophète – que Dieu répande sur lui la grâce et la paix – et de la descente sur lui, à chaque souffle, des esprits angéliques au milieu d'eux. Ceux d'entre eux qu'éclairait la Lumière divine avaient cette vision, mais ils étaient un très petit nombre à l'instar d'Abû Bakr, de 'Umar, de 'Ali b. Abî Talib – Dieu les agrée – et de leurs semblables. La pratique l'emportait autrefois comme la science à notre époque et ce fait ne cessera de s'amplifier jusqu'à la descente de Jésus – sur lui la paix - , au point qu'une seule « rak'a » accomplie par nous aujourd’hui équivaut à l'adoration d'un homme autrefois toute sa vie durant. Le Prophète – que Dieu répande sur lui la grâce et la paix – a dit à ce sujet : « Celui d'entre eux qui œuvrera recevra la récompense de cinquante hommes accomplissant des œuvres comparables aux vôtres ».

Comme l'expression est excellente et subtile l'allusion. (pp. 9-10)
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Où sont donc nos bien-aimés ? Dites par Dieu où sont-ils donc ? Me feras-tu voir leur essence comme j'ai vu leur apparence ? Ô comme je les ai désiré, oui combien, oh comme j'ai demandé de me rapprocher d'eux, en étant loin d'eux rassuré et parmi eux sans sécurité, espérons que mon bonheur se trouve entre leur éloignement et leur proximité afin que mon œil se réjouisse de les voir et que je ne dise plus où sont-ils ?
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Le Vrai me donne forme dans toute forme
Telle la basmala dans toute sourate.
Il m’établit comme Signe au jour de la Résurrection,
Dans un Jardin et dans une Fournaise, pour tous les fils d’Adam sans distinction.
Aussi suis-je avec vivants et morts en émulation.

N’eût été Celui en qui je puisai
Tout ce qui m’apparut, de moi et de Lui,
Je n’aurais eu aucune substance dans l’Essence véritable.
Je voyage de nuit mais mon voyage n’est pas semblable au mouvement des scintillantes,
Entre déploiement et repli, tel l’orbe fixe.

Je suis l’imâm qui englobe les processions,
Semblable à une pleine lune au milieu des étoiles. (p. 223)
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Mes amis, ne vous empressez pas et taisez mes paroles, de crainte pour ma vie !

Car en vérité je m’unis à Celui qui se levait pour moi quand je me tournais vers ma qibla.

Toute chose contient une image de Lui, lorsqu’elle paraît, elle est ma direction.

Et là était mon aspiration. Ainsi, chaque part de moi n’est autre que ma totalité.

Et si tu inverses mes propos, il convient de dire que mon tout est dans chaque unité qui me constitue.

Il me posséda et je Le possédai, à moi Sa puissance, à Lui mon humilité.

Dans mon état passionné, je Le haïs et je haïs mon amour, ô perplexité !

Il vint à moi une nuit inopinément et Sa venue confirma mon pèlerinage.

Si Celui pour qui je brûlai d’amour avait pratiqué ma religion ou mon culte,

Je ne me serais plaint du feu et de l’éloignement, or Il n’appartient pas aux miens,

Il s’oppose à moi et à mon harmonie avec Lui, c’est pourquoi je reste immobilisé.

J’aime les forts, qui me mèneraient à eux ? Mon amour pour leur essence est ma foi.

Nul autre ne sustente les êtres que Celui qui me fait attendre, parmi eux, l’objet de mon désir.

Ma certitude, par eux, est grassement entretenue et nourrie, elle me préserve d’un trébuchement. (pp. 145-146)
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Contemple le Trône sur Son eau, vaisseau naviguant avec Ses Noms divins,

Et émerveille-toi devant une arche en rotation, à ses entrailles Ses créatures furent confiées.

Elle vogue sur une mer sans rivage, dans les opaques ténèbres du mystère.

Les vicissitudes de ses amants ardents forment ses vagues et ses vents sont les souffles de ses enfants.

Si tu la voyais emportant l’humanité de l’alîf [alpha] jusqu’au yâ’ [oméga]

Dans un recommencement perpétuel, Sa création ne connaît pas de fin.

Il enroule l’aube sur Sa nuit et Son aube se dissout dans Son crépuscule.

Et contemple Sa sagesse en mouvement au centre de l’univers et dans tous ses recoins.

Quiconque vient convoiter Son œuvre se jette de tout son corps sur les richesses du monde,

Jusqu’à ce qu’il perçoive l’univers en lui-même et l’Art divin dans son invention. (pp. 31-32)
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