Ensuite Dieu me dit : « C’est sur la parole que repose ta condition première, elle est l’essence de ton silence. Quand je suis parlant, c’est toi le silencieux. » Puis Il me dit : « C’est par toi que je parle, par toi que je rétribue, par quoi je prends, par toi que j’ouvre et je ferme la main. C’est par toi que je vois, par toi que je fais exister, par toi que je connais. » Puis Il me dit : « C’est pour toi que je parle, pour toi que je rétribue, pour toi que je prends, pour toi que j’ouvre et referme la main. C’est pour toi que je vois, pour toi que je fais exister, pour toi que je connais. » Puis Il me dit : « Tu es le lieu de mon regard et tu es mon propre attribut ; tu ne peux parler que lorsque je regarde, et je te regarde continuellement. Alors interpelle les hommes continuellement et ne parle pas. » Puis Il me dit : « Mon silence est la forme apparente de ton existence et de ta condition. » Puis Il me dit : « Si j’étais moi-même silencieux, tu ne le serais pas, et si c’est toi qui parlais je ne serais pas connu. Alors parle afin qu’on me connaisse. »
Ensuite Dieu me dit : « L’Alif est silencieux et les lettres sont parlantes. C’est l’Alif qui parle à travers les lettres, et non les lettres qui parlent à travers l’Alif. Les lettres sont mues par l’Alif sans l’entraîner avec lui dans leur mouvement, car elles n’ont pas de connaissance propre. Les lettres, c’est Moïse, et l’Alif c’est son bâton. » Puis Il me dit : « C’est dans le silence que réside ton existence, et c’est dans l’élocution que réside ton néant. » Il me dit : « Celui qui se tait n’est pas silencieux pour autant, mais celui qui ne se tait pas est silencieux quand même. » Il me dit : « Que tu parles ou que tu te taises, tu es parlant. Même si tu devais parler sans cesse jusqu’à la fin des temps, tu n’en serais pas moins silencieux. » Il me dit enfin : « Si tu te tais, toute chose est bien guidée par toi, et si tu parles, toute chose est fourvoyée par toi. Laisse-toi donc instruire, tu obtiendras le dévoilement. » (pp. 63-64)
Dieu me fit contempler la lumière de la perception et le lever de l’astre du dépouillement. Il me dit : « Je me cache aux hommes du voile dans la pleine évidence et dans la perception. » Il me dit : « Le regard est borné, c’est le lieu du symbole et le substrat de l’énigme des choses. Si les gens savaient que l’énigme des choses divines et leur symbole résident dans l’intensité de la clarté, ils seraient à même de progresser. J’ai fait descendre les signes évidents comme indices des significations métaphysiques que l’on ne comprendra jamais. » Puis Il me dit : « Regarde-moi dans le soleil, recherche-moi dans la lune, scrute-moi dans les étoiles ». (p. 61)
Kahina Bahloul est islamologue et depuis peu, imame. Souleymane Bachir Diagne enseigne la philosophie et s'intéresse de près aux intellectuels musulmans.
Pour elle, le poids de la tradition littéraliste et orthodoxe, l'inflation des lectures normatives, amputent l'islam de sa dimension mystique et bloquent l'accès des femmes au domaine religieux. Pour lui, les mêmes tendances freinent le développement d'une pensée islamique vivante et contextualisée.
Tous deux toutefois, soulignent la richesse intellectuelle de nombreux courants islamiques à travers les époques, du philosophe Averroès et du mystique Ibn Arabi, aux penseurs contemporains Mohamed Iqbal, en passant par les réformateurs du XIXème siècle comme Mohammed Abdu.
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer, l'invité était Kahina BAHLOUL / Souleymane Bachir DIAGNE (07h40 - 08h00 - 19 Avril 2021)
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