Socrate avait attaché la plus grande importance à démontrer qu'il n'avait jamais été impie envers les dieux, ni injuste envers les hommes ; mais qu'il ne pensait pas devoir s'abaisser à des supplications pour échapper à la mort, qu'au contraire il était persuadé dès lors que le temps était venu de mourir.

Les revenus ,
Introduction ,
J’ai toujours eu la conviction que tels sont les chefs d’un État, tel est l’État lui-même. Or, quelques-uns de ceux qui, dans Athènes, sont à la tête des affaires, prétendant connaître aussi bien que les autres hommes les lois de l’équité, mais se disant forcés, vu la pauvreté du peuple, à se conduire injustement, je me suis proposé d’examiner par quels moyens les citoyens pourraient subsister des ressources de leur propre pays, persuadé que, si ce projet réussissait, on mettrait un terme à leur pauvreté et aux soupçons des Grecs. En réfléchissant donc à l’objet que j’avais dans l’esprit, il m’a tout d’abord paru que notre pays est fait pour donner de forts revenus. Et, afin de prouver la vérité de ce que je dis, je vais parler en premier lieu de la nature de l’Attique.
L’extrême douceur du climat est attestée par ses produits mêmes : ce qui ne pourrait pas germer ailleurs vient ici à maturité . De même que la terre, la mer qui entoure le pays , abonde en produits de toute espèce. Tous les biens que les dieux accordent à chaque saison se montrent ici plus tôt et disparaissent plus tard. Et ce ne sont pas seulement les productions qu’une année voit naître et vieillir, qui donnent la supériorité à notre contrée, mais elle possède encore d’éternelles richesses. Le sein de la terre y est rempli de marbres ,dont on construit des temples magnifiques, de magnifiques autels, des statues dignes de la majesté des dieux. Aussi, nombre de Grecs et de Barbares viennent-ils s’en procurer. Si donc il est des terrains qui. ensemencés, ne donnent point de récolte, fouillés, ils font vivre plus de monde que s’ils rapportaient du blé. D’autre part, on ne peut nier que son minerai d’argent ne soit un bienfait du ciel, puisque, de tant d’autres villes situées dans les terres ou le long des côtes, il n’en est pas une seule où perce la moindre veine de ce métal. Il n’y a non plus rien de déraisonnable dans l’opinion de ceux qui placent cette ville-ci au centre de la Grèce, et même de la terre habitée. Car, à mesure qu’on s’en éloigne, on se sent plus incommodé du froid ou de la chaleur ; et ceux qui veulent voyager d’une extrémité à l’autre de la Grèce, tournent tous, soit par mer, soit par terre, autour d’Athènes, comme s’ils décrivaient une circonférence .En outre, sans être environnée d’eau de toutes parts, Athènes jouit à son gré, comme une île, de tous les vents favorables à l’importation et à l’exportation ; car elle est entre deux mers ; puis, par terre, elle fait un très-grand commerce, à cause de sa position continentale. Un autre avantage aussi, c’est que, tandis que la plupart des autres villes sont à proximité des Barbares qui les incommodent, les Athéniens n’ont dans leur voisinage que des villes, presque toutes très-éloignées de ces mêmes Barbares.
L'anabase :
Marche à travers le pays des Macrons. — Arrivée aux montagnes des Colques. — Combat contre les barbares. — On descend à Trapézonte, où l'on célèbre des jeux. — Grande joie des Grecs.
Des enfants, pour la plupart prisonniers, courent le stade, et plus de soixante Crétois le dolique; d’autres s’exercent à la lutte, au pugilat, au pancrace. Ce fut un beau spectacle. Nombre de lutteurs étaient descendus dans la lice sous les regards de leurs camarades : il y avait une grande émulation. Les chevaux coururent aussi. Il leur fallait descendre par une pente rapide, puis, arrivés au bord de la mer, remonter et revenir à l’autel. Bon nombre roulaient à la descente, et, en remontant, c’était lentement, avec peine, au pas, qu’ils gravissaient la hauteur. De là de grands cris, des rires, des encouragements.
Xénophon l’anabase , VIII

Divertissement donné par un Syracusain. — Digression sur les parfums, l'éducation des femmes, la danse et l'ivresse.
Dès qu'on a retiré les tables, fait les libations et chanté le péan, il entre, comme divertissement, un Syracusain, suivi d'une excellente joueuse de flûte, d'une danseuse merveilleuse par ses tours, d'un garçon fort joli, jouant de la cithare et dansant à ravir. L'homme qui faisait voir ces merveilles en tirait de l'argent. Quand la joueuse de flûte eut assez flûté, le cithariste assez joué de la cithare, et que tous deux parurent avoir suffisamment amusé : « Par Jupiter ! dit Socrate, tu nous traites splendidement, Callias ! Ce n'est point assez d'avoir servi un repas magnifique ; tu nous donnes un spectacle et une musique des plus agréables. » Alors Callias : « Mais si l'on nous apportait encore des parfums, nous jouirions de leur senteur. — Pas du tout, reprit Socrate; de même que tel vêtement convient à une femme, tel autre à un homme, ainsi tel parfum convient à un homme, tel autre à une femme ; et jamais homme ne se parfume pour un autre homme. Cependant les femmes, et surtout les jeunes épouses, comme celles de Critobule et de Nicératus, se plaisent aux parfums; [elles aiment à en exhaler l'odeur. Mais celle de l'huile des gymnases paraît aux hommes plus agréable qu'un parfum ne l'est aux femmes, au moment où ils la respirent, et plus désirable quand ils ne la respirent pas. Qu'un esclave et un homme libre se parfument, tous deux à l'instant même exhaleront une égale senteur; mais l'odeur que répandent les exercices libéraux a besoin d'application et de temps pour acquérir cette suavité qui caractérise l'homme libre. » Alors Lycon : « Cela va bien aux jeunes gens ; mais nous qui ne fréquentons plus les gymnases, quelle odeur devons-nous exhaler ? — Par Jupiter! celle de la vertu, dit Socrate. — Et où prend-on ce parfum? — Ce n'est pas, ma foi, chez les parfumeurs. — Où donc enfin? — Théognis nous l'apprend :
L'honnête homme du bien te montre le sentier;
Le méchant te corrompt et te perd tout entier. »
Xénofon . Le banquet , II

Economique ,
I , final ,
C’est que ce sont encore des esclaves, dit Socrate, asservis à de dures maîtresses : les uns à la gourmandise, les autres à la lubricité, ceux-ci à l’ivrognerie, ceux-là à une folle ambition et à la prodigalité, qui font peser un joug si lourd sur les hommes, dont elles sont souveraines, que, tant qu’elles les voient jeunes et capables de travailler, elles les contraignent à leur apporter tout le fruit de leurs labeurs et à fournir à tous leurs caprices ; puis, quand elles s’aperçoivent qu’ils sont devenus incapables de rien faire, à cause de leur grand âge, elles les abandonnent à une vieillesse misérable, et s’efforcent de trouver d’autres esclaves.] Il faut donc, Cristobule , combattre avec ces ennemis pour notre indépendance avec autant de cœur que contre ceux qui essaieraient, les armes à la main, de nous réduire en servitude. Et encore des ennemis généreux, après avoir donné des fers, ont souvent forcé les vaincus, par cette leçon , à devenir meilleurs, et les ont fait vivre plus heureux à l’avenir, au lieu que ces souveraines impérieuses ne cessent de ruiner le corps, l’âme et la maison des hommes, tant qu’elles exercent sur eux leur empire. »

Apologie de Socrate par Xénophon ,
Final ,
Socrate, il est vrai, en parlant de lui avec tant de fierté devant le tribunal, souleva la jalousie, et fit que les juges furent plus disposés à le condamner. Mais pour moi, je trouve que les dieux lui ont accordé une heureuse destinée. Il a laissé de la vie la part la plus pénible, et obtenu le genre de mort le moins douloureux. Il fit bien voir, du reste, la force de son âme. Car quand il eut reconnu qu’il lui était plus avantageux de mourir que de vivre encore, de même qu’il n’avait jamais reculé devant les autres biens, il ne faiblit point devant la mort, mais ce fut avec sérénité qu’il la reçut et la subit. Aussi, quand je réfléchis à la sagesse et à la grandeur d’âme de cet homme, je ne puis m’empêcher d’en rappeler le souvenir, et de joindre à ce souvenir mes éloges. Et s’il existe parmi les hommes épris de la vertu quelqu’un qui ait vécu avec un homme plus utile que Socrate, je le regarde comme le plus fortuné des hommes.

[1] Une pensée nous venait un jour à l’esprit : c’est le grand nombre de démocraties renversées par des gens qui préféraient tout autre gouvernement à la démocratie, puis le nombre de monarchies et d’oligarchies détruites par des factions démocratiques, enfin le nombre d’hommes qui, voulant exercer la tyrannie, ont été renversés en un clin d’œil, tandis que d’autres, pour s’être maintenus quelque temps, sont admirés comme gens prudents et chanceux. Nous réfléchissions aussi que, dans les maisons privées, composées, les unes d,’une foule de domestiques, les autres d’un personnel peu nombreux, il se trouve des maîtres qui ne sauraient se faire obéir même de ce petit nombre. [2] Nous songions encore que les bouviers commandent aux bœufs, les palefreniers aux chevaux, et qu’enfin tous ceux qu’on appelle pasteurs sont considérés comme les chefs de ces animaux qu’ils surveillent. Or, il nous semblait voir que ces troupeaux obéissent plus volontiers à ceux qui les conduisent, que les hommes à ceux qui les gouvernent. Car les troupeaux vont où les pasteurs les mènent, paissent dans les endroits où on les lâche, s’abstiennent de ceux dont on les écarte, et laissent les pasteurs user de ce qu’ils rapportent absolument comme ils l’entendent. En effet, nous n’avons jamais appris qu’aucun troupeau se soit révolté contre le pasteur, ou pour ne point obéir, ou pour ne pas lui permettre d’user du produit qu’il lui donne. Il y a plus, les troupeaux sont moins faciles à tous les étrangers qu’à ceux qui les gouvernent et qui en tirent profit. Les hommes, au contraire, conspirent de préférence contre ceux qu’ils voient entreprendre de les gouverner.
1] Ἔννοιά ποθ' ἡμῖν ἐγένετο ὅσαι δημοκρατίαι κατελύθησαν ὑπὸ τῶν ἄλλως πως βουλομένων πολιτεύεσθαι μᾶλλον ἢ ἐν δημοκρατίᾳ, ὅσαι τ' αὖ μοναρχίαι, ὅσαι τε ὀλιγαρχίαι ἀνῄρηνται ἤδη ὑπὸ δήμων, καὶ ὅσοι τυραννεῖν ἐπιχειρήσαντες οἱ μὲν αὐτῶν καὶ ταχὺ πάμπαν κατελύθησαν, οἱ δὲ κἂν ὁποσονοῦν χρόνον ἄρχοντες διαγένωνται, θαυμάζονται ὡς σοφοί τε καὶ εὐτυχεῖς ἄνδρες γεγενημένοι. Πολλοὺς δ' ἐδοκοῦμεν καταμεμαθηκέναι καὶ ἐν ἰδίοις οἴκοις τοὺς μὲν ἔχοντας καὶ πλείονας οἰκέτας, τοὺς δὲ καὶ πάνυ ὀλίγους, καὶ ὅμως οὐδὲ τοῖς ὀλίγοις τούτοις πάνυ τι δυναμένους χρῆσθαι πειθομένοις τοὺς δεσπότας. [2] Ἔτι δὲ πρὸς τούτοις ἐνενοοῦμεν ὅτι ἄρχοντες μέν εἰσι καὶ οἱ βουκόλοι τῶν βοῶν καὶ οἱ ἱπποφορβοὶ τῶν ἵππων, καὶ πάντες δὲ οἱ καλούμενοι νομεῖς ὧν ἂν ἐπιστατῶσι ζῴων εἰκότως ἂν ἄρχοντες τούτων νομίζοιντο· πάσας τοίνυν ταύτας τὰς ἀγέλας ἐδοκοῦμεν ὁρᾶν μᾶλλον ἐθελούσας πείθεσθαι τοῖς νομεῦσιν ἢ τοὺς ἀνθρώπους τοῖς ἄρχουσι. πορεύονταί τε γὰρ αἱ ἀγέλαι ᾗ ἂν αὐτὰς εὐθύνωσιν οἱ νομεῖς, νέμονταί τε χωρία ἐφ' ὁποῖα ἂν αὐτὰς ἐπάγωσιν, ἀπέχονταί τε ὧν ἂν αὐτὰς ἀπείργωσι· καὶ τοῖς καρποῖς τοίνυν τοῖς γιγνομένοις ἐξ αὐτῶν ἐῶσι τοὺς νομέας χρῆσθαι οὕτως ὅπως ἂν αὐτοὶ βούλωνται. ἔτι τοίνυν οὐδεμίαν πώποτε ἀγέλην ᾐσθήμεθα συστᾶσαν ἐπὶ τὸν νομέα οὔτε ὡς μὴ πείθεσθαι οὔτε ὡς μὴ ἐπιτρέπειν τῷ καρπῷ χρῆσθαι, ἀλλὰ καὶ χαλεπώτεραί εἰσιν αἱ ἀγέλαι πᾶσι τοῖς ἀλλοφύλοις ἢ τοῖς ἄρχουσί τε καὶ ὠφελουμένοις ἀπ' αὐτῶν· ἄνθρωποι δὲ ἐπ' οὐδένας μᾶλλον συνίστανται ἢ ἐπὶ τούτους οὓς ἂν αἴσθωνται ἄρχειν αὑτῶν ἐπιχειροῦντας.

[VI, 41. Araspas, amoureux malgré lui de la belle captive Panthée, demande à partir en mission spéciale.]
Seras-tu capable aussi, dit Cyrus, d'abandonner la belle Panthée ?
- Oui, Cyrus, car je possède certainement deux âmes ; je tiens cette doctrine maintenant d'avoir philosophé avec ce coquin de sophiste qu'est Eros. Il faut bien que l'âme ne soit pas une pour être à la fois bonne et mauvaise, pour aimer à la fois une conduite généreuse et coupable, pour à la fois vouloir et ne pas vouloir les mêmes actes ; non, il est clair qu'il y a deux âmes, que, quand le bonne l'emporte, elle accomplit le beau, mais que, quand c'est la méchante, elle entreprend le laid. Mais à cette heure, comme elle t'a pris pour allié, c'est la bonne qui l'emporte, et de beaucoup.
[41] « Ἦ καὶ δυνήσῃ ἀπολιπεῖν, » ἔφη, « τὴν καλὴν Πάνθειαν;
« Δύο γάρ, » ἔφη, « ὦ Κῦρε, σαφῶς ἔχω ψυχάς· νῦν τοῦτο πεφιλοσόφηκα μετὰ τοῦ ἀδίκου σοφιστοῦ τοῦ Ἔρωτος. Οὐ γὰρ δὴ μία γε οὖσα ἅμα ἀγαθή τέ ἐστι καὶ κακή, οὐδ᾽ ἅμα καλῶν τε καὶ αἰσχρῶν ἔργων ἐρᾷ καὶ ταὐτὰ ἅμα βούλεταί τε καὶ οὐ βούλεται πράττειν, ἀλλὰ δῆλον ὅτι δύο ἐστὸν ψυχά, καὶ ὅταν μὲν ἡ ἀγαθὴ κρατῇ, τὰ καλὰ πράττεται, ὅταν δὲ ἡ πονηρά, τὰ αἰσχρὰ ἐπιχειρεῖται. Νῦν δὲ ὡς σὲ σύμμαχον ἔλαβε, κρατεῖ ἡ ἀγαθὴ καὶ πάνυ πολύ. »
On juge encore un délit, qui est la source de toutes les haines parmi les hommes, et qui cependant n'est point poursuivit en justice : c'est l'ingratitude. (...) On croit que les ingrats se soucient fort peu des dieux, de leurs parents, de leur patrie, de leurs amis. Il leur semble aussi que l'ingratitude a pour compagne l'impudence : c'est, en effet, le guide le plus sûr vers ce qu'il y a de honteux.
A la guerre, vous le savez, ce n'est pas le nombre ni la force qui donne la victoire, mais ceux qui, les dieux aidant, marche à l'ennemi d'un cœur plus résolu, ceux-là le plus souvent ne trouvent pas devant eux de gens qui leur résistent.