On connaît
Thucydide et Guerre de Péloponnèse, et peut-être un peu moins
Xenophon et pourtant...
Ainsi s'adresse
Xenophon à ses troupes :
"Plus tard, quand Xerxès rassembla une armée innombrable et marcha lui aussi contre la Grèce, nos ancêtres, cette fois-ci encore, battirent sur terre et sur mer les ancêtres de nos ennemis.
Les trophées demeurent les témoins de ces victoires, mais le plus beau trophée qui vous reste, c'est la liberté dont vous jouissez dans les cités où vous êtes nés et où vous avez été élevés. Vous ne vous prosternez, en effet, devant aucun maître, mais seulement devant les dieux. Tels sont les ancêtres dont vous êtes nés.
Je n'irai pas dire que vous en êtes indignes. Au contraire, il y a quelques jours seulement, on vous a vus rangés en ligne de bataille face aux descendants de nos ennemis ancestraux : avec l'aide des dieux, vous les avez vaincus, malgré leur nombre infiniment supérieur au nôtre.
En cette occasion, vous vous êtes battus en braves pour faire de Cyrus un roi. aujourd'hui, alors que c'est votre survie qui est en jeu, vous serez nécessairement encore plus courageux et audacieux. il est naturel que vous vous sentiez sûrs de vous face à nos ennemis : auparavant, vous ne les connaissiez pas, vous ne pouviez voir que leur masse innombrable, et vous avez osé pourtant, avec l'audace de vos père, vous élancer contre eux. Maintenant, vous les connaissez : même s'ils sont bien plus nombreux que vous, ils n'ont pas le courage de résister à vos attaques. Quelle raison auriez-vous donc de le craindre ?"
Mais à qui s'adresse t-il ?
À ses valeureux « Dix-Mille » pour les exhorter au combat dans l'
Anabase. Une épopée sur fond de guerre fratricide. En effet, Darius et Parysatis avaient deux fils : l'aîné se nommait Artaxerxès ; le plus jeune, Cyrus. Tout commence comme un conte exotique, à Babylone, la fabuleuse capitale de l'empire perse, en 404 avant J.-C. Mais le roi de Perse, Darius II, meurt. Cyrus dit le Jeune, prince éclairé et séduisant, est alors possédé par une seule ambition : s emparer du trône de son frère Artaxerxès. le conte tourne d'emblée au conflit fratricide : dans la dynastie achéménide, le trône revient traditionnellement à l'aîné, mais en réalité la succession se joue dans le rapport de forces qui s'instaure après la mort du souverain ; le plus puissant finit toujours par l'emporter. Aussi le conflit latent entre les deux frères ne fait-il que s exacerber. Une guerre se prépare dans le plus grand secret en Lydie, la riche province d'Asie, dont Cyrus a été fait satrape par son père.
Pour reprendre le pouvoir il va mettre sur pieds cette expédition dans laquelle il va enrôler des mercenaires grecs qui seront commandés par
Xenophon.
Tout au long de cette expédition il s'agit de se battre pour rester non seulement vivant mais debout.
L'
Anabase, sous le titre
Les Dix-Mille, ressort aujourd'hui dans une nouvelle, dynamique, et somptueuse traduction qui lui redonne une puissance et une énergie à la hauteur de cette valeureuse expédition.
Mais cette oeuvre c'est avant tout une double expédition :
L'
Anabase : la montée des mercenaires grecs et de l'armée de Cyrus vers les hautes terres de Babylonie. D'Éphèse à Counaxa soit 2850 km environ, en 93 étapes, en 535 parasanges (ancienne unité de distance perse valant environ 5,35 km voire 6 km. C'était la distance qu'on pouvait parcourir à pied en une heure) et ce en 6 mois.
La Catabase : la descente des hautes terres à la Mer Noire. de Counaxa à Cotyora soit 3300 km, en 122 étapes, en 620 parasanges et ce en 8 mois.
Xenophon lui même de conclure lui même « le trajet complet, à l'aller jusqu'à Counaxa puis au retour, a été parcouru en deux cent quinze étapes et se monte à un total de mille cent cinquante-cinq parasange ou trente-quatre mille deux cent cinquante stades, 6000km environ. La durée de notre expédition, aller et retour, a été d'un an et trois mois »
Avec cette nouvelle édition/traduction, ce livre a plusieurs mérites :
Nous offrir une mise en perspective de ce texte au regard d'actualités récentes (emploi de mercenaires, tensions dans les contrées traversées devenues la Turquie, la Syrie, l'Irak) ;
Nous permettre de situer les lieux de ces expéditions grâce à des repères antiques et contemporains ;
Nous faire connaître
Xenophon dans ce qu'il a de multiple : philosophe, historien, chef militaire, cavalier, "romancier", reporter de guerre,....
Découvrir la nature, la géographie, les coutumes et l'organisation sociale de la Perse
La place que donne
Xenophon aux femmes dans ce monde de guerriers ;
Nous donner des éléments quant à la composition des armées dans l'antiquité ;
Et surtout nous rappeler que "l'échec n'a jamais fait peur aux Grecs : Ulysse, Ménélas ou Héraclès comme bien d'autres, ont eu leurs heures de gloire et leurs moments de faiblesse. C'est dans cette odyssée, cette errance formatrice en terre perse, que
Xénophon appprit à connaître le monde et les hommes, à l'instar d'Ulysse, le héros qui, selon
Homère, a connu les cités et le coeur des mortels."