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Citations de Abel Quentin (219)


Et Patrick Marchand sanglote sur le lit trop net, pelotonné contre le traversin, le traversin écrasé contre son ventre pour calmer l'absence, et à cet instant il est une mère, une louve, une chienne capable de tuer.
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L'ouvrier agricole languedocien payé une misère n'était plus un damné de la terre, il ne pouvait plus prétendre à rien : il jouissait du privilège blanc.
P 171 Les Editions de l'Observatoire
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Radicalisation. Les journalistes répéteront ce mot à l’envi, ravis d’avoir trouvé un concept-talisman que ses six syllabes paraient d’une vague aura scientifique, sans se rendre compte qu’ils commettent ainsi une erreur manifeste d’appréciation. La «radicalisation» de Jenny aurait supposé une phase transitoire de croyance apaisée qu’elle n’avait jamais traversée. Elle s’était convertie, voilà tout. Sans connaissance préalable de la religion, elle n’avait eu qu’une conscience diffuse d’en rejoindre une section dissidente. Bien sûr, elle avait écouté Dounia lui expliquer les subtilités de l’apostasie et du chiisme, elle avait écouté ses harangues contre ces millions de musulmans qui trahissaient leur foi en s’accommodant de la modernité, mais tout cela était un peu chinois pour une néophyte. p. 215 
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Cancer de la nostalgie. J'avais soixante-cinq ans. J'étais allongé au pied de mon lit, la tête en fusion, la bile au bord des lèvres. C'était mon destin et mon ingrate vocation que d'être Jean Roscoff, la promesse non tenue. Celui dont on énumère les qualités avant d'ajouter à voix basse: quel gâchis.
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Les manifestations étaient des masses pleines de vie où rayonnait une jeunesse sans complexe, une jeunesse fière d’être jeune, triomphante. C’était un flot continu qui se dégorgeait des facultés de lettres et de sciences humaines, un flot irrésistible. Personne ne peut se représenter ça. On jouait des percussions, et on clamait des slogans grands comme le monde « Nous sommes tous des enfants d’immigrés ». Ce n’était pas des slogans d’ailleurs : c’étaient des idées simples et belles.
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J’étais Jean Roscoff, L’homme qui S’était Trompé Deux Fois. Et pourtant j’avais eu la bonne intuition, il y a trente ans. Willow-espion, la thèse farfelue. Je l’avais écartée comme une folie. J’avais eu le ticket gagnant entre les mains et je l’avais jeté. 
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De la même façon qu’elle avait habillé en couleurs chatoyantes ces déconvenues sentimentales, c’est ainsi qu’elle concluait le récit de chacun de ses retentissants échecs : « C’est ce qui pouvait m’arriver de mieux dans la vie. » À l’entendre, chaque gadin était une aubaine formidable.
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Les experts en shaming, trollers et lanceurs de raids sont les rejetons criards du Spectacle, qui courent d’une proie à l’autre comme des poulets sans tête. Ils tombent d’un coup sur une proie et la dépècent dans une frénésie vraiment épouvantable mais il suffit d’un bruit, d’une distraction pour qu’ils se débandent vers d’autres carnages. (p.361)
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Benevento envoie valdinguer les deux battants d'une poussée énergique et déboule dans l’arène, il a la dalle, il est en chien, sa femme et les autres n'existent plus, relégués dans la nuit des coulisses et il peut enfin être lui-même, c'est-a-dire l'Ogre, la Bête, le Fauve.
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Tout cela était grotesque, c'était Robert Willow qu'on réhabiliterait et non pas ma propre personne, et alors je réalisais que Robert Willow, était un prétexte que j'utilisais pour obtenir ma propre réhabilitation, pour me faire mousser, moi. (p116)
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L'imprévisibilité de la polémique moderne voulait cela : les gens avaient peur d'être pris en défaut. À l'extrême, cette peur pouvait même transformer en délateur. On ne veut pas être de la prochaine charrette, alors on prend les devants : on donne un nom. Il ne suffit plus de se savoir au-dessus de tout soupçon. Il faut le prouver en hurlant avec les loups.
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Les routards du web se battent au corps à corps, dans les allées sombres de la Toile. Les noms d'oiseaux volent. Il est facile de lâcher les chevaux, confortablement planqué derrière un pseudo, alors s'ils s’en donnent à cœur joie. Les moins hardis se contentent d'un pouce levé -un like brandi comme une oriflamme dans la nuit de l'esprit. Et pour chaque message, chaque like il y a des cohortes d’internautes silencieux, la foule des voyageurs, la foule imbécile que l’on voit sur les photos de lynchage, rigolarde ou honteuse, la foule éternelle qui se déplaçait pour assister aux exécutions quand elles étaient encore publiques. Eux se contentent de lire, mais ils n’en pensent pas moins.
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Moi, j'ai peur d'une idée qui écrase tout sur son passage. C'est beau et c'est terrible. Parce qu'une idée, elle n'appartient jamais qu'à elle-même, elle est incontrôlable, et elle ne s'arrête que lorsqu'elle a tout écrasé.
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Il me semble qu'on ne pouvait pas mettre sur le même plan la négation d'un génocide industriel et, par exemple, l'usage non littéral d'un mot chargé d'une connotation douloureuse pour une partie de la population d'un pays étranger, ce n'était pas tout à fait comparable, ou alors le degré de sensibilité des gens était devenu tel qu'il fallait peut-être renoncer à toute vie en société, et vivre chacun tanqué chez soi et ne sortir que pour de brèves interactions avec des gens triés sur le volet, des gens qui utilisent les mêmes mots que vous et leur attribuent exactement le même sens, pour être sûr de ne jamais être blessé, puisque c'était devenu l'obsession de notre époque de petites choses geignardes et souffreteuses et désireuses d'assurer leur sécurité émotionnelle, de ne JAMAIS, être confronté à un mot qui puisse heurter votre sensibilité.
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J’étais un sexagénaire aux jambes maigres, avec de la bedaine ; morphologiquement, je ressemblais à un poulet-bicyclette. (p.64)
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Le monde appartenait aux menteurs et aux artificieux. Le lent labeur, le recueillement, la précision, toutes ces qualités étaient devenues des vertus d'un autre temps.
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J’aime la bière. C’est la déglingue de proximité. On commande sans réfléchir, comme on hèle un taxi. Une-pression-s’il-vous-plaît. On reprend la conversation. Une bière, ce n’est pas grand-chose. On garde un air dégagé, mais toute l’attention est tendue vers le verre à venir. Le manque se fait sentir, cruel : pas une sensation sophistiquée, juste un trou au plus profond de l’être. Qui a bu, boira : c’est l’axiome implacable. La bière arrive. On ne renifle pas le verre, on ne fait pas cent grimaces. On ne la goûte pas. On la sèche sans façon. La bière n’est jamais décevante. On reçoit ce que l’on vient chercher : la fraîcheur, le gout de blé humide et l’alcool qui chauffe le carafon. Elle ne recèle pas de secret, elle est ce qu’elle donne à voir : le contenu doré et glacé, dans son contenant ergonomique et fuselé. On ne la fait pas tourner comme un maniaque, on ne commente pas, on saisit le verre parce qu’il fait bon sentir les minuscules cristaux de givre sur la paume.
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C’était une force puissante et sournoise que celle de la solitude. Elle agissait sur moi en utilisant d’agréables atours : la lecture boulimique d’ouvrages littéraires.
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- Vous avez dix minutes de retard, nota la patronne des éditions LBD.
J'expliquais que j'avais été ralenti par un colis piégé sur la ligne 2, embrouillant mon mensonge dans un dédale de disgressions qui ne fit que renforcer la suspicion de l'éditrice. Elle ferma les yeux un instant, dans une attitude de martyre consciente que sa noble profession comportait une part de sacrifice, comme celui de recevoir l'auteur le moins bankable de tous les temps. L'affaire était mal engagée. Je songeais que ni elle, ni moi n'avions envie d'avoir une discussion, et que néanmoins cette discussion allait avoir lieu.
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Le regard de Jeanne était toujours sur moi et je suais à grosse goutte. J'avais l'impression qu'elle me mettait en garde : "Attention à ce que tu vas dire". Aux tables alentours, des jeunes gens croisent leurs regards comme on croise le fer. Leurs sourires découvraient des dentitions saines de quarterbacks américains. Un incubateur géant s'était installé dans le coin nous avait expliqué Jeanne et toute cette jeunesse travaillait dans l'univers exaltant de la "Tech". Ils avaient moins de la moitié de mon âge. La vie venait à eux, chargée de fruits murs et d'hydromel. L'époque était leur terrain de jeu, le monde un village de vacances. Ils se mouvaient en mouvements agiles de Shangaï à Londres, de Paris à Johannesburg, partout où il y avait une connexion 5G. Interrogés sur leurs projets, ils adoptaient des poses rêveuses pour parler d'un monde où chaque centimètre carré serait irrigué par des flux numériques. Peu importe que lesdits flux charrient les pensées rachitiques des digital natives, l'important était que les flus ne s'arrêtent jamais et que leur réseau soit toujours plus serré - qu'internet soit la respiration du monde. Ces prométhéens délires tenaient, pour beaucoup de la posture. La raison profonde de leur engouement était celle qui menait le monde depuis que le monde existe : amasser un maximum de pognon en un minimum de temps. Tous rayonnaient, et une vitalité incroyable émanait de leurs mots simples et directs.
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