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Citations de Alain Berenboom (71)


Dans un roman policier, il suffit à l’auteur de donner un coup de pouce à l’histoire, de nourrir ses personnages pour justifier le dénouement qui les attend et qui a déjà fabriqué dans sa tête. Rien de pareil pour l'enquêteur scrupuleux. Pour mettre au jour la vérité, j'ai décidé de m'en tenir aux rares faits que j'ai pu glaner. Rien qu'aux faits. Et tant pis s'ils sont ténus et parfois incroyables. De temps en temps, j'ai l'impression que mon récit est dans une impasse : les témoins sont tous morts aujourd'hui, mes parents ne m'ont guère parlé de leur vie, leurs amis refusaient d'évoquer le temps de la guerre. Quand je suis sur le point de renoncer, en me maudissant d'avoir tant attendu, je me rassure en pensant que les anthropologues parviennent à raconter par le menu l'histoire des premiers hommes (et des premières femmes) rien qu'en examinant un os de leur mâchoire. En saurait-on plus sur Lucy que sur monsieur et madame Berenbaum ? Allons ! Alors je me remets au travail. Ne suis-je pas le fils de monsieur Optimiste ?
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Il n'y a que sur la chair à canon que la mention de la race n'est pas inscrite.
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Le voyage de noces eut lieu quelques semaines après le mariage. Un voyage un peu improvisé. Avec les allemands en guise d'accompagnateurs, qui n'avaient pas encore acquis les bonnes manières de Neckermann.
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On croit fuir le diable et l'on se jette dans ses bras, parce qu'il est déguisé en mouton.
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La politique, ce n'est pas une bonne affaire pour les Juifs ! C'est un très mauvais investissement qui ne rapporte que des misères ! Regarde ce qui est arrivé à ceux qui s'y sont frotter en Russie.
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Ce jour-là, alors que nous passions devant l'immense pigeonnier du parc, en essayant d'éviter les dommages collatéraux, et que nous nous disputions je ne sais plus à quel propos, il finit par me lancer, faute d'autre argument : « Au font mes parents ont raison. Tu n'es qu'un sale juif ! Fous-le camp sale juif ! » Puis il s'enfuit, me plantant là, stupéfait. Oui, stupéfait. Ni fâché, ni blessé, ni rien de pareil. Simplement étonné. Incapable de comprendre ou de réagir. Il m'aurait traité de « Sale nègre ! » parce que je défendais Lumumba et que je trouvais scandaleux le retour des Belges dans leur ancienne colonie, j'aurais compris. Nos bagarres ne se passaient jamais à fleurets mouchetés. Mais « sale Juif » ? Vraiment, non, que voulait-il dire ? Mon éducation avait soigneusement été épurée de tout judaïsme, au point que j'avais à peine conscience d'être juif. Le soir, je racontai à mes parents ce qui s'était passé. Et le lendemain, au début de son cours, le professeur (de français, je crois) désigna du doigt André puis moi. Il fit répéter ce qu'il m'avait dit sur la route du lycée. Le pauvre garçon, rouge pivoine, finit par murmurer, en grommelant vaguement quelques mots entre ses dents, les yeux dans ses chaussettes. Si André se sentait mal, que dire de mon état ? Qu'André m'insulte devant quelques dizaines de pigeons, même voyageurs, passe encore. Mais qu'il le répète devant la classe entière, quel cauchemar ! S'ensuivit un long discours du prof, rappelant la Guerre, l'Holocauste, les camps, etc. Qui écoutait ? Six millions de Juifs anonymes avaient été éliminés par les nazis, mais bon ils étaient morts. Tandis que moi, j'étais vivant et je devais continuer à vivre tous les jours au milieu de mes quinze condisciples, brusquement marqué du sceau de l'étoile jaune à laquelle j'avais échappé.

Il me fallut longtemps pour comprendre pourquoi mes parents s'étaient confiés au directeur, au lieu d'apaiser mon trouble en m'expliquant eux-mêmes quelle mouche avait piqué André. Pourquoi ils avaient préféré que le prof de français transforme notre prise de bec en un cours d'Histoire et de morale et me fige, moi, dans le rôle de la victime devant la classe rassemblée. Longtemps pour saisir que mon père comme ma mère étaient incapables de parler de ça depuis la fin de la Guerre. Et qu'ils en resteraient incapables jusqu'à leur mort. Et aussi que la colère qui étouffait mon père l'empêcherait toujours de me raconter son histoire.

p. 162-163
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Mais ils (les documents) étaient indéchiffrables. Moi qui me piquait d'être écrivain, je me retrouvais dans la peau d'un analphabète, incapable de lire un seul mot de ma grand mère, des mes tantes, de mon grand-père. Leur signification restait aussi énigmatique que celle des tablettes retrouvées en Crète ou dans l'île de Pâques.
Le temps que prenait la traductrice pour m'envoyer les textes de Frania en français me mettait en supplice. Ces lettres avaient dormi plus de soixante ans dans les cartons sans que je ne m'en préoccupe et, soudain, je voulais entendre, sous-titrées, la voix de ma grand-mère et de ma tante Sara séance tenante ! Je rongeais mon frein : il fallait attendre son retour de vacances. Ou la fin de ses examens.

p. 113
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D'Aba je n'ai retrouvé que cinq ou six courtes lettres, dont le sens se révèle aussi impénétrable que le cahier des charges de la tour de Babel , une des plus belles facéties de Dieu ! Le mur de la langue d'Aba est bien plus hermétique et infranchissable que celui qui sépare Israël de la Palestine.

p. 112
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Tomas n'a pas du tout la même réaction que tous ces défaitistes , ces Juifs à l'esprit de ghetto, qui se mettent la tête dans le sable. Il boit les paroles de Chaïm avec l'appétit d'un élève devant son mentor. Tout juste s'il ne prend pas de notes. Seul hic, un respect exagéré pour la parole de mon père. Tomas ne le contredit jamais, ce qui à la longue atténue le plaisir de mon père. Tout au plus laisse-t-il un jour échapper ce surnom qui va lui coller à la peau : « Chaïm, on devrait t'appeler monsieur Optimiste ! Je n'ai jamais rencontré quelqu'un aussi persuadé que toi de l'avenir radieux de la planète. Si au moins tu étais communiste ou national-socialiste, je comprendrai ta ferveur, mais non c'est au fond de toi que tu puises la force de ton optimisme. À notre époque, tu es unique dans le genre. »

p.22
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«Crise cardiaque », déclara le médecin. « Comme tout le monde, ajouta-t-il avec un soupir. Moi-même, je ne me sens pas très bien ». [...]
Une heure après l'hospitalisation de mon père, le médecin sortit de la salle de réanimation. Il prit soin de fermer la porte métallique derrière lui, comme pour empêcher l'âme de mon père de le suivre. Il s'approcha de moi et me tendit sa montre d'un air soucieux. J'ai vite compris la raison de son inquiétude. Le verre de la montre était étoilé et moi j'étais l'avocat. La montre s'était cassée pendant qu'on essayait en vain de le ranimer. La responsabilité médicale, ça peut coûter cher. Voilà ce que je lisais dans ses yeux alors qu'il venait de fermer ceux de mon père. Il avait tort de s'en faire. Ma mère n'a pas protesté (je parle du décès pas de la montre). Elle s'est contentée de pleurer et de suivre. Ou au moins d'essayer. Dans notre famille, il est de tradition de ne pas remuer le passé. On verra bientôt pourquoi. De plus, elle n'a jamais été du genre bavard. Alors, moi non plus, je n'ai pas insisté, je n'ai pas cherché à savoir.

À propos, malgré son verre étoilé, la montre marche toujours.

p.9
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