Citations de Alain Rey (103)
L’académie, qui ne goûte guère les mots empruntés à l’anglais, recommande l’expression « goudron de houille », bien moins synthétique que « coaltar ». Dirions-nous certains matins difficiles que nous sommes « dans le goudron de houille » ?
"Il y a deux catégories de langues : les langues malades et les langues mortes"
Lire Décembre 2016
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.............."Virus est un mot latin qui veut dire poison"....
Alain Rey, dans l'émission "Le mot de la fin" le 12 septembre 2005 (en pleine grippe aviaire) sur France Inter.
En hommage à sa mort mais surtout à sa vie, je vous invite à écouter son intervention autour du mot "épidémie/pandémie" :
https://www.franceinter.fr/culture/re-ecoutez-le-mot-de-la-fin-la-chronique-d-alain-rey
Bon dimanche à tous !
Commettre un acte ou tenir des propos au fort retentissement, défrayer la chronique, c'est faire grand bruit, que ce ce soit dans la presse, sur Internet ou dans les conversations.
De quoi faire fonctionner le bouche à oreille et enfler la rumeur ...
-Dictionnaire-
Le livre -amoroso- qu'on a sous les yeux étant tout entier consacré à cet objet culturel mal identifié, je ne m'étendrai pas outre mesure-mais où est la mesure ?
Dictionnaire : la chose ? De moins en moins aisée à définir, pas même un "livre", aujourd'hui puisqu'il prolifère sur la Toile, en ligne, hors ligne, entre les lignes, en cédés plus ou moins roms...
Donc une liste ? un catalogue ? Pas toujours, alphabétique ? Ho, ho, et les Chinois, et les dicos d'ancien égyptien, par hiéroglyphes ? Et les dictionnaires "d'idées", où les mots sont les cibles ?
Que restent-ils de nos chers dictionnaires ? de collectionner des signes, pas seulement des "mots", et de répertorier des sens. Et l'on en vient à ceci, qui est dans le mot: -dictionnaire-: un répertoire de "manières de dire" (p.308)
Les mots, comme les êtres et les groupes humains, voyagent, se déplacent, émigrent et immigrent, avec des fortunes diverses. Cependant, les mots ne sont pas vivants ; ils peuvent s'effacer, mais non pas mourir. Ils appartiennent à l'espèce immense des SIGNES, ces réalités physiques qui donnent aux humains accès au réel et à l'imaginaire, au concret et à l'abstrait, à la matière et à l'Esprit.
"Une discussion à bâtons rompus, c'est donc une parlote où l'on change fréquemment de sujet, où l'on passe su "coq à l'âne, autre expression qui montre que, même si l'on a de la suite dans les idées, on n'en a pas toujours dans les conversations."
(Extrait de la définition "A bâtons rompus")
Quand des gens s'assemblent, leur réunion peu prendre vite des allures de poulailler : chacun donne de la voix pour faire l'intéressant. Rien de tel pour lui rabattre le caquet que de lui clouer le bec.
Les expressions d'origine militaire passées dans le langage courant suggèrent sagement que, même en temps de paix, l’existence est un combat.
Curiosité, ouverture d'esprit, rigueur ...
On doit reconnaître malgré tout que, si ces arguments sont invoqués, c'est que, s'agissant du latin et du grec, on manque d'arguments concrets, précis et utilitaires.
Ce n'est plus l'évidence qui commande d'apprendre le latin, le grec ; c'est au contraire un besoin de gratuité, une sorte de superflu, dont on prétend, avec Voltaire, qu'il est très nécessaire. Plus la tête s'emplit, plus elle doit être bien faite, disent Socrate et Cicéron.
"Le papier, invention récente à l'échelle de l'humanité, a succédé à des siècles de papyrus et de parchemin. L'écriture, moyen de communication durable, mémoire de la parole, a toujours trouvé un support pour s'exprimer. Peu importe sa nature, les paroles s'envolent, les écrits restent."
(Extrait de la définition "Marquer quelque chose sur ses tablettes")
La psychanalyse nous explique qu'on ne peut construire un avenir si on n'a pas clarifié notre rapport au passé.
Il en est de même pour les cultures.
Surtout pas pour idéaliser, mais pour comprendre
comment ce que nous croyons vivre comme une nouveauté nous conduit sur les traces du passé ...
"Il ne suffit pas d'avoir macéré dans les allées des bibliothèques et les couloirs des universités pour avoir la science infuse : le savoir, contrairement au thé, ne se diffuse pas ainsi et, sans ouvrir un livre, il y a peu de chances que l'esprit y trouve profit."
(Extrait de la définition "Avoir la science infuse")
"Si quelqu'un vous casse les pieds, vous pourrez lui dire lâche-moi les baskets parce que vous en avez plein le dos. Mais à qui vous casse les couilles - surtout si vous êtes une femme, car le langage se moque de l'anatomie - vous dites lâche-moi la grappe, parce que vous en avez plein le cul.
(Extrait de la définition "Lâche-moi la grappe")
Plus de quatre siècles après Rabelais, il est facile de jouer au jeu du latin en français, en disant assez normalement à un ami :
"A priori, j'ai l'impression que ton agenda mériterait quelques errata. Quant à ton curriculum , tu devrais faire un distinguo entre le plaidoyer pro domo qu'il présente et tes desiderata. Je t'explique, grosso modo, le modus operandi : ne pas donner tes références in extenso, ne jamais prononcer de mea culpa. A contrario, fournis des arguments ad hoc. Sinon, on aura l'impression d'un facsimile, d'une sorte de verbatim, d'un album de lieux communs. Mais pas de quiproquos ; je ne veux pas jouer les alter ego ni te fournir un alibi : un curriculum vitae ne doit pas être un placebo, mais un vade mecum. Stricto sensu, il décrit "le cours de la vie" , de même que la camera n'est qu'une chambre, e le lavabo le futur du verbe qui signifie "laver". Décidément, que ce soit de visu ou de facto, nous ressentons le monde via cette lingua franca, et cela malgré les lapsus linguae".
La nostalgie, sentiment poétique et qui fait partie de nos vies, est souvent le signe d'un rapport compliqué au présent. S'agissant du latin et du grec, nous sommes peut-être aujourd'hui, la génération témoin de ce basculement dans un monde "sans latin et sans grec" que nous sentons venir depuis des décennies, sans l'avoir encore constaté.
"Mais, rappelons-le aux joueurs qui ne seraient pas en veine, si être plein aux as facilite assurément l'existence, ce n'est pas forcément le meilleur atout dans la vie."
(Extrait de la définition "Etre plein aux as")
page 62/63
Les langues ne vivent ni ne meurent, pourrait-on dire : elle se transforment. Et il ne faudrait pas dire qu'elles "vivent" mais quelles "survivent", puisque, leurs locuteurs ayant beau mourir, elles se transmettent quand même...
Quiconque s'intéresse à l'art occidental a besoin de deux mondes de référence : le monde gréco-latin et la Bible.
L'histoire de la peinture, celle de l' "iconographie", science des représentations par l'image, est faite de personnages, d'histoires, de symboles, longuement repris et remaniés.
Il faut dire que ces mythes, ces histoires, sont riches !
(...) Il en va de même pour la psychanalyse, qui fait un recours massif aux mythes, aux personnages, aux motifs, du complexe d'Œdipe au narcissisme.
Il n'est guère qu'en musique que l'héritage antique n'a pas alimenté la culture moderne, du fait de la révolution qui conduisit de la musique modale à la musique tonale et au développement de la polyphonie (mot grec) vers la fin du Moyen-Age. (...)
Les arts, peinture, sculpture, architecture et littérature, sont profondément irrigués par ces sources, au point qu'on ne sait plus très bien ce qui y est ou non "antique".
L’homme d’un seul livre :
« type de l’individu péremptoire et sûr d’avoir raison, qui ne revient jamais sur son avis ». D’abord mise engarde sous forme de proverbe : prends garde à l’homme d’un seul livre, l’expression est due à Saint Thomas d’Aquin chez qui ce livre unique désigne la Bible : timeo hominem unius librie signifie « je crains, en tant qu’adversaire, celui qui connait à fond le livre » ; d’où, par extension, « celui qui ne jure que par une seule doctrine ».