Citations de Alex Marzano-Lesnevich (200)
Le petit voisin me hèle. Je vais m'accroupir devant la balustrade. Les piquets blancs qui entourent le porche lui strient la figure comme des barreaux de prison dans une bande dessinée. [...]
Il mastique quelque chose sans me quitter des yeux. J'aperçois un éclair rose. Un chewing-gum. [...]
La maison, marquée par son passé, ne coûte pas cher. [...] Majestueuse, elle l'était autrefois : les officiers y avaient pris leurs quartiers pendant la guerre d'Indépendance, [...], tandis que la maison en pierre du petit voisin n'était alors qu'une grange. J'aime beaucoup imaginer tes têtes de chevaux dépasser de nombreuses petites fenêtres de la maison en pierre, voir les mâchoires des chevaux triturer leur foin comme le petit garçon lorsqu'il mastique son chewing-gum.
Ce job sera mon épreuve. si je suis vraiment contre la peine de mort, je dois m'y opposer aussi pour des hommes tels que lui.
Je réponds:
"Oui, je me sens capable de défendre un pédophile".
Ce qui m’a tant séduite dans le droit il y a si longtemps, c’était qu’en composant une histoire, en élaborant à partir des événements un récit structuré, il trouve un commencement, et donc une cause. Mais ce que je ne comprenais pas à l’époque, c’est que le droit ne trouve pas davantage le commencement qu’il ne trouve la vérité. Il crée une histoire. Cette histoire a un commencement. Cette histoire simplifie les choses, et cette simplification, nous l’appelons vérité.
Je suis venue ici pour aider à sauver l'homme à l'écran. Je suis venue pour contribuer à sauver des hommes tels que lui. Je suis venue parce que mes idéaux et mon identité existent indépendamment de ce qui s'est produit dans le passé. Il le faut. Sinon, que me réserve la vie ?
Tout le long de mes recherches, j'ai été animée par la conviction qu'il y a au coeur de la collision entre Ricky et moi un noeud qui m'aidera à donner un sens à ce qui ne sera jamais résolu. La façon dont mon corps est une preuve. La façon dont je porte ce que m'a fait mon grand-père dans mon corps. Je le porte dans ma vie, jour après jour.
Il en va ainsi dans tout le pays. Les lois passent à grand fracas de bonnes intentions. Les lois échouent, parce que les avertissements ne fonctionnent que si rarement, et une grande partie du fardeau retombe sur des parents déjà harassés. On peut se rendre malade à s'inquiéter de qui figure sur la liste, de qui vient de s'installer dans la ville, on peut chasser ces individus de sa commune, leur interdire de passer le pont autoroutier, mais la moitié du temps, on sera en train de s'alarmer à cause de quelqu'un qui a eu des relations homosexuelles quelques années avant qu'elles soient légalisées dans tel ou tel Etat, ou d'un type qui a couché avec sa petite copine mineure alors que lui-même avait tout juste atteint la majorité, ou de quelqu'un qui a commis un méfait atroce il y a trente ans, mais il n'a pas commis le moindre écart depuis. Dans certaines régions, même des enfants prépubères se retrouveront sur les listes, sous prétexte qu'ils sont allés un peu trop loin en jouant au docteur. Et même comme ça, on ne s'inquiéterait encore que de la partie émergée de l'iceberg. De ceux qui auraient déjà été dénoncés par quelqu'un. Pas du coach, du meilleur ami, de la baby-sitter, du beau-père, de l'oncle. Du grand-père.
Vingt ans après le début de la mise en place de ces lois, les taux d'abus sexuel n'auront absolument pas baissé.
Peut-être nos différences viennent-elles avant tout du fait que je suis écrivain tandis qu’elle est scientifique. Mais souvent, les différences superficielles semblent refléter une vérité plus profonde : notre façon de faire l’expérience du temps. Pour moi, il y a toujours plusieurs niveaux qui se superposent. Elle est dans l’instant.
Ce qui m’a tant séduite dans le droit il y a si longtemps, c’était qu’en composant une histoire, en élaborant à partir des événements un récit structuré, il trouve un commencement, et donc une cause. Mais ce que je ne comprenais pas à l’époque, c’est que le droit ne trouve pas davantage le commencement qu’il ne trouve la vérité. Il crée une histoire. Cette histoire a un commencement. Cette histoire simplifie les choses, et cette simplification, nous l’appelons vérité.
Ce n'est pas vrai. On le répète souvent, mais ce n'est pas vrai. La plupart des pédophiles, de même que la plupart des gens, n'ont pas subi d'abus sexuels dans leur enfance. Et rien n'indique que les individus qui en ont subi deviennent des pédophiles. Ce qui est vrai, c'est que le pourcentage de pédophiles ayant subi des abus sexuels est plus important que le même pourcentage parmi la population générale - mais même dans ce cas, la différence n'est pas énorme. J'ai une envie puissante de contredire cette allégation - mais je sais pourquoi. Parce que j'ai subi des abus sexuels. Suis-je vraiment condamnée à me sentir maudite, à me sentir démolie à ce point ?
[ 1996 ]
Mes bras font la taille des poignets d'un enfant. Mes parents m'envoient consulter mon ancien pédiatre. Dans mon souvenir, il me dit qu'il faut vraiment que je mange, mais que je n'ai pas de problème majeur. Ça me paraît curieux, quand j'y repense, impossible, même. Qui irait dire à une jeune anorexique qu'elle n'a pas de problème majeur ?
C’est peut-être aussi une des raisons pour lesquelles je me prends de passion pour les objets du bureau de mon père : les secrets qu’ils renferment ne peuvent s’effacer. La preuve est toujours là, tangible. Elle attend que l’avenir vienne la chercher.
En vertu du Federal Kidnapping Act, adopté après le meurtre du bébé de Charles Lindbergh, au bout de 24 h entre en vigueur, pour tout enfant disparu, une présomption selon laquelle il a été emmené dans un autre Etat.
(p. 100)
Qui sait comment chacun trouve sa place dans une famille ? Les rôles sont-ils assignés ou choisis ? Et au demeurant, même entre frères et sœurs – même entre jumeaux –, on ne grandit pas dans la même famille. On n’a pas le même passé.
Ce que vous voyez dans le meurtre de Jeremy par Ricky, j’en suis convaincue désormais, dépend autant de qui vous êtes et de la vie que vous avez vécue que de l’acte lui-même. Mais la narration judiciaire efface cette étape. Elle efface son origine.
Le juge Gray et les avocats doivent trouver seize personnes – douze jurés et quatre remplaçants – pour siéger dans cette affaire. Tous ces gens s’exposent à devoir prendre une décision inimaginable. Il n’existe pas d’autre situation dans laquelle nous demandions à un civil de décider de la vie ou de la mort d’un individu.
Ce qui m’a tant séduite dans le droit il y a si longtemps, c’était qu’en composant une histoire, en élaborant à partir des événements un récit structuré, il trouve un commencement, et donc une cause. Mais ce que je ne comprenais pas à l’époque, c’est que le droit ne trouve pas davantage le commencement qu’il ne trouve la vérité. Il crée une histoire. Cette histoire a un commencement. Cette histoire simplifie les choses, et cette simplification, nous l’appelons vérité. »
Le processus par lequel le jury est sélectionné – le voir-dire, dérivé du latin signifiant « dire la vérité » – est particulier dans le cas d’une affaire où la peine de mort est en jeu. Les jurés doivent être « qualifiés pour la peine de mort », c’est-à-dire qu’ils doivent déclarer qu’ils seraient capables, en théorie, de voter pour la peine de mort.
La carrière de Clive est fondée sur sa capacité à déchiffrer les individus. C’est le cas de tous les avocats d’assises. C’était vrai de mon père, et quand il a connu des revers, c’est que sa douleur et sa dépression obscurcissaient cette capacité. Et c’est encore plus vrai des avocats de la défense dans des affaires où la peine de mort est en jeu, car il leur faut voir suffisamment clair dans les visages des jurés pour sauver la vie de leur client.
Lorsque Lorilei a entendu l’histoire de Ricky de sa bouche, en prison, quelque chose dans ses mots l’a fait changer d’avis, lui a fait comprendre qu’il n’était pas seulement le monstre qui avait ôté la vie de son fils, mais un homme, et ce quelque chose l’a décidée à se battre pour lui.
Nous sommes dans un cimetière. Mais pour moi, le passé n’est pas dans la terre. Le passé est dans mon corps.