Alexandre Poussin

L’idée est simple : Trouver un chemin à l’Est de l’Himalaya et le poursuivre toujours plus à l’Ouest, jusqu’à l’hiver prochain, sans interruption, ni guide ni porteurs, sans logistique ni matériel, sans préparation ni autre argent qu’un pécule de survie. Nous n’avions pour tout bagage qu’un sac de couchage, un cahier, une flûte, un appareil photo, une paire de chaussettes et un slip de rechange. Pas de tente, pas de réchaud, de gamelle ni d’autonomie alimentaire. À la pesée : 6 kg sur le dos. 

enfiler toutes les perles du collier himalayen, ses royaumes mystérieux, ses traditions séculaires, ses massifs légendaires, ses quatorze 8 000 mythiques. 

La superstition est une thérapie contre l’angoisse.

Tu peux t’acheter une maison, tu ne peux pas t’acheter un foyer.

On met toujours ses pas dans ceux de quelqu’un.

L’Église universelle, celle que j'ai retrouvée partout autour du monde, je ne la connais que dans l'exercice de la charité, la consécration à la misère du monde, le secours apporté aux déshérités, le soin aux malades, l'égalité à cet accès quelle que soit la religion ou la couleur, l'éducation, la liberté de conscience et de pratique religieuse, et la fraternité donnée a priori. Elle n'a pas le monopole de toutes ses vertus, mais s'y consacre plus intensément et durablement qu'aucune autre institution. Sans l’Église qui tient le contient à bout de bras par son réseau d'écoles, d'hôpitaux et de développement agricole, l'Afrique serait une catastrophe humanitaire permanente.

J'ai au cours de mes voyages, éprouvé la fameuse universalité de l’Église et des dizaines de façons d'être catholique dans une même communion. Cela m'a complètement décomplexé de ce que je percevais comme un particularisme résistant. On en ressent un immense amour de l'humanité et de sa diversité, l'énergie de la vitalité et de la modernité du message évangélique."

p.325

Je suis porteur d'idées et de comportement que mon père n'a jamais eus. Il était lui-même une énigme pour le sien. J'attends avec impatience que mon fils me surprenne et me montre comment il va s'y prendre pour changer son monde. Lui et sa génération

L'amarre est récupérée, l'ombilic est coupé: notre prochain soleil se lèvera sur l'Afrique!

"Nous sommes partis comme on arrache une dent: dans la douleur et l'ébahissement que cela soit sitôt fait."

- Quelle vallée habites-tu ?
Une adorable escorte de fillettes sur le chemin de l'école nous fait renouer vac la poésie du monde, avec l'essentiel. Nous leur parlons de la mer, des marées, de la lune et de ses croissants ... En reposant sa question, l'ingénue me plonge dans Le Petit Prince, au moment de sa rencontre avec l'aviateur : "Alors toi aussi tu viens du ciel ? De quelle planète es-tu ?" J'hésite. On ne répond jamais correctement aux enfants :
- Quelle vallée habites-tu ?
Un petit nez mutin sous des yeux ronds, elle se figure que les montagnes recouvrent la terre entière ; elle n'a jamais vu l'horizon.
- Oh ! une très vieille vallée très loin d'ici ! Là où le soleil se couche dans la mer, au bout du monde. Et d'un coup la vallée s'arrête, on ne peut pas aller plus loin !
- Et comment est-elle, ta vallée ?
- Comme ici, il y a des jardins à cultiver, les peupliers sont dorés à l'automne, les fillettes vont à l'école leur cartable sur le dos, la neige tombe sur les montagnes, et les chèvres donnent de délicieux fromages ...
J'étais sûr que j'allais dire une bêtise ! Les milliers de chèvres que nous dépassons depuis cinq mois ne donnent pas un cabecou, un crottin et autres merveilles ...

Parfois un satellite vogue entre les constellations, régulier et rapide. Je pense aux membres de la mission MIR, flottant dans le grand désert sidéral, qui font le tour de la Terre en quatre-vingt-dix minutes, le temps qu'il nous faut pour abattre péniblement sept ou huit kilomètres ... Une étoile filante s'allume et s'éteint presque simultanément. Un voeu : celui d'avoir des ailes.

Les montées et les descentes sont les versants de nos journées. De notre état d'esprit aussi. La montée est conquérente, la descente est déprimente. Dans la montée, on dose, tout en muscles, en traction et en force, dans la descente on compose, on amortit les chocs, on encaisse avec les tendons. A la montée, les pieds sont libres, évitent les embûches du chemin comme s'ils avaient des yeux. Ils deviennent intelligents. L'esprit peut donc fôlatrer ailleurs. A la descente, chaque pas doit être calculé, posé, surveillé ; l'esprit est accaparé par la phobie de l'entorse ou la peur de la chute. Les descentes, plus courtes et plus rapides, nous paraissent souvent plus longues, surtout quand il faut remonter aussitôt : on a l'impression de perdre de l'altitude durement acquise .

Aux rires et aux outrances succèdent bientôt le silence et le dialogue des pupilles avec les braises. Enfin, seules les notes cristallines de nos flûtes, comme des comètes à travers la Voie lactée, filent en élevant dans leur sillage bleu les volutes envoûtantes du foyer. Allongés tous les sept sous la toile de tente, serrés comme des branches d'un même chandelier, les flammes de nos souffles se mêlent au murmure des étoiles.

Chaque pas réserve une surprise et contraint à une perpétuelle vigilance. On voudrait s'émerveiller du paysage, lever les yeux vers les pans de ciel et de neige, on est condamné à surveiller ses pieds ! On se prend à rêver parfois de s'allonger dans les scories et de se laisser porter par le glacier, jusqu'en bas, sans effort. Seul inconvénient : il faudrait cent mille ans.

Substituer l'action au doute, aller sans cesse de l'avant ! C'est bien plus trépidant dans l'incertitude. A Thame, le col est nécessairement plus connu qu'ici, nous y trouverons certainement un guide. Se fier aux réalités du terrain plutôt qu'aux fantasmes des oiseaux de mauvais augure.

La fin du jour siffle, la fin du jour bêle, et déjà l’écho cristallin renoue avec la nuit son dialogue d’étoiles
(Alexandre Poussin)

La nuit s’est allongée dans la vallée en nous embrassant de ses lèvres froides.
(Alexandre Poussin)

Allongés tous les sept sous la toile de tente, serrés comme les branches d’un même chandelier, les flammes de nos souffles se mêlent au murmure des étoiles.
(Alexandre Poussin)

C’est le propre de l’Himalaya d’offrir de si larges perspectives. On peut lire dans les horizons le passé et l’avenir : d’où l’on vient et où l’on va.
(Sylvain Tesson)

Les pins des escarpements gaffent ces brumes flottantes pour y semer leurs parfums sylvestres. Une ambiance d’estampe japonaise nimbée de beauté mystérieuse. Le soleil dans ce décor écraserait tout, dissiperait le charme humide de ces gorges profondes. Le soleil a souvent quelque chose d’idiot et d’impudique.
(Alexandre Poussin)