Alexis Arend

C’est drôle de voir à quel point certains souvenirs heureux, ou au contraire douloureux, peuvent marquer l’esprit et être encore aussi sensibles tant d’années plus tard. Je revois encore le seuil de notre porte, j’éprouve encore cette inquiétude qui, sur mon visage, remplaça tout net ma joie.

C'est drôle comme la mémoire peut, dans certaines circonstances particuliérement heureuses ou tragiques, se montrer aussi précise, aussi incroyablement acérée. Et les images qu'elle nous recrache en plein visage, aussi nettes, aussi vivaces, comme si les nombreuses années écoulées depuis lors n'en avaient en rien altéré la sagacité, ou la cruauté.
Chapitre 33

Il suffit parfois de peu de chose. Une parole, un geste, un regard, une mimique, un silence. Chacun d'eux peut faire basculer une situation, en l'envenimant ou en l'améliorant.
Chapitre 28

Au fond, peu importe le camp dans lequel tu te retrouves, du moment que tu t'y retranches, personne ne fait un pas vers l'autre.
Chapitre 26

Tu sais, l'Alabama est une contrée magnifique, et la plupart des gens qui y vivent sont de bonnes personnes, j'en suis persuadé. Elles sont juste influencées par des préjugés qui n'ont plus lieu dêtre, et qui nous divisent depuis trop longtemps. Mais cet Etat, et tous les Etats du Sud, sont salis, pourris par une poignée d'hommes au coœur empli de haine, qui agissent dans l'ombre comme des lâches, ne reculent devant rien et ont tout pouvoir parce que personne n'ose s'opposer à eux. Quelques-uns les approuvent secrètement quand la majorité, elle, se contente de se taire et de se fermer des yeux. C'est tellement plus facile!
Chapitre 24

Toby savait aimer sans arrière-pensées les gens qui peuplaient ce pays, Blancs comme Noirs, en dépit de la rancoeur et des tensions perpétuelles entre eux. Il disait que tous ensemble, nous ne formions qu'un, mais que simplement nous avions oublié qui nous étions, et aussi comment nous comprendre. Comment un garçon de qua- torze ans à peine pouvait-il raisonner de la sorte ? D'où lui venait tant de sagesse ? C'est là une chose que, cinquante ans plus tard, je ne sais toujours pas m'expliquer. J'admirais ce regard si pur qu'il portait sur tout ce qu'il l'entourait et, dans le même temps, je raillais ce que je prenais alors que la profonde naïveté. Ce n'en était pas. C'était de la clairvoyance, c'était appréhender les choses bien au-delà de leurs apparences.
Chapitre 19

[...] les livres te font souvent voir les choses différemment [...].

[...] quand je me plonge dans un roman, c'est un autre monde qui s'ouvre devant moi, je suis ailleurs, je vis d'autres vies, je découvre d'autres endroits, je rencontre d'autres personnes. Je les côtoie dans ma tête, guidé par tous ces mots et toutes ces phrases qui s'alignent et me racontent quelque chose. Je ne suis plus coincé à Chestwood, en Alabama. Je ne suis plus pauvre, je ne suis même plus un homme de couleur. Je suis mille personnes à la fois. Et tout ça grâce à ces simples pages. C'est magique [...].

Ils demeurèrent ainsi un long moment sans parler, mais dans ce silence au parfum d'éternité voyagèrent mille mots.

Eux aussi souffrent terriblement, c'est juste que tu ne le remarques pas, tu as les yeux si pleins de larmes.

Elle avait raison, tu sais : ne pas être oublié, continuer à vivre dans le coeur de ceux qu'on aime, c'est tout ce qui compte. Parce que de cette façon, je ne vous quitterai plus jamais, ce sera comme si j'étais éternel, je serais devenu une part immortelle de chacun de vous.

Vous ne devriez pas vous asseoir sur un trône immense, un peu comme celui de Game of Thrones, tout en haut d'un palais effrayant ?

Le temps est décidément un allié bien fourbe, et un piètre compagnon de route sur le long chemin de la vie.

Pour Josh et moi, c'était notre existence toute entière que l'on avait ensevelie, qui s'en était allée, emportée dans cette fichue tombe, ce minuscule rectangle de terre noire où notre père connaîtrait peu à peu l'oublie.

D'aucuns diront que les bribes du passé que nous renvoie notre mémoire se voient toujours embellies. Mais je sais que si je m'en souviens aussi clairement, c'est sans doute parce que je devais connaître le bonheur pour la dernière fois avant bien longtemps.

On s'imagine toujours qu'on a le temps mais, au final, c'est bien le temps qui nous a.

Ce que je peux surtout te dire, moi, c'est que cette putain de taule, c'est carrément une succursale de Benetton. J'ai une saloperie de Peau-Rouge échappé d'une réserve pour me surveiller, un nègre qui adore venir m'asticoter au lieu d'aller ramasser son coton, et maintenant un bouffeur de raviolis vapeur sorti de sa blanchisserie, qui vient m'apporter ses bouquins minables...

On ne peut vraiment juger un homme que le jour de sa mort, et à l'instant précis de sa mort, quant tout ce qu'il aura eu à accomplir sur cette terre, en bien ou en mal, aura enfin été accompli par lui.

L’antique pendule d’avant-guerre, reléguée au fond de l’établissement, égrenait les heures avec une régularité sourde, qui prêtait à la somnolence.

Pour s’amuser, comme vous dites, y a pas trente-six solutions. Faut surtout aimer marcher, crapahuter dans les hauteurs… Rien n’vous interdit non plus d’aller taquiner la truite, si ça vous dit. Y a une rivière pas loin de là qui en regorge, à peut-être un demi-kilomètre d’ici, même pas, en allant vers l’est. Et si vous préférez vous tremper les pieds et vous la couler douce, y a un plan d’eau assez sympa pour ça, calme et plutôt vaste. Un beau lac avec vue sur les montagnes tout autour. C’est un coin splendide, je vous le promets. Par contre, pour s’y baigner, même en plein mois de juillet, faut être sacrément courageux, parce que je peux vous garantir que l’eau y est bougrement froide, ça oui ! Vous risquez de drôlement vous geler les miches !...