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Citations de Anaïs Jeanneret (76)


Comme les pochettes-surprises de mon enfance, le portable se révélait une source inépuisable d’espoirs aboutissant à une succession de déceptions.
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Au-delà du défoulement, la haine est devenue un moyen d'expression comme un autre. Elle semble sans limites, banalisée, décomplexée, auto-justifiée et nourrie par le conspirationnisme et la misère humaine. p. 137-138
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Il ne veut pas écouter Emma. Il veut la quitter à l’instant, sans entendre une parole de plus. Il veut seulement garder cette douce sensation d’une plongée dans le passé qui ne mène nulle part, mais qui ravive la mémoire et fait se sentir plus vivant. Il veut préserver ce qui peut l’être encore. Bien sûr, il sait ce qu’elle va dire. Il l’a su à la seconde où il est entré dans le restaurant et l’a aperçue. C’est absurde, mais il éprouve de la culpabilité. Il a attendu Emma si longtemps qu’il a l’impression de la trahir. Aimer comme il l’a aimée donne des responsabilités. D’ailleurs, lui aussi a œuvré pour leur échec, puisqu’à l’époque lointaine de leur jeunesse, il n’avait pas su la retenir. Il n’avait pas su lui faire sentir l’évidence impérieuse de leur passion, le bonheur qui s’offrait à eux. Pourtant, il ne peut plus rien. Il envisage de se jeter sur elle, de l’embrasser à pleine bouche, juste pour la faire taire. Mais il ne peut pas empêcher le flux de mots. Elle s’élance. Et c’est comme un bras menaçant qui s’abat sur lui :
- Je t’ai aimé. Je ne suis pas sûre de te l’avoir assez dit. On est tellement inconsistant à vingt ans. Si tu savais comme j’ai regretté. J’ai souvent pensé partir à ta recherche, en espérant que tu pourrais me pardonner. Mais la vie a passé…
Que peut-il dire ? Il se sent mortifié. Il devrait la prendre dans ses bras et l’enlacer comme autrefois. Si seulement elle lui avait parlé quelques jours plus tôt. Hier même. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il est trop tard. Il lui caresse la joue comme on le fait avec un enfant. Elle s’avance vers lui. Il la serre un instant, puis s’écarte. Ce qui occupe alors son esprit, c’est un regard vert comme le jade, un regard furieux et impérial. C’est une constellation de tâches de rousseur. C’est une rage face à l’injustice et à la cruauté du monde qui le remplit d’impatience et de curiosité. C’est cette beauté rousse qui a déboulé dans sa vie il y a à peine quelques heures, accompagnée d’une fillette perdue et tremblante. C’est l’image qui s’impose violemment à lui.
Celle d’une autre femme.
Il est presque minuit. Ce soir, il s’est produit une chose incroyable : il a cessé d’aimer Emma.
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J'ai su que ce sourire hanterai mes nuits.J'aurai voulu qu'il illumine mes jours.
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Lorsqu'elle évoque son mari mort depuis de longues années, plutôt que de parler de la douleur de l'absence, elle raconte les mille choses qu'elle aimait chez lui.
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A vingt ans, tout semble à portée de main. On n'a qu'à tendre le bras, qu'à désirer vraiment les choses pour qu'elles s'offrent à nous. Ensuite, bien sûr, c'est un peu plus compliqué. D'espoir infini en désespoir fini, il n'y a finalement presque rien. Quelques chagrins, quelques déceptions, rien d'insurmontable en soi. On s'habitue. On est toujours sur ses deux jambes. Les amis fidèles deviennent le miroir de notre désenchantement, et on fait semblant de ne pas remarquer le renoncement qui éteint les regards et scelle les lèvres.
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Finalement dans une vie, il n'y a que quelques rencontres marquantes. Nous ne sommes que deux ou trois moments. Notre existence se résume à ça. Le reste part en fumée.
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Elle avait soixante-dix ans et l'air de sortir d'une soirée déguisée. Ses cheveux avaient été aspirés vers le haut dans un mouvement professionnel. Mais il ne faisait aucun doute qu'elle s'était maquillée toute seule. Son fond de teint trop foncé s'arrêtait au milieu de son front et de son menton, et deux pastilles rouges ciblaient ses joues. Ses lobes d'oreilles pendaient sous le poids de lourdes boucles. Elle ressemblait à un vieil Indien avec ses peintures de guerre qui aurait enfilé un tailleur de tweed rose.
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Les choses se sont arrangées vers treize ans, quand les filles ont commencé à s’intéresser aux garçons. Ça tombait bien. Il était en pleine période romantique. Il lisait Belle du Seigneur, Tendre est la nuit, Le soleil se lève aussi, tout Zweig. Dans ces romans, il avait l’impression de retrouver toujours la même femme, digne, fragile, inaccessible et perdue. Cette amoureuse aux entêtements de papillon a fini par devenir sa créature. L’envie d’écrire est venue avec son désir de l’anime
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Comme toutes les filles perdues, elle voulait exister et que le monde entier le sache, elle voulait éclabousser l’humanité de sa fierté.
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Tous les hommes n’avaient pas envie d’avoir une histoire avec elle. Certains étaient fidèles, d’autres n’étaient pas attirés par les jeunes filles, mais il y avait toujours, à un moment donné, un air de prédateur qui passait sur leur visage. Jeunes ou vieux, cyniques ou amoureux, conquérants ou timides, tous la désiraient au moins un instant. C’était l’ordre naturel des choses.
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Celui qui naît bienheureux, qui connaît des orgasmes desquels naîtront de beaux enfants, celui-là n’est rien d’autre qu’un animal chanceux. Le bonheur qui vous tombe dessus comme une bassine d’eau tiède n’est pas le bonheur.
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Il adorait jouer avec le rythme des phrases, se laisser porter par la musique des mots et, surtout, disparaître derrière ses personnages. Là était sa drogue favorite : s’oublier, devenir quelqu’un d’autre, n’importe qui d’autre que lui. Il était cette femme abîmée par l’existence. Il était un vieux cheval qui ne servait plus à rien et attendait paisiblement la mort. Il était un enfant. Il était le vent. Autant de façons d’explorer les recoins les plus obscurs de l’âme, de se glisser dans les plus minces anfractuosités du mystère humain. Tout devenait alors possible.
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J’ai découvert combien j’aimais le silence, prendre le temps d’admirer un ciel d’orage sur un champ de blé qui ondule dans la brise, ou le tableau moderne que forment les juxtapositions de néons publicitaires illuminant la nuit des grandes villes. Je pourrais, comme tant de femmes seules, m’inscrire à un atelier de sculptures, aux Arts-Déco, me mettre au golf ou prétendre me lancer dans l’écriture d’un roman. Je pourrais chercher à remplir mon emploi du temps. Occuper chaque heure du jour. Paraître débordée. Mais je préfère rêver. Je ne redoute pas l’ennui. Il y a longtemps, j’avais voulu avoir un destin. À présent, je me laisse porter au gré du vent, légère est libre. À présent, je veux me perdre et découvrir des horizons incertains. Je veux de nouveau rivages. Je veux tanguer jusqu’au vertige. Je veux retrouver la mémoire. Je veux me souvenir de tout et profiter de chaque seconde.
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Prise entre les Gilets jaunes et les CRS qui s'affrontent chaque samedi depuis des semaines, elle voit ceux qui avancent, ceux qui reculent. Dans chaque camp, la tension est d'une même intensité, l'épuisement marque les visages d'une même violence. C'est comme une vague de napalm, personne n'y échappe. Pas même elle. Sa fatigue se nourrit d'autres défaites. Qu'importe. Dans cet entremêlement de tragédies individuelles, tous partagent le désarroi et la rage. Soudain, il y a une bousculade, un corps percute le sien, on la pousse, on l'entraîne en sens inverse. C'est alors qu'elle est prise de nausées. Alors que sa propre lassitude lui coupe les jambes.
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Elle doit descendre dans l'arène et affronter la bête, livrer sa version des faits et parler de cette société moderne qui persiste à confondre les femmes avec les hommes qui les entourent, sans considérer leur propre existence.
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Louise Voileret, l'écrivain des beaux quartiers a toujours su merveilleusement bien s'entourer, Dès le lycée, elle a noué des liens avec Pierre Bergot, aujourd'hui nouveau propriétaire de Pressinvest. Étudiante à la Sorbonne, elle fait tout naturellement un stage d'été au Figaro, bon sang ne saurait mentir. Le service littéraire accueille la jeune stagiaire quand d'autres passent leur été à travailler dans un fast-food, On ne s’étonnera donc pas de voir son premier roman publié deux ans plus tard. Puis elle épouse Philippe Dumont, bomme politique réputé pour son puissant réseau. N'en jetez plus! Pourtant, il lui en faut davantage. Pressinvest est à vendre. L'opportunité est trop belle. Elle fait le lien entre M. Bergot et son mari. Ce dernier ouvre les bonnes portes, ignorant le conflit d'intérêts. De son bureau de Bercy, rien n’est plus simple, L'homme d'affaires saura remercier Mme Voileret le moment venu, elle peut attendre sereinement le renvoi d'ascenseur. p. 60
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Elle était tombée amoureuse de cet homme capable du grand écart, à la fois aventurier et étudiant acharné. Elle y avait vu le signe d’une personnalité complexe, et leurs premières années avaient été solaires et imprévisibles. La liberté de Philippe, ses emportements, ses idées inclassables dénotaient parmi les jeunes énarques. Mais il était rentré peu à peu dans le moule, et son ambition l’avait éloigné de ses idéaux. Au fil du temps, sa curiosité et son altruisme avaient été remplacés par un intérêt exclusif pour les agitations du microcosme politique. De son côté, Louise avait continué à écrire, à s’occuper de Léo, à être heureuse. Sans doute heureuse. Car l’insatisfaction s’était instillée dans ce bonheur tranquille, rongeant doucement ses certitudes. Lorsque le constat d’échec l’avait rattrapée, elle s’était figée dans une panique silencieuse.
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La déflagration s’est produite hier matin avec cette lettre arrivée par la poste à l’adresse de M. Dumont. Louise aurait pu ne pas y prêter attention. Mais après le départ de Philippe, elle était tombée sur l’enveloppe expédiée de Trinité-et-Tobago, décachetée et oubliée sur le lavabo de la salle de bains. Elle n’avait pas résisté et avait regardé. Elle l’avait fait presque sans y penser, avec cependant la sensation diffuse d’ouvrir une boîte de Pandore. À l’intérieur, elle était tombée sur un relevé bancaire mentionnant un virement de trois cent mille dollars versés sur le compte de M. Philou. Brutalement, ce nom enfoui dans les limbes de sa mémoire avait resurgi d’un passé lointain. Il l’avait frappée comme un coup de massue. Elle en avait eu les jambes coupées et avait dû s’asseoir sur le rebord de la baignoire. Au début de leur histoire, ils s’amusaient à s’appeler ainsi. Phi pour Philippe, Lou pour Louise. À eux deux, ils étaient les Philou. À cet instant, ce jeu entre amoureux se révélait d’une ironie glaçante. Louise avait eu l’impression que son sang ne remontait plus jusqu’au cœur. Incapable de travailler ni de penser à autre chose, elle était allée dans le bureau de son mari. Elle avait fouillé partout à la recherche d’autres documents compromettants. Elle n’avait rien trouvé. Mais dans sa nervosité, elle avait fait tomber des dossiers empilés sur la table. Les feuilles s’étaient éparpillées au sol parmi lesquelles étaient cachées les photos de Mathilde. Sur la plus vulgaire, l’assistante avait écrit au feutre : « Bon anniversaire, mon chéri. »
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– J’ai beaucoup aimé le dernier, tu sais. Vraiment. Et je ne désespère pas d’arriver un jour à te débaucher. Je suis certain que tu pourrais faire un excellent livre sur le monde politique.
Toute la saveur de la phrase tient dans ce vraiment. C’est une flatterie de camelot. La confirmation du mensonge possible sinon certain. Ce vraiment est un affront dont l’éditeur n’est pas conscient mais qui allume dans le regard de Louise une rage froide.
– Encore faudrait-il que je m’y intéresse, ce qui est loin d’être le cas, répond-elle avec un ton plus sec qu’elle n’aurait souhaité.
– Tu l’écrirais sous une forme romanesque bien sûr, tu ferais ça merveilleusement bien. Il s’agit juste de le situer dans un univers qui n’a aucun secret pour toi. Je te garantis un best-seller.
– Un best-seller ! Tu me tentes.
– Tu en es où ? Trente mille exemplaires ? Là, tu franchirais les cent mille.
Louise voudrait qu’il se taise. Être ailleurs. S’il savait à quel point elle souhaite se tenir à distance de ce pouvoir politique qui aspire ses serviteurs avec la force d’un trou noir. Ça fait des mois que Stéphane Thinet la poursuit avec cette idée. Depuis que Philippe a été nommé à Bercy en fait. Avant, il la saluait à peine.
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