Mon destin restait lié au clan. Les parents, les sœurs, il aurait été facile d’aimer leur chaleur, leur solidarité, leurs embrassades, leurs débordements, leurs angoisses, cette façon pittoresque d’être dans une tragédie permanente si seulement j’avais été spectateur du film de leur vie.
Cette smala encombrante l’exaspérait, mais il savait n’être rien sans elle. Ils formaient un tout, pour le meilleur et pour le pire, selon la formule. Au moindre coup dur, pas un ne manquait à l’appel. C’était réconfortant. Et suffocant.
Les deux amies étaient différentes. Mais chacune devenait le miroir de l’autre parce qu’elles avaient partagé les mêmes gloires, et parce qu’elles entraient d’un même pas dans cette zone floue où leur pouvoir doucement s’éteignait.
Dans ce monde rêvé, les héroïnes égarées dans leurs existences ignoraient les ravages qu’elles faisaient dans le cœur des hommes. Elles passaient, insaisissables et bouleversées. Irrésistibles.
J’avais vingt-deux ans. Je découvrais la Provence. Je découvrais les cigales chantant avec une telle obstination qu’on en oubliait leur présence. Je découvrais la douceur de l’ombre quand la chaleur de midi écrasait tout. Je découvrais le parfum enveloppant des cyprès, et celui, sucré et entêtant, des lavandes.