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Citations de Anaïs Jeanneret (76)


– Vous devez avoir des tas de choses à vous raconter, lance Nathalie dans un éclat de rire aussi absurde que ses propos.
Louise n’a rien à dire à cet homme. En regardant son amie s’éloigner vers d’autres invités, elle peine à se souvenir de la jeune femme qu’elle a connue quinze ans plus tôt. Elle était follement amoureuse d’un artiste peintre et ses rires étaient alors de vrais rires, jusqu’au jour où elle avait annoncé son mariage avec un banquier. Personne n’avait compris. Ou plutôt, tout le monde avait compris.
– Chère madame, votre mari a été parfait la semaine dernière dans cette émission politique. Il a mouché les journalistes avec brio. Vous pouvez être fière de lui !
Louise revoit la tête de Philippe la veille, son visage déformé par la stupeur, mâchoire ouverte et regard de lapin pris dans les phares d’une voiture, puis par la haine. Elle l’entend encore lui jeter à la figure: « Qui es-tu pour me faire la morale, pauvre cruche ! Barre-toi si cette vie te dégoûte, si je ne suis pas à la hauteur de ton éthique, de ta morale à deux balles. On rêve ! »
– Vous regardez beaucoup la télévision, Jean-Jacques ?
Ou s’appelle-t-il Jean-Pierre ? Elle est prise d’un doute. Mais à la persistance de son air satisfait, elle suppose ne s’être pas trompée.
– Rarement. À part les émissions culturelles et les débats politiques, bien sûr.
– Bien sûr !
Elle s’étonne toujours de voir ces hommes en costume agrafé d’une barrette rouge censée faire toute la différence répondre sérieusement à d’aussi stupides questions. La réponse ne la déçoit pas. À cet instant, Paul Perrier et sa jeune épouse, Mathilde, font leur apparition dans le salon. Jean-Jacques continue ses bavardages sans remarquer que Louise ne l’écoute plus.
– Votre mari a raison de vouloir créer des lois pour encadrer Internet. On ne peut pas laisser un tel espace sans réglementation. Il faut structurer et moraliser ce circuit mondialisé.
– Structurer et moraliser…
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INCIPIT
Elle sort de l’immeuble sans remarquer la pluie de janvier qui précipite le crépuscule. Dehors, il n’y a pas une âme. La ville semble désertée. Sur l’asphalte mouillé, ses semelles émettent un bruit de succion qui résonne désagréablement dans le silence. Absorbée par l’implosion de son existence, l’étrangeté de cet après-midi ne lui apparaît pas. Dans sa fuite, elle remonte la rue de Varenne vers les Invalides. Un ronflement de moteur se rapproche, puis s’éloigne. À peine a-t-elle eu le temps d’apercevoir entre les façades d’immeubles en vis-à-vis la voiture de police passant en trombe sur le boulevard. Elle tourne sur la droite, longe le square d’Ajaccio et commence à percevoir la rumeur. En débouchant sur l’esplanade des Invalides, elle tombe sur un mur de cars de CRS qui bloque le quartier. Elle le dépasse. De l’autre côté, vers la rue Fabert, elle devine la foule malgré la fumée par-dessus laquelle volent quelques projectiles. Elle s’approche encore. Elle ne pense plus. Elle n’a plus d’identité. Elle veut juste se fondre dans la mêlée humaine. Un groupe de femmes quitte le cortège et passe devant elle sans croiser son regard. Quelque part, des cris recouvrent les revendications, aussitôt suivis d’affrontements. Des détonations explosent, puis les manifestants se dispersent pour échapper aux gaz lacrymogènes. Ça ne l’arrête pas. Sans réfléchir, sans le vouloir, elle avance. En première ligne, des jeunes cagoulés vêtus de noir courent tête baissée sur les forces de l’ordre. Quelqu’un lui dit de ne pas rester là. Ses yeux brûlent. Elle suffoque. Elle ne bouge pas. À travers ses larmes, elle voit les poings tendus, les banderoles, la confusion. Elle voit des hommes dont elle ne saisit pas s’ils sont policiers ou frondeurs. Prise entre les Gilets jaunes et les CRS qui s’affrontent chaque samedi depuis des semaines, elle voit ceux qui avancent, ceux qui reculent. Dans chaque camp, la tension est d’une même intensité, l’épuisement marque les visages d’une même violence. C’est comme une vague de napalm, personne n’y échappe. Pas même elle. Sa fatigue se nourrit d’autres défaites. Qu’importe. Dans cet entremêlement de tragédies individuelles, tous partagent le désarroi et la rage. Soudain, il y a une bousculade, un corps percute le sien, on la pousse, on l’entraîne en sens inverse. C’est alors qu’elle est prise de nausées. Alors que sa propre lassitude lui coupe les jambes.

Elle roule maintenant dans les rues illuminées. Les décorations rappellent les fêtes de fin d’année à peine terminées. Plus rien n’évoque les troubles de la journée. Elle traverse le pont Royal, s’engage dans la rue de Rivoli. Elle ne s’est jamais lassée de la beauté de Paris. Ce soir pourtant, rien n’est plus pareil. Un gouffre vient de s’ouvrir devant elle.
Place de la Concorde, elle manque faire demi-tour. Mais elle n’a nulle part où aller.
Elle s’observe dans le miroir de l’ascenseur. Avant de venir, elle a pris un bain, enfilé une robe, remis de l’ordre dans ses cheveux, s’est maquillée, puis elle est partie, soulagée de n’avoir pas croisé son mari. Elle espère faire illusion malgré ses traits tirés et ses yeux encore irrités par les gaz. Au fond, elle sait que personne n’y prêtera attention. C’est l’avantage de la cinquantaine. Mais le réflexe de respectabilité demeure. Ne jamais laisser paraître les failles.
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Pour autant, personne n'aurait eu l'idée de dévoiler au monde entier les détails de sa vie privée, les photos de sa progéniture en couches-culottes, personne n'aurait songé à valider son existence en exhibant sa dernière conquête ou sa bague de fiançailles On avait encore de la décence.
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En m'enfonçant dans l'obscurité du hall, l'odeur de l'homme me revint comme un appel, délicieuse, envoûtante. Je désirai cet inconnu, encore.
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Jules devine que son amitié avec Lou comporte des zones d'ombre et de fuite. Elle écrit des romans, entoure sa vie de mystère, accumule les aventures. Derrière l'apparence, pourtant, il y a cette absence dans laquelle peu à peu elle s'enfonce. A force d'observer Lou, Jules est pris dans un jeu de miroirs où il se trouve confronté à lui-même. Deux être peuvent-ils se connaître intimement, pour finalement se manquer et se perdre? Et manquer l'autre, n'est-ce pas risquer de passer à coté de soi- même?
Dans un style concis, tout en nuances, en pudeur et en lucidité amère, Anaïs Jeanneret décrit la peur de s'engager, cette forme de désenchantement si contemporaine, qui incite les personnages à rester spectateurs de leur propre vie.
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Ce qui fait de Venise un lieu unique, magique, c'est cette obstination folle d'hommes qui ont décidé de construire des palais et des églises sur la mer. C'est leur désir, leur volonté défiant toute raison d'ériger des cathédrales en équilibre sur des pieux plantés dans la vase.
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Pour autant,l'amour c'est autre chose qu'une entente de surface.
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Je n’ai jamais eu besoin d’aller m’allonger sur un divan pour reconnaître les séquelles de mon enfance solitaire. Si j’ai réussi à grandir à peu près droit et à tenir la douleur respect, c’est en me rappelant de ne rien attendre de personne. J’ai appris à tourner la douleur en dynamique. J’ai appris à transformer le manque en liberté. Je me suis construite ainsi. En déséquilibre. Mais forte.
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Le chagrin s’apprivoise. J’ai appris cela il y a bien longtemps. D’abord il submerge tout, on se noie, c’est une mer salée, doucereuse, si lourde, inerte en surface, laborieuse juste en dessous, une mer qui vous retourne en tout sens, qui vous aspire sans cesse, toujours plus profondément. Si loin de la vie. On découvre une autre dimension où chaque matin est un siècle, chaque nuit un gouffre. On croit qu’on n’y survivra pas tant le vertige est vaste..Il faut attendre, laisser passer la vague. Ne pas penser. Juste respirer encore, souffle après souffle. Tenir minute après minute. Et puis un jour le chagrin se transforme. On s’en aperçoit par hasard, au détour d’un sourire échangé à la terrasse d’un café…
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L'institutrice a accueilli les enfants en se présentant : "Je m'appelle madame Jinkerson, mais Madame suffit, mon nom est un peu compliqué. Je suis heureuse de passer cette année avec vous car le CP est une classe très intéressante. C'est là que vous allez apprendre à lire et à écrire." Trois élèves ont dit qu'ils savaient déjà. Ça n'a pas eu l'air de l'impressionner.
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Outre qu'il avait eu le coeur brisé, Manuel s'était senti humilié. Se voir rejeté pour ses origines sociales l'avait profondément blessé. Il en avait voulu à Emma. Il s'en était voulu. Il en avait alors voulu à la terre entière.
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Au fil du temps, la colère prend l'apparence du détachement, de l'indifférence. La nausée restera. Mais qui s'en rendra compte? On se retire du monde avec l'espoir d'éloigner les fantômes. Alors on s'égare, on ne sait plus qui on est. Et on devient soi-même un fantôme. On avance à tâtons. C'est à peine si on se souvient d'avant.
Tout est devenu moche. Et on n'y peut rien.
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A tout prendre, il vaut mieux considérer avec tendresse la vie qu'on a eue plutôt que de renier ses souvenirs, non?"
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Des peuples meurent de faim. Des bombes tombent sur des villages innocents. Des mafias kidnappent des gamines qu’elles mettent sur les trottoirs et torturent à loisir pour s’assurer de leur obéissance. Chaque jour, des gens perdent tout. Et nous autres, nous nous laissons distraire par la vie, par d’insignifiantes satisfactions.
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Se défendre contre l’ennemi, c’est dans ses gènes.
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Beur, c’est une identité. On appartient à une communauté. Il y a une solidarité. Lui, gamin, se faisait traiter d’espingouin, de bolcho, de coco ou de sale juif, c’était selon. Souvent, c’était tout à la fois.
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On veut se défaire du passé, gagner du temps, se projeter dans l’avenir à la vitesse de la lumière. On veut exister. Pas en devenant célèbre en participant à un jeu télévisé. Non. Vivre pleinement, rêver en grand, construire quelque chose qui restera et ne jamais perdre ce projet de vue.
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Il faut s’amuser tant qu’on peut. Et même après la jeunesse. Surtout après, d’ailleurs. Dieu sait de quoi demain sera fait.
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Quand elles en auront cinquante, leurs bonshommes en auront quatre-vingts. Même ménopausées et flétries, elles resteront pour eux des gamines.
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Il faut donc se méfier des clichés. Les Italiennes ne ressemblent donc pas toutes à Monica Bellucci, et les vieux maris n’ont pas toujours bon goût.
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