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Citations de Ananda Devi (314)


Lorsqu'elle sort, la maison a déjà un air de vétusté et d'abandon. Elle sait déjà qu'elle n'y reviendra pas.
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Les failles, les failles, toujours présentes, toujours frémissantes, toujours fulminantes, vos pieds dessus dansent une danse de mort, car ne l'oubliez pas, ne l'oubliez pas, nous sommes nés du volcan. Et si votre vie si brève vous conduit vers la mort, le volcan, lui, n'est qu'endormi.
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C'est l'endroit qui nous a faits ainsi, ou le contraire ?
Je ne réponds pas. Dans ma tête, je lui fais une promesse : Ève, je te sortirais de tes décombres.
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Comme quoi, oui, la colossale entreprise de vivre, pour une écrivaine, c'est de mourir
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La seule façon de connaître l'envol : le pas hors.
Marcher sur un tapis d'air, la complicité du vent dans les oreilles et le soleil rameur traversant le très bleu du ciel. Le cri qui filtre entre les lèvres n'est pas un cri de peur mais de vie.
Le pas hors, qui décide, l'espace apprivoisé.
Juste le temps de saisir la brièveté de l'éternité.
Le pas hors : de tout, de tous, de soi.
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Je suis dans un lieu gris. Ou plutôt brun jaunâtre, qui mérite bien son nom : Troumaron. Troumaron, c'est une sorte d'entonnoir ; le dernier goulet où viennent se déverser les eaux usées de tout un pays. Ici, on recase, les réfugiés des cyclones, ceux qui n'ont pas trouvé à se loger après une tempête tropicale et qui, deux, ou cinq ou dix ou vingt ans après, ont toujours les orteils à l'eau et les yeux pâles de pluie.
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Elle ne peut plus se leurrer en se disant que son métier n'affecte qu'elle, elle seule. Elle commence à apprendre le sens de la responsabilité. Mais pas seulement. Car ce n'est pas la charge que représente Chinti qui la fait se tordre la nuit comme si elle avait avalé de l'acide. C'est - admettons-le - l'amour qui naît en Veena comme tout ce qui naît en Veena : dans la violence et la douleur.
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Même les dictateurs n'ont pas cette impunité morale, car leurs sujets se soumettent par peur. Aux hommes de dieu, on se soumet par choix, avec la confiance hébétée des imbéciles, avec l'absence de libre-arbitre d'esclaves consentants. Shivnath sait qu'il peut faire ce qu'il veut sans craindre la révolte.
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Shivnath sait qu’il doit avancer masqué. L’époque est moins tolérante que jadis. Avant, une fillette de prostituée de dix ans sous la protection d’un swami, cela n’aurait pas fait scandale. Maintenant, c’est différent. Il doit évaluer la crédulité des croyants et se tenir au courant des informations qu’ils reçoivent sur leurs téléphones depuis les quatre coins du monde. Il suffirait qu’une foutue féministe ait vent de lui pour que les médias se précipitent. Il le sait, chacun est désormais soumis au jugement international, qui n’a rien à voir avec le jugement de son peuple, qui se fout royalement des enfants des prostituées. Le politiquement correct règne, et il faut montrer du respect aux femmes, aux enfants, aux pauvres, aux intouchables etc. Même un Premier ministre doit faire semblant de se plier au jugement international, pense Shivnath, mais en réalité il continue de faire ce qu’il veut. Tant que tout cela reste entre nous, pas de problème. On peut violer les femmes et massacrer les musulmans à condition de ne pas se faire prendre. Ces foutus médias nous exposent sans cesse au regard des Occidentaux, qui, du moins en apparence, disent respecter les femmes et s’opposer à toute forme d’injustice sociale !
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Les êtres comme Shivnath sont des œufs qui ne se révèlent pourris que lorsqu’on en brise la coquille. À l’extérieur, ils semblent sains. Ils ont la couleur sablée, noisette ou très blanche des beaux œufs de poule, parfois tachetés par quelque pigmentation fortuite. Mais si on brise l’œuf parfait d’un seul petit choc sur le côté, voilà que l’odeur d’acide sulfurique s’élève et une bave verdâtre s’écoule. L’œuf impeccable se révèle pourri, il empuantit l’air, tout est contaminé.
Voilà ce que sont les hommes qui se disent saints : des œufs pourris mais exquisément blancs, d’une pureté qui ne fait que cacher la corruption intérieure ; sainteté à l’odeur d’égout. La supercherie est merveilleuse. Shivnath baigne dans l’adulation de ses ouailles, même si sa main levée en bénédiction est prompte à gifler le corps accroupi devant lui, et personne ne pourra rien lui dire parce qu’ils sont tous aveugles. Il peut prêcher la bonne parole et instiller son venin de haine et de culpabilité et de honte pour apprendre aux hommes à obéir, obéir encore aux préceptes et aux règles, craindre les châtiments et se croire choisis, seule chance de paradis, et obéir, obéir encore, seul espoir pour réchapper au massacre, obéir comme unique mode de vie, comme unique recours. La connaissance vient des livres sacrés et de rien d’autre, dit-il, et seuls les hommes saints savent les lire et les interpréter. Assurer leur subjection : plaisir du sacerdoce.
Même les dictateurs n’ont pas cette impunité morale, car leurs sujets se soumettent par peur. Aux hommes de dieu, on se soumet par choix, avec la confiance hébétée des imbéciles, avec l’absence de libre-arbitre d’esclaves consentants. Shivnath sait qu’il peut faire ce qu’il veut sans craindre la révolte.
Son éducation, pourtant, a été bonne. Ses parents étaient des gens vertueux, mais fourvoyés. Ils avaient exactement les mêmes convictions que ses fidèles. C’est-à-dire que naître dans la caste des Brahmanes leur offrait une belle destinée, les rendait supérieurs aux autres castes, les plaçait d’emblée à un rang privilégié d’où aucun acte répréhensible, aucune déficience physique ou mentale, ne pourrait les faire dégringoler. Pour eux, seule la naissance était source de mérite.
Ils ne savaient pas que Shivnath avait parfaitement compris les avantages de ce métier, et qu’il avait vu ce que son père ne voyait pas : l’étendue du pouvoir qui lui était offert. Mieux que quiconque, il a su percer le cœur des hommes, leurs attentes et leurs limites.
Il a réussi au-delà de ses espérances. Le temple modeste hérité de son père a grandi avec lui. Les foules s’y sont pressées. Elles ont répondu à l’appel de Kali, l’appel aux armes, pour une Inde vengeresse. C’est un juste retour des choses après des siècles d’invasion, clament-ils. Depuis quelques années le parti au pouvoir les encourage. Du coup, Shivnath est devenu l’homme le plus important et le plus influent de la ville. Il a été libéré de toute contrainte.
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C’était toujours la même musique discordante. Notre musique à toutes, la musique des déshérités disent certains, sauf que c’est faux, nous ne sommes pas déshéritées, nous n’avons jamais rien possédé. Nous sommes nées nues et moins que nues, déguisées et déformées par notre peau et nos organes, emprisonnées dans un sexe que nous n’avons pas choisi, et ce pays, ô dieux, ce pays, il n’est là que pour nous assassiner avec ses règles obscènes dont ne peuvent s’échapper que les riches et les bien-nés, il condamne l’immense majorité de cette immense multitude à se démerder comme elle peut, et il pousse la couche finale, la plus basse, celle qui n’a aucun pouvoir, à disparaître dans les interstices, dans les fentes, dans les trous d’égout pour embrasser son destin : la chute éternelle. Intouchable, transsexuelle, lépreuse, mère célibataire, enfant difforme, la lie est infinie et l’on trouve toujours plus bas que soi.
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Notre monde tourne autour de l'invisible. Au cœur de tout, il y a un vide: l'énigme qui est notre origine et notre fin. Celle que nous cherchons à tout prix à percer sans comprendre que c'est impossible.
Mais vivre en faisant face à ce vide nous est aussi impossible. Il nous faut alors tenter de le remplir d'êtres invisibles, forgés de toutes pièces par notre imagination, dieux, saints, anges, démons, sorcières ou esprits, bref toute une ménagerie qui peuple notre tête et nous promet autre chose que la mort tandis que notre corps, lui, est occupé à mourir. C'est bien cela qui nous pousse à nous traîner dans la poussière, à nous flageller, à faire dix génuflexions ou a marcher sur des braises pour prouver notre sincérité et notre pureté d'âme. Tout cela pour que nous ne puissions comprendre que tout est de notre propre fait, vivre comme mourir, aimer comme haïr, donner la vie comme la prendre - ta main qui tient le couteau n'a jamais été aussi libre, comprends-le bien, ô guerriers qui prétends obéir aux dieux!
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Laisser entrer le jour, la brise, la pluie, le soleil, les douces folies. Mais nos folies ne sont jamais douces. Elles ne peuvent être que meurtrières.
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Nous, les hijras, nous savons ce que dissimulent les apparences les plus disgracieuses, les ossatures massives héritées de notre héritage masculin. C'est à la douceur de nos regards que nous nous reconnaissons. A nos histoires de vie. La tragédie de nos existences, nous la chantons et la dansons, nous l'exprimons de nos mains, de nos pieds, de nos yeux. C'est cela que les gens aiment voir ; ils sentent couler ce sang invisible tandis que nous faisons semblant de rire.
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Survivre ne vous donne guère le temps de vous préoccuper d'amour. Survivre est un combat où toutes les présences sont ennemies. L'amitié, l'affection, l'amour, tout cela vous rend poreuse, fragile. Alors, vous fermez la porte, vous la verrouillez, vous la cadenassez. Et cette enfant de votre chair, vous la gardez à distance pour qu'elle ne soit pas une lame de plus qui vous transperce au moment où vous vous y attendez le moins.
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C'était toujours la même musique discordante. Notre musique à toutes, la musique des déshérités disent certains, sauf que c'est faux nous ne sommes pas déshéritées, nous n'avons jamais rien possédé. Nous sommes nées nues et moins que nues, déguisées et déformées par notre peau et nos organes, emprisonnées dans un sexe que nous n'avons pas choisi, et ce pays, ô dieux, ce pays, il n'est là que pour nous assassiner avec ses règles obscures dont ne peuvent s'échapper que les riches et les bien-nés.
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Rien ne révèle la beauté aussi parfaitement que l’annonce d’une fin imminente. Bénarès est la ville de la fin, de toutes les fins. Ici, on abandonne aussi bien les espoirs que les terreurs…
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« Les pèlerinages n’ont jamais conduit vers autre chose que soi – un soi blessé, tourmenté par les visions qui dansent hors de notre portée, par nos rêves faussés. Les pèlerinages mettent à nu nos échecs, nos mirages. Ils sont l’éternel piétinement de ce rien qui nous réclame, nous aspire, nous noie : la mort vers laquelle tout le monde chemine, et rien d’autre. Aucune promesse d’un bonheur quelconque tandis que nos pieds creusent notre propre tombe. »
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Perdre ses eaux par la bonde de l'oubli. L'enfant s'en va et ne cessera plus de s'en aller. Le monde se désemplit.
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Je ne fais qu'écrire. Cela ne m'a-t-il pas exonéré de vivre ?
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