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EAN : 9782246834571
272 pages
Grasset (16/08/2023)
3.65/5   59 notes
Résumé :
Une île : Maurice, la narratrice du roman. Quatre personnages : un oncle las de la vie, sa nièce, unique lumière pour lui, une femme qui vient de quitter son mari, un chef de bande assoiffé de vengeance. Une journée où tout va exploser : la cité, les haines, peut-être l'île. Enfin, d'étranges animaux qui attendent patiemment que les humains finissent de détruire ce qui leur reste - leur humanité, leur foyer - pour vivre seuls, en paix : les caméléons.
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Île-usion – Dés-île-usion
« Deux mille kilomètres carrés qui ont été un gâteau appétissant pour tous ces baptiseurs et bâtisseurs de mon histoire… Et ce n'est pas fini.
Il y aura peut-être d'autres noms, après, si toutefois il y a un après. »
Une île se raconte, parle des nombreux noms qui lui ont été attribués depuis sa découverte, de son pillage, de ses habitants réduits à l'esclavage et depuis la mondialisation de la misère. Bien sûr on a cru faire oublier l'esclavage en arrachant la canne à sucre et en construisant des demeures de luxe à la place. Pourtant…
Les caméléons observent une espèce particulièrement néfaste.
« Les caméléons ont la patience des bêtes pour qui le temps ne compte pas. Seuls les hommes pensent pouvoir retarder ou accélérer le temps. Repousser l'échéance et l'imminence de mort. Défier la seule précondition de la vie.
Les caméléons riraient, s'ils le pouvaient. »
Le volcan contient sa colère.
« Et ainsi, le souffle du dragon, du volcan passe sur l'île.
Les explosions libèrent une fumée cendreuse qui masque le soleil.»
Un cocktail détonnant se met en place car il ne faut pas oublier les hommes et les femmes de l'île qui sont pris dans cette spirale infernale, certains vont se retrouver au même endroit. Pourquoi ?
« Comme on a toujours exterminé les cafards, les rats, les caméléons qui nous menacent. Les génocides sont friands de prétextes animaliers.
Plus besoin d'excuse.
Tuer est devenue la raison absolue. »
Toutes ces personnes sont enfermées soigneusement dans des cases et d'un coup vont vouloir en changer mais y-t-il une seconde chance pour eux ?
Zigzig, chef de bande, un dur avec un talon d'Achille mais comment en est-il arrivé là ?
Nandini et Abhi, vieux couple sans enfant, victime de la non-communication et du ressentiment, où l'incompréhension amorcera une réaction destructrice.
René, laissé pour compte qui passe à côté de la vie.
Et enfin Sonia et Sarah, petite fille, innocente victime.
Tous portent leurs blessures, leurs craintes, leurs ressentiments, leurs haines. Il y a les femmes porteuses d'une peur ancestrale.
Je vous conseille de découvrir rapidement leur histoire et celle des autres car Ananda Devi est une conteuse ce qui rajoute au charme et à la force du récit. Une belle écriture, j'ai adoré ce style incisif, percutant avec de cours chapitres et des personnages hors normes.
Ananda Devi n'accuse pas mais raconte un monde bien superficiel qui court à sa perte. Une journée ordinaire dans la folie des hommes.
C'est violent, c'est dur parfois on a envie de fermer les yeux mais ces situations existent malheureusement.
Un livre bien loin des clichés, des cartes postales habituelles de l'île Maurice mais qui reste une fiction passionnante.
Ce livre sortira le 16.08.2023
Un grand merci aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman en avant-première.
#Lejourdescaméléons #NetGalleyFrance
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Voilà le retour de la grande autrice mauricienne, dans une histoire vibrante et palpitante.

Quatre personnages clés, que presque rien ne rapproche, vont voir leur destin totalement transformé en l'espace d'une journée.
D'un côté une enfant qu'on aimerait protéger : la petite Sarah a une mère qui l'aime, et qui tremble en permanence devant les dangers qu'elle imagine pour sa fille, un oncle, René, qu'on qualifierait facilement de looser, s'il ne s'était pris d'une affection particulière pour sa nièce.
Et puis il y a cette femme qui n'a rien à voir avec l'oncle et sa nièce : elle s'appelle Nandini, c'est la femme d'un juge bien établi, elle vit dans les quartiers chics de l'île, et l'histoire débute au moment où elle décide de quitter brusquement son mari et sa vie bien rangée.
En face il y a ZIgzig, un jeune gangster des quartiers, qui s'est forgé une identité de gros dur parce que résistant à la douleur, et qui vit d'expédients au milieu de sa bande.

A priori ils n'ont rien en commun. Mais le destin va les relier dans un endroit totalement improbable. René qui devait emmener Sarah à l'école, bifurque un matin, prend Nandini en stop, pour ce qui devrait être une sympathique évasion en bord de mer. Mais ce sera tout le contraire, puisque Zigzig et sa bande auront choisi cette même bande de terre pour en découdre avec la bande rivale.

Lucas Belvaux, auteur de « Les Tourmentés », serait bien inspiré de lire « Les jour des caméléons » : il y trouvera une vraie montée de tension au fil des heures de la journée, très maîtrisée et remarquablement orchestrée, qui vont se couronner en une scène de violence au coeur d'un centre commercial qui verra les deux bandes s'affronter à coup de grenades et d'armes blanches.

La grande autrice mauricienne Ananda Devi retrouve ici des thèmes qui lui sont chers : elle décrit au passage le naufrage de son île, partagée entre des ultras riches barricadés dans leurs villas avec plage privée, et des pauvres de plus en plus pauvres, sans aucun espoir de s'en sortir.
Seule Sarah, figure de l'enfant innocente, apporte une touche de lumière dans un univers bien sombre, comme elle le décrivait aussi dans « le rire des déesses ».

Et puis il y a la nature, omniprésente. Et les caméléons sont à Ananda Devi, ce que sont les étourneaux dans "La mémoire délavée" de Natacha Appanah : une métaphore d'une nature chamboulée par l'anthropocène.

En miroir de l'autre autrice majeure de l'île, Natacha Appanah, qui a publié cette année « La mémoire délavée », et qui elle a choisi de vivre en France, Ananda Devi a reçu de nombreux prix notamment pour « le sari vert ». A découvrir sans modération pour ceux qui ne le connaissent pas.
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"Thriller social" comme le définit Gladys Marivat dans sa chronique littéraire au Monde, "Le jour des caméléons" met en scène l'île Maurice. Mais c'est une vision de l'île que les touristes ne verront pas. Derrière les hôtels, les plages de sable blanc et les commerces clinquants du Caudan à Port-Louis, se cachent la misère, les bandes rivales, les illusions déçues de ceux qui n'auront jamais rien mais à qui on fait miroiter toutes les richesses. Ananda Devi dénonce dans ce roman ces inégalités ainsi qu'une histoire coloniale qui a profité toujours aux mêmes. L'indépendance n'y a malheureusement rien changé. Ce petit paradis pour les uns se révèle être un enfer pour les autres, comme partout d'ailleurs. C'est sur cette base que l'auteure a construit son intrigue. Avec le point de vue de quelques personnages archétypaux, dont l'exclusion sociale va déclencher le détonateur à l'origine du massacre. le style lyrique initial va peu à peu se muer en une écriture saccadée au rythme de l'action pour converger vers l'apothéose sanglante inévitable. L'île Maurice comme on ne l'a jamais vue.
Et les caméléons dans tout cela ? Et bien ce sont les observateurs patients de cette lente dissolution humaine, observateurs qui n'attendent que de pouvoir revenir sur cette île née "de l'union de l'océan et du volcan, nue, rocheuse, basaltique, poreuse de promesses et d'attentes. (...) Rendons-leur l'espace aux caméléons pour qu'ils jouissent de ce qu'il reste de mes merveilles, celles que vous n'avez su ni respecter ni préserver".
Un roman écrit par une grande dame de la littérature mauricienne que je vous recommande.
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Je ne connaissais pas l'autrice mais j'ai beaucoup aimé son style ! A travers sa plume j'ai entendu gronder l'île, vibrer les caméléons et senti monter la haine et la violence !

Maurice, île paradisiaque pour les touristes et pour les blancs qui s'enrichissent depuis des décennies sur le dos des descendants d'esclaves, d'indiens “importés” et des métis, population pauvre, creuset des gangs.

Sara, fillette de 10 ans, devenue femme avec son premier sang, part avec son oncle, homme égaré, dépressif, pour l'école mais il décide de l'emmener sur un coin de littoral qu'il aimait au temps lointain. Ils croisent la route de Nandini qui vient de quitter son mari et se joint à eux ! le lieu est devenu un dépotoir, croisement de l'affrontement de deux gangs défoncés au terrible sang de caméléon !

La violence se déchaine et plus rien n'arrêtera la colère qui déborde des corps, aveuglée par le ressentiment et les injustices !

Malgré toutes les horreurs que ses mots décrivent, l'autrice est poétique. Elle incarne tour à tour, l'île et les caméléons, Sara et Nandini, l'oncle et Zigzig, les victimes et les tueurs et leurs pensées nous prennent aux tripes !

Lecture déroutante, envoûtante et révoltante tout à la fois ! N'attendez pas pour vous y plonger. Les caméléons seront toujours là !

#Lejourdescaméléons #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2023

Challenge Féminin 2022/2023
Challenge ABC des Titres 2023/2024
Pioche PAL Août 2023 : Arwen78
Lecture Thématique septembre 2023 : Découverte auteur
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Amanda Devi aime sa terre natale, l'île Maurice, ses romans y puisent souvent leur inspiration, cette fois c'est à l'île elle-même qu'elle donne la parole, et elle est différente de celle que l'on accorde aux cartes postales qui vantent un paradis sur terre.
Cette terre va exploser tout comme les destins de quatre personnages : Nandini, une femme quinquagénaire qui décide de se libérer de sa soumission à son mari, un juge. Puis
René, un homme usé avant l'âge à qui seule sa nièce Sarah donne le courage de vivre ; ZigZig un petit caïd qui va affronter une bande rivale, et un rayon de soleil, la petite Sarah,(tout juste femme comme lui apprend sa mère)qui revêt une robe blanche bientôt ensanglantée.
En miroir l'histoire de l'île, sa somptueuse beauté lentement avilie lors de ses changements de nom et de maîtres. Cette terre où se côtoient le paradis et l'enfer. Et ces caméléons qui envahissent cette terre, changeant de couleur selon leur intérêt, ils sont venus d'ailleurs un jour sur un bateau certainement , et attendent leur moment.
Lorsque le chaos embrase Port-Louis, cette terre volcanique s'enflamme, libérant toute la colère , la hargne de la terre et de ses habitants provoquant le désastre qui sous la plume ardente , poétique et sensuelle de l'auteure rend cette lecture hypnotique.
Merci aux Edts Grasset et à Babelio pour ces beaux moments de lecture.
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critiques presse (1)
LeMonde
15 septembre 2023
Chez Devi, le lyrisme rend l’urgence prégnante – celle de voir, de dire, de se révolter. Et d’écrire, par cette poésie de la catastrophe, ce roman de feu et de cendres pour l’île.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Ah, ces écrans ! Quel pouvoir !
En ce moment, au Caudan, où les grenades sont dégoupillées, les bouteilles emplies d’essence s’écrasent, les armes à feu crépitent avec un bruit étrangement pareil à celui des pétards éclatés en chaîne pour Divali ou le nouvel an (chinois ou autre) de sorte qu’il semble presque gai, et où des garçons qui se savent arrivés à un point de non-retour décident de tout anéantir, au beau milieu de ce qui ressemble au chaos, certains ont le réflexe absurde de lever leur smartphone et de saisir le drame avec leur caméra ultraperfectionnée, qui restituera les faits avec une précision aussi merveilleuses que cruelle.
Et ces images-là, prises en plein cœur de la dévastation, certaines éclaboussées du sang de celui qui tenait l’appareil, vont se répandre, en un seul clic, comme une pandémie fulgurante avant même que les médias aient eu vent de l’affaire.
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Mais dans ce pays où l’on a vécu si longtemps cloisonnés, où les barrières sont de plus en plus étanches, comment pourrait-on s’attendre à ce qu’on te comprenne ? C’est le règne des grotesques. Les barricades depuis longtemps sont érigées, renforcées. Les gens vivent claquemurés. Derrière les murs on absorbe le jus des médisances, un flux magnétique, on est à l’heure du saint travail de l’Inquisition, aux pires heures de la sauvagerie, et c’est ainsi qu’ils te livreront, eux, tes semblables, aux mains des bourreaux sans un seul fléchissement du cœur, sans la moindre hésitation, pourquoi y en aurait-il, tu as choisi ta voie et ils te poussent avec allégresse, armés de pics et de fers, les yeux en bataille, les dents carnassières, et c’est toi le responsable, il faut toujours un coupable, c’est toi qui auras la tête fracassée, c’est toi qui les délivreras de la peur en portant seul le faix du mal, c’est ainsi, c’est ainsi, tu es né du mauvais côté, avec la mauvaise gueule, d’ailleurs, qui es-tu, même pas un bon musulman, c’est sûr, et donc tes parents non plus à leurs yeux, mais vois comme tous se pressent dans les temples, les églises, les mosquées, comme tous s’envolent vers leur haute religion comme des saints nouvellement oints, canonisés par brassées, barbes pansues, fronts striés, mains jointes, genoux touchant terre à chaque pas, signes de la Croix, prosternations vers la Kaaba, chants entamés avec une félicité guerrière pour Shiva ou Muruga, et tu ne partages rien de tout cela avec eux – tu es banni, Zigzig, banni.
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A quoi bon ce cerveau en dérapage, et puis ces mains flageolantes, et puis ce ventre vide mais gras, et puis ces bons gros seins qui avaient fait sa honte d’adolescente puis sa fierté de femme ? Ah oui, ces seins : si lourds, bruns, charnus, couronnés de soleil noirs. Elle se disait parfois avec fierté qu’elle avait la poitrine d’une femme africaine. Elle les aimait bien, ces animaux familiers, ces papayes abondantes, et les caresses parfois passionnées, parfois distraites d’Abhi. Ils étaient ses armes les plus visibles pour conquérir l’espèce mâle, et Abhi, admettons-le, était bien une conquête, il n’y avait pas de doute. Sa belle paire de papayes avait fait son travail. Mais à quoi bon, à quoi bon, maintenant ? Une carcasse, c’est fait pour être dévoré et pourrir, voilà tout.

Cesse de tourner en rond, ma fille, il n’y plus de chemin pour toi, se dit-elle. Pose toi dans l’herbe, cale toi là, n’écoute plus rien, efface cette journée et laisse couler en toi le jus de l’indifférence.
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Et, puis, plus bas dans l'échelle, chacun veut sa part, c'est normal, chacun veut des murs pour se séparer du fatras, tous rêvent de villas au luxe trompeur qui ne révèleront leurs failles que lorsqu'on sera bien endetté et qu'arrivera le prochain cyclone; et que crèvent les cités et les pauvres. Le pays qu'ils ont bâti est une ode au capitalisme; ils chanteront encore ses louanges lorsque les flots l'engloutiront, ainsi ont-ils été élevés, tous les bouche engluée au pis de la vache nourricière et sacrée qu'ils adulent.
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Ce matin, lorsqu'elle sort dans le jardin, elle a une brève sensation de mouillé, comme une langue sur sa joue ; un reste de son rêve, sans doute. Car tout est sec depuis longtemps. Les couleurs se sont effacées. De vert, le jardin a viré au jaune, puis au brun ; à présent, il est d'un beige délavé, fatigué de tout, contradiction de sa luxuriance passée. Le fantôme d'un jardin qui s'obstine à la hanter, ou qu'elle s'obstine à hanter.
Seul résiste un minuscule carré de terre qu'elle continue, malgré les injonctions et les interdictions officielles d'arroser (avec ses larmes, a-t-elle coutume de dire en riant), parce qu'elle ne peut pas se passer des fleurs.
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Vidéo de Ananda Devi
À l'occasion du Forum des libraires 2023, Olivier Nora, Président-Directeur général, présente la rentrée littéraire des Éditions Grasset - @editionsgrasset7893
Au programme de la rentrée d'automne 2023 : 0:00 Introduction 1:01 *_perspective(s)_ de Laurent Binet* 1:15 *_À ma soeur et unique_ de Guy Boley* 1:29 *_l'enragé_ de Sorj Chalandon* 1:55 *_Rose nuit_ d'Oscar Coop-Phane* 2:30 *_strange_ de Geneviève Damas* 2:50 *_Le Jour des caméléons_ d'Ananda Devi* 3:06 *_Adieu Tanger_ de Salma El Moumni* 3:17 *_Le Grand Feu_ de Léonor de Récondo* 3:47 *_Comédie d'automne_ de Jean Rouaud* 3:58 *_Croix de cendre_ d'Antoine Sénanque* 4:11 *_Impossibles adieux_ de Han Kang* 4:39 Conclusion
Un événement @livreshebdo_ en partenariat avec @babelio
© Livres Hebdo
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