Citations de André Comte-Sponville (901)
(p. 129)
« Tu seras aimé lorsque tu pourras montrer ta faiblesse sans que l’autre s’en serve pour affirmer sa force » (Th. Adorno)
(p. 87)
« J’espère que vous avez faim: bienvenus chez Platon ! Et que vous aimez manger de bon appétit: bienvenus chez Spinoza ! »
J’aime les définitions. J’y vois davantage qu’un jeu ou qu’un exercice intellectuel : une exigence de la pensée. Pour ne pas se perdre dans la forêt des mots et des idées. Pour trouver son chemin, toujours singulier, vers l’universel. La philosophie a son vocabulaire propre : certains mots qui n’appartiennent qu’à elle, d’autres, plus nombreux, qu’elle emprunte au langage ordinaire, auxquels elle donne un sens plus précis ou plus profond. Cela fait une partie de sa difficulté comme de sa force. Un jargon ? Seulement pour ceux qui ne le connaissent pas ou qui s’en servent mal. Voltaire, à qui j’emprunte mon titre, a su montrer que la clarté, contre la folie des hommes, était plus efficace qu’un discours sibyllin ou abscons. Comment combattre l’obscurantisme par l’obscurité ? La peur, par le terrorisme ? La bêtise, par le snobisme ? Mieux vaut s’adresser à tous, pour aider chacun à penser. La philosophie n’appartient à personne. Qu’elle demande des efforts, du travail, de la réflexion, c’est une évidence. Mais elle ne vaut que par le plaisir qu’elle offre : celui de penser mieux, pour vivre mieux. C’est à quoi ces 2 267 définitions voudraient contribuer.
A. C.-S.
Nouvelle édition intégralement revue et augmentée de 613 nouvelles entrées.
Ce n'est pas la valeur de tel ou tel sexe qui justifie le désir que nous en avons ; c'est le désir que nous en avons qui lui donne - pour nous - sa valeur.
Toute sexualité, me même solitaire, est relationnelle.
Sainte Marie, pleine de grâces, vous qui avez conçu sans pécher, permettez-moi de pécher sans concevoir.
Nous sommes embarqué, et il n'y a pas de bateau : mieux vaut en rire qu'en pleurer.
Tomber amoureux, en langage platonicien, c'est découvrir que quelqu'un vous manque terriblement, dont la possession, croyez-vous, suffirait à vous combler.
Comment parler de bonheur sans parler d'amour ?
comment penser l'amour sans s'interroger sur le bonheur qu'il vise ou qu'il rêve, qu'il permet ou qu'il entrave ?
Il n'est pas vrai qu'il faille écrire comme on parle,ni - encore moins - parler comme on écrit.
Mais ces deux registres peuvent se nourrir mutuellement.
C'est le grand secret de l'Orient, que l'Occident a tant de mal à comprendre et à accepter: l'être et le devenir, l'éternité et le temps ne font qu'un.
La souffrance des enfants est un mal absolu, une tâche indélébile dans l'œuvre de Dieu, et elle suffirait à rendre impossible une théodicée quelconque.
Marcel Conche (33)
La foi sauve, donc elle ment.
Friedrich Nietzsche (19)
La foi nous arrange trop pour n'être pas suspecte. (16)
Quel est ce Père qui se cache à Auschwitz, qui se cache au Rwanda, qui se cache quand ses enfants ont mal ou peur ? (12)
Il y a toujours moins de liberté dans l'ignorance que dans le savoir. (11)
Croyance et incroyance sont sans preuve, et c'est ce qui les définit : quand on sait, il n'y a plus lieu de croire ou non. (9)
L'athéisme est un objet philosophique singulier. C'est une croyance, mais négative. Une pensée, mais qui ne se nourrit que du vide de son objet. (7)
Notre mal nous tient en l'âme ; or elle ne se peut échapper à elle-même. Ainsi il faut ramener et retirer en soi : c'est la vraie solitude, et qui se peut jouir au milieu des villes et des cours des rois ; mais elle se jouir plus commodément à part. Or, puisque nous entreprenons de vivre seuls et de nous passer de compagnie, faisons que notre contentement dépende de nous ; déprenons-nous de toutes les liaisons qui nous attachent à autrui, gagnons sur nous de pouvoir à bon escient vivre seuls et y vivre à notre aise.
Stilpon, étant échappé de l'embrasement de sa ville, où il avait perdu femmes, enfants et biens, Demetrios Poliorcète, le voyant en si grande ruine de sa patrie, le visage non effrayé, lui demanda s'il n'avait pas eu du dommage. Il répondit que non, et qu'il n'y avait, Dieu merci, rien perdu de sien. Certes, l'homme d'entendement n'a rien perdu, s'il a soi-même. Il faut avoir femme, enfants, biens et surtout la santé, si l'on peut ; mais non s'y attacher en manière que notre heur (bonheur) en depende.
Le bonheur tient à une évaluation. Ce n'est pas le minimum de peine joint au maximum de satisfaction qui, comme tels, font le bonheur, mais l'idée même que si nous jugeons l'être. Les plaisirs et les joies ne font le bonheur que par notre activité de l'y trouver. L'insensé aussi éprouve des plaisirs et des joies, mais, comme il ne sait pas en faire son bonheur, il n'est pas heureux. Le bonheur ne nous vient que par notre accord. Mais de plus cet accord suffit. "Chacun est bien ou mal selon qu'il s'en trouve. Non de qui on le croit, mais qui le croit de soi est content. En cela seul la créance se donne essense et vérité".
André Comte-Sponville, citant Marcel Conche.