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Critiques de André de Richaud (30)
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La nuit aveuglante

Lauréat du prix Nocturne 2012, décerné par la revue Le Nouvel Attila, puis ré-édité en 2014 aux éditions Tusitala. Première édition en 1944 chez Robert Laffont.



Voilà quelques repères pour ce livre au destin à la hauteur de son étrangeté, ayant bénéficié de deux autres sorties, chez Robert Morel, et chez Marabout, dont la couverture gothique à donner la chair de poule illustre sa fiche Babelio (les abonnés du magazine Mad Movies ne seront pas dépaysés).



Du fantastique rural, à rapprocher de « L’orage et la loutre », tant par son destin que par la prégnante solitude qui s’en dégage, bien que de Richaud connut une véritable carrière littéraire — Ganiayre n’ayant pas été publié de son vivant — auteur qualifié de « maudit », aiguisant l’appétit du lecteur amateur de cabinet de curiosités.



Je renvoie le curieux vers les critiques de 5Arabella et PhilippeCastellain pour leur finesse, eux qui ont apprécié ce livre, moi qui en reste sur le seuil en compagnie d’oliviersavignat.



J’ai lu ce livre comme une parabole autobiographique d’un individu ayant renoncé à chercher la solution dans les Autres, l’Enfer enfermé dans son être. Quelques images fulgurantes en sortent, au milieu de considérations d’un écrivain face à sa page, cherchant à rebours celui qui se cache derrière, aveuglé par ce miroir qu’il a répudié à contempler.



Etrange résonance burlesque, pour moi qui aie appris en grande partie le vin chez Marcel Richaud, au pied du Mont Ventoux comme dans ce livre, où le narrateur s’y sustente uniquement au robinet, distribuant sans fin un vin qui ne procure pas d’ivresse…

La vérité est qu’à Cairanne, personne ne parle plus le latin…

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La nuit aveuglante

Le royaume des écrivains oubliés est un monde étrange, où des fulgurances de génies côtoient des océans de médiocrité. On y trouve des œuvres sublimes au milieu de la fange banale, et on se demande : mais qu’est-ce qu’elles font là ? Nous avons tous découvert de tels écrivains et de tels livres, mais avec André de Richaud j’ai passé un cap.



« La nuit aveuglante » est un roman fantastique qui défie l’imagination. Expliquer l’histoire, même grossièrement, ce serait détruire une magie inimitable et fragile comme du verre. Il faut la suivre à travers ses méandres pour savoir où elle vous mène. La résumer, ce serait la briser. On sent l’influence d’Edgard Poe, un Edgard Poe qui serait travaillé de courants mystiques.



Le style est brillant, unique, synthèse de nombreuses époques et de multiples courants. Par son élégance soignée, on croirait un écrivain de la fin du XIXème admirateur du grand siècle. Et puis une vivacité soudaine, une référence inattendue, vient rappeler qu’on a affaire à un homme de l’entre-deux guerres.



Et qui était-il cet écrivain d’ailleurs, cet André de Richaud ayant sombré dans un oubli si complet ? La postface ne nous éclaire que vaguement. Un être brisé, une énigme même pour ceux qui l’ont connu apparemment ; parti en laissant derrière lui une poignée de livres que quelques acharnés se sont échinés à rééditer.



Une rencontre étrange comme celle d’un martien aux yeux fondus d’or surgissant de la nuit. Je vous souhaite celle-ci, et beaucoup de semblables.
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La Part du diable

Ce temps de pause contrainte... m' aura fait retrouver "mes abandonnés", ne pouvant plus ni emprunter à la médiathèque ni faire de nouvelles acquisitions, je viens de retrouver ce recueil de nouvelles d'un auteur très apprécié.

J'ai découvert cet auteur atypique avec deux textes m'ayant fortement

marquée: "Je ne suis pas mort", et "L'Amour fraternel"...



Ces nouvelles mettent en scène des personnages malheureux, abandonnés

des dieux", dans des contextes empreints de fantastique et de surnaturel !



Parmi mes préférées: "La Lecture" :un couple de montagnards, heureux en mariage, moqué par les autres villageois car ce sont des grands lecteurs... et que dans ce pays perdu, à l'écart, cette passion paraît des plus étranges. A la fin de chaque journée, ils ont pris l'habitude de se faire la lecture à voix haute...Un jour fatidique, le pharmacien, homme peu bienveillant, prête au Père Joly, un livre qui se révélera terrible, comme un poison... racontant une histoire de couple en tous points semblable à nos deux lecteurs invétérés...mais révélant les pensées secrètes , très sombres de

ces deux êtres, paraissant si pacifiques et si unis... Mais comme on sait, les

apparences sont parfois très trompeuses. Cela sera le Livre de trop ...destructeur et annihilant leur passion commune !!





-"La Gramuse" : une jeune fille, un peu simplette, surnommée " La Gramuse" ,signifiant "petit lézard", causée par une plaisanterie que des jeunes gens lui avaient fait subir , gamine, avec ces petits animaux ! Jeune femme , qui fut sa vie durant le bouc-émissaire des villageois, sauf notre narrateur souhaitant l'aider sans grand succès...



Une troisième, "Thiodor"... nous offre quelques éclairs plus lumineux avec le jeune narrateur, mal à l'aise socialement, rencontrant l'Amitié..., avec un portrait bienveillant de son père !



"Mon père était comptable dans une grande épicerie, c'est-à-dire qu'aux odeurs écoeurantes qui règnent dans toutes les maisons très modestes, se mêlaient, quand il était chez nous, celles du fromage, du pain d'épices,

et de l'alcool à brûler, odeurs qui me ravissaient (...)Pour les autres, sans doute, un pauvre niais derrière une petite grille et qui vous rendait la monnaie avec un être bête, entre deux pains de sucre. Pour moi, une sorte

de Dieu, qui apportait d'un monde mystérieux, chaque soir, des senteurs magiques". (p. 10)



Six nouvelles parues entre 1933 et 1948 dans des revues, sauf un véritable

inédit , "La Lecture" permise par communication de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.



Patrick Cloux dans son avant-propos éclaire bien l'origine, le fond et la tonalité de ces nouvelles... "(...) Les nouvelles que, pour mal vivre, il donnera aux journaux les plus divers, et souvent les plus populaires, sont les pièces ( à retrouver avec ferveur) d'un grand damier souverain, d'une sorte de Création du Monde, échouée chez les hommes, dans leur misère. (...)



Ce sont des êtres du Vieux Monde, des gens perdus pour tous, les hommes du fossé. Lunatiques, sauvages, fous, demeurés, en habits de violence, de peur. (...) Les nouvelles qui suivent sont de grands coups de pied et de gueule à l'homme."



Reconnaissance toujours pour l'excellent travail de l'édition du "Temps qu'il fait", tant par le choix des textes ainsi que l'esthétique originale des maquettes, sans oublier la qualité du papier et de la typographie...Que du bonheur !...



Lecture très appréciée... bien que j'eusse plus de mal à m'immerger dans les nouvelles plus empreintes de surnaturel et de fantastique !
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L'étrange visiteur

Deuxième rencontre avec cet écrivain totalement maudit qu’est André de Richaud. Moins fulgurante et flamboyante que ‘La nuit aveuglante’, celle-ci ; moins –on me passera ce mot – aveuglante. Fini les péripéties hallucinées dans une sorte de rencontre entre Lovecraft et Gaspard de la Nuit. Un texte plus faible, mais pas pour autant à dédaigner.



L’histoire pourrait se présenter comme un roman policier, si le but de l’auteur ne se dévoilait vite comme tout autre. Mais résumons-là. Un jeune homme vivant dans une misère noire et sordide, et qui plus est dans une solitude totale, reçoit un jour la visite d’un vieillard venu lui annoncer un lègue important. Avec cette richesse, il l’encourage à quitte la capitale, et lui conseille un petit village où se mettre en villégiature. Une fois là bas, il fait la connaissance d’un original brillant et déconcertant. Il lui apprend qu’un meurtre vient d’être commis. Un vieillard solitaire et riche a été retrouvé mort. Son visiteur...



Rebelle, la plume d’André de Richaud fuit toute forme bien définie. La galerie de personnages hauts en couleurs et ridicule est curieuse. La misère décrite au début est probablement très autobiographique. Elle a quelque chose d’assumée, presque de choisie. Comme si une force inconnue l’empêchait de mener une autre vie, même s'il le pouvait.



Je flaire quelque chose dans ce livre. L’auteur y a dissimulé quelque chose, sous son fatras de grimaces comiques et ses traits sarcastiques. Mais quoi ? Je le poursuis, je le tiens presque. Et à chaque fois, il m’échappe d’une pirouette… Serait-ce un pan de son âme ?
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Retour au pays natal

La mélancolie alliée à un humour parfois mordant, une écriture poétique, un style lapidaire, les dessins d’André de Richaud qui accompagnent ce « Retour au pays natal », font que ce petit livre donne envie de le lire plusieurs fois, qu’il touche, pénètre et n’a de léger que son poids. Le retour d’Etienne au Pays natal, ne va-t-il pas plutôt devenir un retour au pays mortel ?



« … assis sur une de ses valises, dans le jour qui se levait, face à Notre-Dame-de-la-Garde, il se mit à rêver. A rêver aux sort des morpions. Imaginez un morpion qui ne trouve au monde rien où s’accrocher ! Quel destin ! »



« Il se souvenait de plaisirs si aigus qu’il ne voulait leur donner de place ni de nom, de peur de les émousser. Il essayait de réduire des tonnes et des tonnes de détritus (il n’était pas si vieux, mais chaque minute d’une vie est un tombereau d’ordures) en un seul diamant qui était la minute présente. La minute des espoirs éclatés et des détresses cristallisées. 

(…) Le car s’enfuyait dans la campagne éperdue. Les cyprès noirs, droits dans la nuit bleue, venaient en rangs calmes, puis se déployaient en éventail pour se perdre dans l’ombre. La route claire ondulait.
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La fontaine des lunatiques

«Silence et obscurité que ne venait troubler aucune voix de l’au-delà. Aucune présence surnaturelle. Aucune présence humaine. Le monde avait oublié qu’ils étaient là, et les hommes qui habitaient la maison étaient sans souvenirs.»

«La Maison peu de gens l’avaient vue bien qu’elle ne fût située à guère plus de cinq kilomètres du village.
(...) On disait la Maison... et l’on faisait suivre ce mot si simple d’un silence qui lui donnait une signification étrange.»

Trois hommes vivent à l’écart d’un village, le village de Sabran, dans une grande maison «entourée d’une sorte de cercle magique», en compagnie d’une vieille servante, la mère Malon, qui va chercher les provisions une fois par semaine le samedi, «trop vieille et trop légère pour laisser derrière elle la moindre trace de son passage». Elle est leur seul lien avec l’extérieur.

M.Charles revenu de la ville, qui «aime éperdument la musique et a tout abandonné pour 
elle» vit là en compagnie de Hugues, son fils de 18 ans d’une grande beauté
«Il était beau. Ses cheveux châtains, bouclés et coupés au ciseau, dans lequel le brouillard s’était pris, scintillaient de mille gouttes d’eau. Dans son visage, que la flamme éclairait par saccades, seuls ses yeux bleus brillaient -- les yeux de sa mère, un peu relevés vers les tempes»

Il faut ajouter le grand-père qui , depuis 15 ans, est enfermé dans une vie végétative assisté par le dévouement de la vieille Malon. 


Hugues réussira difficilement à s’extraire de l’atmosphère de la Maison et de l’emprise du père pour tenter de vivre sa vie. Il y reviendra après avoir traversé de grandes épreuves, rappelé par une musique ensorcelante qui l’atteint au plus profond de lui-même.

Le lecteur est lui-aussi pris dans une atmosphère inquiétante, oppressante, où la folie rôde, que la belle écriture poétique de André de Richaud sait rendre fantastique. Ce livre étrange, mystérieux, à la beauté ténébreuse, comme en nous jetant un sort, tient en haleine jusqu’au bout.



A ce conteur fabuleux qu’est André de Richaud pourrait s’appliquer le beau poème en prose de Baudelaire «Les bienfaits de la lune» car on retrouve bien dans «La fontaine des lunatiques» ce que la Lune dit à l’enfant endormi qu’elle élit : «Tu subiras éternellement l'influence de mon baiser. Tu seras belle à ma manière. Tu aimeras ce que j'aime et ce qui m'aime : l'eau, les nuages, le silence et la nuit ; la mer immense et verte ; l'eau informe et multiforme ; le lieu où tu ne seras pas ; l'amant que tu ne connaîtras pas ; les fleurs monstrueuses ; les parfums qui font délirer ; les chats qui se pâment sur les pianos, et qui gémissent comme les femmes, d'une voix rauque et douce !

Pourquoi André de Richaud pourtant soutenu par Cocteau et Delteil et admiré par Camus, en particulier pour son premier roman «La Douleur», est-il tombé dans l’oubli ?
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Le Mal de la terre

Acquis en 1985- Lecture octobre 2022 !!



Heureusement, des impératifs domestiques nous obligent parfois à vider et ranger des placards...ainsi j'ai retrouvé deux publications de l'excellente maison d'édition du " Temps qu'il fait"...: ce recueil de nouvelles d'André de Richaud et un autre de Marie- Claude Roulet, " Avec John Fante"....



Pour revenir à André de Richaud, c'est un auteur au parcours aussi talentueux que malmené, que j'ai découvert il y a longtemps, avec un court texte qui m'avait marquée, édité par l'éditeur Robert Morel : " Je ne suis pas mort"

( faisant quelque peu songer au destin d'un autre écrivain: Robert Walser)



Ce recueil de nouvelles nous immerge dans les paysages de Provence, mais pas ceux idylliques des cartes postales...d'autres paysages grandioses et âpres...comme les hommes et les femmes qui y vivent...

Des vies rudes, violentes qui ressemblent plus à des tragédies antiques...Des destins plus sombres les uns que les autres, baignant dans le surnaturel !



J'ai toujours un peu de mal avec le Surnaturel, lorsqu'il devient omniprésent dans les récits...lorsqu'il envahit tout

sans omettre le ton fort sombre de chaque histoire. En dépit de ces réticences ou résistances, je n'ai pas pu lâcher ma lecture ! Ainsi la beauté du style, la magie du verbe ont finalement opéré et m'ont retenue totalement...!





"Le mal de la terre



Les jours d'été, la lumière du soleil y est épaisse comme le miel.(...)

Ces hommes sauvages sont oubliés là, loin de toutes les routes de Provence, dans le silence et la solitude, enfoncés encore jusqu'à mi- corps dans une terre légendaire.

Leur âme est ouverte au mystère, comme les fenêtres de leurs maisons ruinées au vent du ciel."



Ce recueil prenant...est parti " joyeusement" poursuivre une nouvelle vie, l'ayant déposé , après ma lecture, dans un sympathique kiosque de " livres voyageurs "!...



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La nuit aveuglante

Un personnage nous raconte son histoire, d’abord à la première personne, avant de passer à la troisième. Une histoire en partie fantastique et invraisemblable, entre punition divine et surnaturel inexplicable. Il cherche du sens, tente de s’occuper dans une solitude absolue, interrompue par des épisodes étranges, qui ne font que le confirmer davantage dans sa mise à l’index. Au lecteur de tenter de démêler l’écheveau des événements ou ce qu’en dit le narrateur, pas forcément fiable.



C’est un récit onirique, très particulier, le trivial, le très précis, côtoyant l’absurde, une autre dimension. Il ne se passe pas grand-chose en vérité, juste le regard du narrateur qui teinte le peu qu’il lui arrive de la lumière blafarde du mystère. On peut rester à la porte, s’ennuyer, ou entrer dedans et être emporté. En fonction de sa propre capacité à construire un récit, donner du sens, ou à apprécier le peu clair, l’ambigu, le questionnant.
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L'étrange visiteur

Les 4 parties de ce petit roman m'ont apporté des expériences très diverses. La première détaille la triste situation d'un jeune homme seul et sans le sou. Pire, sa grande introversion l'empêche d'affronter le monde pour améliorer son sort. Cet exercice, loin d'être unique en littérature, m'a laissé de marbre. Puis survient l'élément déclencheur, la visite de l'étrange visiteur, qui se solde par la résolution complète des problèmes d'Aloys. Dit de cette façon, cela flaire le pacte diabolique, mais il n'en est rien, et le visiteur est étrange pour d'autres raisons.



Dans la seconde partie, on retrouve Aloys installé en région. C'est une renaissance ; non seulement il est sorti de sa misère, mais il s'ouvre sur le monde et socialise avec les gens du cru, notamment avec le mémorable personnage de Jules le Tordu, un excentrique local. J'ai bien apprécié cette partie, et j'ai eu un grand sourire quand on m'a gracieusement invité à entonner le « Hô-huk » en choeur... Mais une ombre s'ajoute au tableau pour Aloys : un meurtre est commis dans les environs, auquel il se trouve mêlé bien malgré lui, et c'est le retour à une situation précaire.



La partie suivante débute par un amusant aparté, puis après quelques mises au point sur la situation, et jusqu'à la fin du livre, il m'a paru y avoir un net changement dans le style. L'écriture devient plus cérébrale et s'attache davantage à ce qui se passe dans le crâne des protagonistes qu'à narrer leurs agissements. On se retrouve dans un face-à-face semi-métaphysique, avec de singuliers renversements psychologiques. C'est une tournure intéressante. Rien cependant, de mon point de vue, n'entre dans le domaine du fantastique, comme c'est le cas pour d'autres romans de l'auteur. Aussi, cette prétention aperçue en divers endroits me semble erronée.
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La barette rouge

Roman de 250 pages que j’ai lu dans la collection Les Cahiers Rouges de Grasset (élégante et simple cette couverture vêtue simplement d’écarlate…), la Barette rouge se rapporte à une bâtisse – bastide château fort déchu qui aurait été édifié par un cardinal (d’où le nom qui correspond à un couvre chef propre aux ecclésiastiques et dont le rouge est même dit rouge cardinal) renégat de l’un des papes d’Avignon. Dans cette demeure loin des routes fréquentées et des villages au pied du mont Ventoux va se dérouler une tragédie avec deux protagonistes : Siffrein et Esther. D’ailleurs les deux premiers chapitres de ce roman se rapportent à leurs vies respectives avant leur rencontre.

Siffrein, jeune homme à l’enfance marquée par la violence, le manque d’amour et l’abandon, est une brute complètement inadaptée à l’amour, la pitié et de manière générale à tout comportement social adapté. Il est habité par des monstres qui le poussent à la violence et qu’il tente de canaliser intuitivement dans le dessin. Un détail notable est son manque total de pulsion sexuelle qui se justifie par un épisode de sa jeunesse qui l’a marqué, aussi bien dans le sens propre que figuré. Son arrivée à la Barette rouge se produit lors de sa fuite et son errance après un crime sordide.

Esther est issue d’une famille illustre du comtat Venaissin qui vit depuis des lustres recluse et presque étrangère à ce pays. Elle en est doublement étrangère puisqu’elle est née d’une mère danoise dont elle a acquis l’apparence un peu évanescente de certaines blondes effacées aux yeux bleus profonds à s’y noyer. Elle s’installe dans la demeure familiale à l’aube de la vingtaine, orpheline avec une rente lui permettant de ne pas travailler, seule et ne fréquentant presque personne.

Les deux derniers chapitres suivant relacent leur rencontre jusqu’à la fin tragique dans un huis-clos abrité par la Barette rouge.

Si les deux premiers chapitres introduisant les protagonistes seraient dignes d’être des nouvelles à part entière, les deux derniers chapitres sont encore bien meilleurs car ils mettent en interaction deux êtres solitaires dont la rencontre semble inéluctable. Les deux sont deux inadaptés : elle est d’une beauté et d’une intelligence telle qu’aucun homme n’ose la fréquenter ; il est tellement fruste qu’il passe facilement pour un idiot et d’une brutalité sourde créant une ambiance malaise par sa simple présence . Ils sont comme des protons et des électrons : opposés mais que tout attire, ils sont inconsciemment en attente l’un de l’autre pour une rencontre qui ne peut qu’être destructrice.

Et c’est en cela que de Richaud m’a ébloui par la justesse de ses descriptions de situations, des sentiments et actions qui ne font serrer un filet dont il est impossible de s’échapper. Et c’est un régal d’admirer cet ordonnancement de mécanismes qui s’emboîtent parfaitement pour mettre en branle une machine infernale qu’on pressent dès qu’on débute sa lecture.

Mon coup de cœur de l’été ! C’est vraiment injuste que de Richaud soit pratiquement tombé dans l’oubli. Forcément il faudra que j’y revienne !

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La fontaine des lunatiques

J'avais découvert il y a quelques années sur les conseils d'une amie….ai été subjugué.

C'est un grand ! Un écriture magnifique, il faudra que je le relise car je l'ai dévoré.

Certains livres demandent plusieurs lectures, il en fait partie.

Un fruit sublime à déguster, à savourer, s'imprégner….tu accompagnes les personnages,ils te parlent,tu vis avec eux, dans des moments suspendus…magiques.

Curieusement André de Richaud fait partie de ces auteurs relativement méconnus…pourtant !



Tellement méconnu et oublié que….

Anecdote ( dans la préface « Cahiers rouges ») :



Il s'était retiré de tout, avait triché sur son âge , avait intégré une maison de retraite pour avoir le gîte et le couvert.

Il lit le journal, y voit sa nécro…

Ni une ni deux, il écrit « je ne suis pas mort » aussi sec, non mais !



Anecdote 2 :

J'ai lu aussi « la douleur » qui l'a fait connaître.Et reconnu par ses pairs ( Mauriac, Bernanos, Julien Green …)

C'est en lisant « la douleur » qu'Albert Camus décida d'être écrivain.

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La Douleur

« La douleur » est un roman d’André de Richaud qui provoqua le scandale lors de sa première publication en 1930. Pour quelle raison le lecteur d'antan s’est-il indigné ? Tout simplement, car ce livre retrace l’histoire d’un amour interdit entre une femme (Thérèse Delombre) veuve de guerre et un soldat allemand (Otto), le prisonnier, l’ennemi… Même si aujourd’hui cette histoire d’adultère ne choque plus grand monde, je peux comprendre qu'un tel livre ait provoqué un scandale, 12 ans après la fin de la Première Guerre mondiale, dans un pays où le souvenir des atrocités de la guerre était encore bien présent. Cependant, ce thème de l’amour interdit aurait été aujourd’hui abordé de manière bien plus directe. Alors, sans le scandale, que reste-t-il à ce livre ? Une très belle description d’une furieuse obsession charnelle. L’auteur n’avait que 20 ans lorsqu’il rédigea ce roman. Alors, comment ne pas être impressionné par la maîtrise du propos d’André de Richaud !



Ainsi, l’évolution psychologique des trois principaux personnages (la femme, le fils et le « boche ») du livre est si justement décrite que l'on a du mal à croire au jeune âge de l’écrivain. André de Richaud aborde de tout aussi belle manière la psychologie de la masse environnante, les habitants du village sont tour à tour admiratif et dégoûté du comportement de Thérèse Delombre. Que dire de la veuve, l’amante, si ce n’est qu’elle souffre de solitude, et qu’elle peut faire preuve de bienveillance, d’amour, mais aussi de méchanceté et d’un certain égoïsme. Ses pulsions, Thérèse tente de les combattre… « Lorsqu’elle voyait un homme, elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer son sexe. Elle ne pensait qu’à l’amour, qu’aux gestes de l’amour, qu’aux douleurs de la passion. Elle aimait éperdument. » Le fils, affectueusement nommé Georget par sa mère, est touché par le même sentiment de solitude que cette dernière. Il l’aime et la haie. Tel un enfant qui ne comprend pas tout, mais assez, Georget aussi, lutte contre ce qu’il éprouve… Le soldat allemand est lui plus mystérieux, mais tout aussi intéressant à suivre. « La douleur » est aussi un roman marqué par une pointe de cynisme.



« Nous sentons qu'au fond de nous-mêmes, notre mort s'apprête, parce que nous ne pouvons faire la preuve essentielle de notre vie ».



Albert Camus disait de ce premier roman d’André de Richaud : « Je le lus en une nuit, selon la règle et, au réveil, nanti d'une étrange et neuve liberté, j'avançais hésitant sur une terre inconnue. Je venais d'apprendre que les livres ne verraient pas seulement l'oubli et la distraction… Il y avait une délivrance, un ordre de vérité où la pauvreté, par exemple, prenait tout à coup son vrai visage. La Douleur me fit entrevoir le monde de la création ».



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La nuit aveuglante

Quelle déception! Attiré par l'invite de Marabout : "Le livre maudit d'un écrivain maudit", j'ai cru être tombé sur une pépite oubliée et, hélas, si ce livre est oublié c'est qu'il est juste raté! On trouve bien quelques éclats de diamant dans cette prose poétique, mais sous une couche épaisse de charbon. La seule péripétie un peu passionnante n'est pas de l'auteur : l'histoire de Gottfried Wolfgang a été volée à Pétrus Borel qui l'a volée à Washington Irving qui l'a... etc. Dommage, l'idée de départ, la malédiction en réponse à un blasphème, était bien trouvée. Et puis l'absence d'idée a conduit l'auteur a errer sans but en tentant timidement de nous entraîner avec lui. Malheureusement, je lui ai lâché la main avant la fin.
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La nuit aveuglante

La chronique d’aujourd’hui est particulière pour deux raisons. La première est que je l’ai lu suite à l’émission la Grande Librairie où Sylvain Tesson le mentionnait dans sa liste de livres préférés. La seconde est que ce livre ne ressemble à aucun autre…



Le narrateur, Cyprien, nous livre son histoire. Après avoir blasphémé, en ayant mis un masque de diable pour effrayer les fidèles durant une procession, il est exilé, avec ce masque qui se fond à sa peau. Il vit reculé du monde, avec des phénomènes étranges qui se déroulent autour de lui…



Une lecture singulière. Un style que je chéris, avec une construction syntaxique hors pair. L’alternance de la première et de la troisième personne du singulier révèle une certaine folie… Les réflexions venant d’un homme seul, doivent-elles être considérées comme réelles ou sont-elles simplement folles ? Réalité, fiction… On ne sait plus très bien démêler le vrai du faux en refermant ce livre… À lire comme un rêve (un peu farfelu) !
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La fontaine des lunatiques

Dans une maison éloignée et cachée du village habitent 4 personnes : Hugues 18 ans, son père mélomane, son grand-père tétraplégique depuis 15 ans, une domestique.

Après un fait étrange au cimetière, lors de l'enterrement du grand-père, le fils ne pense plus qu'à fuir, tandis que le père construit un orgue en argile au sommet d'une montagne dans l'espoir que le vent interprétera le concerto de sa vie. (construction qui m'a fait penser au facteur Cheval)

Roman parfait : poésie, conte, fantastique, voyage initiatique et sensuel.

Ce livre se savoure par la prose magnifique. Difficile de se limiter pour les citations, il y en a tellement de belles.

Belle découverte grâce à Babelio.
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La Douleur

Jamais je n’aurais connu cet auteur sans Jean Grenier ,qui le donna en lecture à Albert Camus, qui d’après les biographes lui donna l’envie de devenir écrivain.



"Je le lus en une nuit, selon la règle et, au réveil, nanti d'une étrange et neuve liberté, j'avançais hésitant sur une terre inconnue. Je venais d'apprendre que les livres ne verraient pas seulement l'oubli et la distraction… Il y avait une délivrance, un ordre de vérité où la pauvreté, par exemple, prenait tout à coup son vrai visage. La Douleur me fit entrevoir le monde de la création."



Albert Camus
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La barette rouge

Quelque part dans un petit village du sud de la France après la Grande Guerre, naît et grandit Siffrein dans la violence d'un père alcoolique et d'une mère soumise et indifférente. Adulte, Siffrein vit de travaux dans les champs, subit ce labeur et dépense sa maigre solde dans l'alcool. Mais un jour, Siffrein refuse de reprendre le travail. Comme un évadé il s'échappe, court à travers champs et forêts, vagabonde de village en village et un soir, la bête assassine.



Non loin de là vit seule et isolée la belle Esther, dans le domaine maudit de la Barette rouge. Elle-même étrangère en ses terres ensoleillées, Esther a la certitude que sa présence dans ce pays « était prévue depuis longtemps et qu'elle n'avait fait qu'accomplir une sorte d'oracle. » La jeune femme sort rarement, ne voit personne, aime sa liberté à huis clos : « Son coeur restait fermé comme restent fermées ces fleurs nées sous des climats qui ne sont pas les leurs. Elle n'aspirait à aucune éclosion. Elle n'avait aucune envie de naître. »



Une nuit dans le froid de l'hiver alors que le vent souffle avec violence, Esther s'éveille en sursaut : on frappe à sa porte. Après maintes hésitations, elle se lève, sort de sa chambre, descend l'escalier et près de la porte, tend l'oreille. « Qui est là ? » Une voix rauque lui répond : « Ouvrez-moi. » Ce destin qu'elle « sentait par tout son sang », Esther le reconnaît. Alors, la jeune femme ouvre la porte…



Albert Camus dit d'André de Richaud (1907-1968) que son premier roman La Douleur lui fit entrevoir le monde de la création. Malgré cette reconnaissance et celles de Jean Cocteau ou Joseph Delteil, les romans d'André de Richaud reçoivent un accueil mitigé tant cette obsession du crime, présentes dans chacun d'eux, déconcerte et inquiète la critique littéraire.



La Barette rouge, son chef d'oeuvre probablement, se compose de quatre parties : la première sur la vie de Siffrein m'a complètement happé, la seconde sur Esther, plus courte, m'a semblé un peu plus quelconque. L'écriture poétique aidant, j'attendais beaucoup de leur rencontre dans les deux dernières parties : de la séduction et de la répulsion, de la sensualité et de la fureur, des cris d'effroi, des silences lourds et des vertiges passionnels. Je dois admettre que mes attentes – peut-être trop élevées – n'ont pas été comblées.
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La fontaine des lunatiques

Les cahiers rouges de Grasset. Goût de reviens-y des années trente imaginatives. Une pointe de névrose littéraire russe aussi?



Un conseil : ne pas lire la préface, ni la quatrième de couverture.



Diablerie. Hypnose forestière. Pluie.

Le grand-père n'est plus qu'un songe.

La vieille servante fonctionne.

Le père est fou, perdu dans l'harmonie.

Le fils est néophyte.

Et la jeune fille revient.



Diablerie. Hypnose forestière. Cercueil de plomb. Odeur de mer. Éclats de lumière. Éclatement du récit. Eau.



Hugues est parti.

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La barette rouge

D'où vient le magnétisme puissant de ce livre ? Du fait que ce roman "étrange et naturel" ne ressemble à aucun autre ? Imaginez du Poe mélangé à du Giono, bien secoué, servi frappé : voici "La Barette rouge"!



De la trajectoire de l'auteur lui-même ? André de Richaud, acclamé dans les années 30, puis oublié, termina sa vie d'alcoolique dans un hospice pour vieillards du sud de la France. La postérité a oublié ce talent trop inquiétant, trop en marge. C'est pourtant cette opacité qui mérite que nous lisions Richaud, en faisant comme Esther lorsqu'elle s'interroge sur le sens de sa rencontre avec l'homme sauvage qui est entré un jour chez elle : "il lui faudrait essayer de déchiffrer l'énigme"...



De son génie des images inoubliables ? Comme cette scène où le père de Siffrein, qui s'est déchargé de son fils mourant sur une vieille tante, entre dans la maison, soulagé et ivre, en serrant contre lui le petit cercueil de sapin léger qu'il a fabriqué, et que l'enfant lui tend les bras. Comme le visage de l'adulte qu'il est devenu, émergeant de la broussaille des poils hirsutes qu'il est en train de raser sous les yeux d'Esther : "un masque tragique, qui semblait s'échapper du savon, comme le soleil s'échappe des nuages".



De sa fascination pour le Mal et des chemins qu'il emprunte pour se frayer un passage dans le coeur des hommes ? La maltraitance que subit l'enfant, marqué littéralement au fer rouge par la violence du père, puis la peur qui s'en suit, "déposée au fond de lui comme une boue", puis sa transformation en violence sur la femme, le tout n'excluant pas une forme de joie trouble ou "une inquiétude qui avait un fond de bonheur", comme vous voulez.

A sa manière empoisonnée, André de Richaud nous parle de la mécanique du mal sans chercher à la comprendre : nous sommes au-delà de la morale, sur les chemins de la poésie et du crime, touchés par la "beauté convulsive " que louait André Breton, dérangeante et fascinante.

A découvrir ou redécouvrir d'urgence !

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Échec à la concierge et autres textes

Troisième publication des éditions de l'Arbre Vengeur et troisième claque ! Un coup de foudre éditorial, en somme. Je ne reviendrai plus sur les qualités du travail fourni par cet éditeur dont on pourrait dire qu'il fait du poche de luxe (qualité de papier, soin apporté à la direction artistique, etc.).



L'auteur a connu la gloire dans l'entre deux-guerre avant de sombrer dans l'oubli. Pour nous en donner une idée, la préface nous apprend que Camus a reconnu ce qu'il devait à certains des romans écrits par André de Richaud (La douleur ; 1930). Et pourtant qui connait encore cet écrivain ? Dans la droite ligne de la collection Alambic (qui déterre les auteurs injustement oubliés), "Echec à la concierge" permet une redécouverte salutaire. C'est qu'André de Richaud écrit bien. Mais alors très très bien. Et dans des registres divers comme l'atteste ce recueil de nouvelles délicieuses (chroniques parisiennes, histoires rurales ou fantastiques).



A découvrir d'urgence !



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Jouons avec Clark Gable

D'après le roman Night Bus de Samuel Hopkins Adams, Gable triomphe dans l'un des premières comédies loufoques (screwball comedy) du cinéma. Ce film américain réalisé par Frank Capra en 1934 avec Claudette Colbert s'intitule:

Paris Roubaix
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Thèmes : acteur , hollywood , cinema , adapté au cinéma , adaptation , littérature , culture généraleCréer un quiz sur cet auteur

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