Andrew Sean Greer

Là, dans la pièce, il y a une petite table, une cloison de papier, et une fenêtre si ancienne que le jardin derrière semble onduler comme dans un rêve, tandis que Mineur avance dans la pièce.

Demain, l'amour approfondira sûrement son mystère.

Est-ce qu'ils dorment sous cette canopée magnifique, ce toit majestueux, ce couvre-lit étonnamment orné de brillants : les étoiles ? Regardez, vous tous : il y a assez d'étoiles pour tout le monde ce soir, et parmi elles, brillent les satellites, ces pièces de fausse monnaie. Mineur essaie de suivre des yeux une étoile filante, mais n'y parvient pas. Et, finalement, il va se coucher. Mais il ne peut cesser de penser à ce que Lewis lui a dit. Non pas à cette histoire de dix années, mais à l'idée de vivre seul.

— (...) Clark dit toujours qu'on peut être mince, ou bien être heureux ; et je vais te dire, Arthur, la minceur, j'ai déjà donné.

Mineur a dépoussiéré un vieux cours d’écriture créative qu’il avait donné à une université jésuite de Californie, a utilisé un logiciel de traduction pour l’ensemble du programme, et s’est estimé prêt. Il a intitulé son cours Lire comme un vampire, écrire comme Frankenstein, basé sur sa propre conviction que les écrivains lisent d’autres œuvres afin d’en prendre les meilleurs passages.

Arthur Mineur se trouve à New York depuis trois jours. Il est venu interviewer le célèbre auteur de science-fiction H. H. H. Mandern, pour fêter la sortie de son nouveau roman. On y voit le retour du personnage de Peabody, son robot à la Sherlock Holmes, qui jouit d’une immense popularité. Dans le monde littéraire, c’est une nouvelle qui fait la une et qui draine beaucoup d’argent, en espèces sonnantes et trébuchantes.

Tout simplement, par hasard, nous nous retrouvons aujourd'hui au cœur de toute beauté.

Dans un monde où la plupart des gens lisent un seul livre par an, on investit de grosses sommes sur ce livre-là, avec l’espoir que cette soirée soit le coup d’envoi d’un succès.

Les espoirs sont les échelles qui mènent aux rêves, Arthur.

De nouveau, je voyais combien son enfance était proche. Toujours à l’horizon, alors que sa vie d’adulte était si loin qu’elle l’effrayait. Un Leo petit garçon, aux traits encore plus démesurés, qui avait grandi ici et non dans une cabane, dans le Nord, où la vie aurait peut-être été plus facile. Je voyais les garçons se ruer dans l’escalier et attendre, au coucher du soleil, le passage de l’ancien 18 h 15 dans un fracas métallique, pour grimper dessus et en redescendre, des miettes plein la bouche, et s’imaginer – leur unique liberté à une époque où rien ne leur appartenait, hormis ce qu’ils inventaient – qu’ils pouvaient marcher sur des nuages d’or.

— Madame, quand vous étiez petite, c'est cette femme-là que vous rêviez de devenir ?

C'est facile d 'affirmer que quelque chose est dans ta tête. C'est comme prétendre qu'un coucher de soleil, c'est dans tes yeux a-t-elle dit, énervée, les lèvres pincées par de petits accès de fureur. C'est idiot, absurde. C'est passer à côté de la beauté.

Qui pourrait le deviner? Derrière la grille, les portes, le lierre. Il faut avoir un regard d'enfant. Ainsi fonctionne la magie, comme vous le savez. Elle s'empare du plus improbable d'entre nous, sans prévenir, à l'heure de son choix. Elle escamote le temps. Et voilà comment je me suis réveillée, un jeudi matin, dans un autre monde.

Mais vous connaissez le cœur humain : chaque nuit, il lui pousse une épine.

J'ignore ce qui unit les parties d'un atome, mais, semble-t-il, c'est la souffrance qui lie un être humain à un autre.

-C'est drôle, vous êtes toutes pareilles, les Greta. Vous essayez d'améliorer la situtation, quoi qu'il vous en coûte.Toi, c'est Félix que tu veux sauver. Une autre, c'est Nathan. Et celle-ci, c'est Leo qu'elle veut ressusciter. Je comprends, remarque.
On a tous quelqu'un qu'on veut sauver du naufrage,n'est-ce pas ?

On inventera peut-être un jour un appareil-photo capable de saisir le MOI fugitif, et nous pourrons alors vraiment savoir lequel nous étions, un certain jour, et repérer les vies changeantes que nous menons et dont nous prétendons qu'elles n'appartiennent qu'à une seule personne.

se réveiller chaque matin comme si les choses avaient tourné autrement -les morts sont vivants, ceux qui étaient partis reviennent, l'être aimé est dans nos bras- est-ce tellement plus prodigieux que la folie ordinaire de l'espoir ?

Qu'il faille à tout prix préserver l'amour, révèle la folie de ce qui en est le centre.

A l'époque, il me semblait que le mariage était comme une douche dans un hôtel : on la règle à la bonne température, à ce moment-là quelqu'un derrière le mur ouvre son robinet d'eau chaude et on reçoit un paquet d'eau glacée, on remet du chaud et on entend le voisin pousser un cri, il remet du chaud, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on trouve un compromis tiède, supportable pour l'un et l'autre.