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Critiques de Anthony Passeron (314)
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Les Enfants endormis

°°° Rentrée littéraire 2022 # 8 °°°



« Sans doute que ça a commencé comme ça. Dans une commune qui décline lentement, au début des années 1980. Des gosses qu'on retrouve évanouis en pleine journée dans la rue. On a d'abord cru à des gueules de bois, des comas éthyliques ou des excès de joints. Rien de plus grave que chez leurs aînés. Et puis on s'est rendu compte que cela n'avait rien à voir avec l'herbe ou l'alcool. Ces enfants endormis avaient les yeux révulsés, une manche relevée, une seringue plantée au creux du bras. Ils étaient particulièrement difficiles à réveiller. Les claques et les seaux d'eau froide ne suffisaient plus. On se mettait à plusieurs pour les porter jusque chez leurs parents qui comptaient sur la discrétion de chacun. »



Un de ces enfants endormis, c'est Désiré, l'oncle de l'auteur, héroïnomane mort du sida en 1987, contaminé après un partage de seringue. Anthony Passeron n'en garde qu'un souvenir sepia très lointain que réactivent quelques bobines en Super 8. Une tragédie dont la famille s'est difficilement relevée. Son récit est une enquête familiale qui tente de rembobiner le fil d'une vie brisée presque occultée par l'omerta d'un clan soucieux de préserver respectabilité et notabilité dans une petite-ville de l'arrière-pays niçois. La vérité a été confisquée, entre déni et ignorance, Désiré étant officiellement décédé d'une embolie pulmonaire.



« Ce livre est l'ultime tentative que quelque chose subsiste. Il mêle des souvenirs, des confessions incomplètes et des reconstitutions documentées. Il est le fruit de leur silence. J'ai voulu raconter ce que notre famille, comme tant d'autres, a traversé dans une solitude absolue. Mais comment poser mes mots sur leur histoire sans les en déposséder ? Comment parler à leur place sans que mon point de vue, mes obsessions ne supplantent les leurs ? Ces questions m'ont longtemps empêché de me mettre au travail. Jusqu'à ce que je prenne conscience qu'écrire, c'était la seule solution pour que l'histoire de mon oncle, l'histoire de ma famille, ne disparaissent avec eux, avec le village. Pour leur montrer que la vie de Désiré s'était inscrite dans le chaos du monde, un chaos de faits historiques, géographiques et sociaux. Et les aider à se défaire de la peine, à sortir de la solitude dans laquelle le chagrin et la honte les avaient plongés. »



Pour inscrire l'histoire de Désiré dans le chaos du monde des années 1980, Anthony Passeron fait le choix pertinent d'une construction narrative alternant chapitres familiaux au plus près de l'intime et chapitres récapitulant l'histoire de lutte contre le sida. Ces derniers sont absolument passionnants, clairs, instructifs, relatant comme une course contre la montre la découverte du virus par les professeurs Montagnier, Barré-Sinoussi, Brun-Vézinet et Rozenbaum ( entre autres ), la bataille des brevets pour les traitements AZT puis bithérapie puis trithérapie entre laboratoires français et américains, relatant parfaitement les espoirs déçus et les petites victoires.



Les chapitres familiaux incarnent l'Histoire avec un ton remarquablement juste, infusé d'un souffle pudique qui laisse à affleurer une émotion bouleversante sans spectaculaire clignotant ni pathos voyeuriste. Les mots de l'auteur font ressentir de façon très sensible tous les chamboulements entraînés par le sida, maladie tabou, emprisonnée dans une vision morale, accolée à la notion d'un péché pour avoir eu des relations homosexuelles, s'être drogué par intraveineuse ou avoir une sexualité trop libre. Il y a des malades plus «  coupables » que d'autres, et ceux du sida, même dans les hôpitaux où ils étaient soignés en fin de vie suscitaient le dégoût et peu de compassion, mis à l'écart.



Même schéma dans les familles où la honte a tout submergé. le personnage de la mère de Désiré, Louise ( la grand-mère de l'auteur donc ) est très intéressant : elle pique des colères folles lorsqu'on lui dit que son fils est héroïnomane et séropositif, elle qui a si durement acquis une notabilité en épousant un fils de boucher, elle l'étrangère, l'Italienne qui a fui le fascisme et a été stigmatisée par la pauvreté et la xénophobie. Jamais l'auteur ne juge sa famille usée par le silence et le déni, toujours il enveloppe son récit d'empathie et d'humanité.



Un superbe roman, important, qui offre une sépulture de mots à la fois digne et puissante à tous les Désirés du monde. On le quitte difficilement, terriblement émus.
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Les Enfants endormis

Pour son premier roman, couronné du prix Première Plume 2022, Anthony Passeron raconte l'apparition du SIDA en France dans les années 80, tout en brisant le tabou familial concernant le décès de son oncle.



Tout débute en 1981, lorsque des chercheurs américains et français observent l'émergence d'une étrange pathologie qui semble surtout frapper la communauté homosexuelle. Dans un petit village reculé de l'arrière-pays niçois, loin des préoccupations scientifiques relatives à l'apparition de ce « cancer gay », c'est l'ennui qui commence à faire des victimes parmi les plus jeunes. Il n'est en effet pas rare d'y retrouver des « enfants endormis » dans les rues, le regard comateux, une seringue vide plantée au creux du bras. Parmi ces héroïnomanes qui n'hésitent pas encore un seul instant à partager leurs seringues, Désiré, l'oncle d'Anthony Passeron…



Au fil de chapitres très courts, l'auteur alterne deux récits qui se font brillamment écho. La petite histoire, reconstituant celle de sa propre famille, touche à l'intime, tandis que la grande revient sur le combat de la communauté scientifique à l'échelle mondiale. Deux batailles dévastatrices contre un adversaire féroce dont on ignore encore le nom…



C'est au détour de souvenirs retrouvés dans une boîte à chaussures et quarante ans après les faits qu'Anthony Passeron tente de lever le voile sur la mort de cet oncle que personne n'évoque. Plongeant au coeur de cette famille taiseuse, ayant emmuré cette tragédie dans le silence, l'auteur livre un regard plein de justesse sur une époque où la méconnaissance du virus était inévitablement synonyme d'exclusion, d'isolement et de stigmatisation. Des familles submergées par la honte à la mise à l'écart de la société de ces séropositifs traités comme des pestiférés, en passant par l'angoisse relative à la méconnaissance totale de ce virus, Anthony Passeron montre l'impact de ce fléau à hauteur d'homme… celle de son oncle et de sa propre famille.



En parallèle à cette histoire familiale très intimiste, l'auteur nous plonge également au coeur d'un récit qui tient presque du thriller en relatant la course contre la montre menée par les médecins, les immunologistes, les infectiologues et les virologues des deux côtés de l'Atlantique afin de débusquer ce tueur en série qui fera plus de 36 millions en quarante ans. Des premières victimes du virus constatées par des médecins français en 1981 au prix Nobel de médecine qui ne récompensera que deux d'entre eux en 2008, en passant par les premiers essais de dépistage, le scandale du sang contaminé, les fausses pistes thérapeutiques et la guerre des brevets, Anthony Passeron ne manque pas de passionner le lecteur en revenant sur cette traque visant à trouver et à éradiquer ce virus impitoyable qui s'attaque à notre système immunitaire.



Un premier roman intime et passionnant qui, à l'instar de « Over the Rainbow » de Constance Joly, revient avec beaucoup de justesse et suffisamment de recul sur les années SIDA.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Les Enfants endormis

Le sommeil de l'injustice.



Au détour de souvenirs retrouvés dans une boîte à chaussures, Anthony Passeron reconstitue

l’histoire de sa propre famille, notamment celle d’un oncle dont on ne parle qu’à demi-mots.

Une reconstitution familiale bouleversante autour du SIDA dans les années 80.



Maladie sulfureuse et honteuse du fait de son principal mode de transmission d’ordre sexuel,

soumise à l’opprobre morale car elle concernait au départ en majorité des homosexuels, elle revêt ici une dimension supplémentaire dans l’infamie : la culpabilité. On l’oublie parfois, mais le SIDA a fait aussi des ravages chez les personnes toxicomanes par l’échange des seringues, coupables de se droguer.



Son enquête le mènera à découvrir ce que pouvait représenter un toxico dans une famille de

commerçants d’une petite ville de province que tout le monde connaît. Un aspect social aussi abordé concernant la transformation économique de l'abandon des petits commerces au profit de la grande distribution.



Mais au-delà de la partie intime, l’auteur met en relief l’histoire même de la maladie à travers la

découverte du virus, la guerre des laboratoires, le scandale du sang contaminé, la mort de Rock

Hudson, ou encore les essais balbutiants des premières thérapies. Des souvenirs qui parlent à

beaucoup d’entre nous et que d’autres découvriront souvent avec circonspection.



La narration est tendue jusqu’à son dénouement, car en alternant les chapitres dans un cadre

familial et ceux dans un cadre scientifique ou politique, Anthony Passeron entretient l’espoir de

rédemption et de sauvetage de ces victimes.



Même sans le souffle romanesque de la fiction, ce livre vous étreint d’une émotion à fleur de peau qui ne vous quitte pas en abordant le SIDA de façon à la fois globale et intime.

Ces enfants endormis ne se réveilleront pas : l’héroïne, le SIDA, la fin d’une époque aussi auront raison de leurs espoirs avant qu’une nouvelle vie prenne place.



Un livre original que je défendrais en librairie car je suis sûr que vous aurez du mal à le refermer avant de l'avoir terminé.
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Les Enfants endormis

J’ai eu beaucoup de mal à terminer ce livre, je n’y voyais plus rien à travers mes larmes. Pourtant, je n’ai pas la larme facile.

Mais là, sur les dernières pages, j’ai été fauchée par Anthony Passeron avec son style distant, sans pathos, au sujet des années Sida dans les années 1980, quand les scientifiques ne savaient pas grand-chose de cette maladie. Le sida apparaissait comme une justice divine pour certains pour punir les dépravés, les renégats de la société, les homosexuels et les drogués. À l’époque certains médecins refusaient de soigner les malades, ceux qui le faisaient étaient parfois incités à partir de leurs hôpitaux, personne ne voulait accueillir leurs patients pestiférés.

Le Sida a clairement marqué mon adolescence, l’insouciance c’était fini, on nous a martelé l’importance de « sortir couvert », je me souviens d’Hervé Guibert, du film « Les nuits fauves ». Mais tout ce que raconte Anthony Passeron, je l’avais un peu oublié ; les multiples atermoiements et embuches auxquels se sont heurtés les chercheurs, les répercussions terribles au sein des familles.

La drogue et le sida ont fait exploser la cellule familiale construite par les grands-parents de l’auteur, Louise et Émile. Ils ont travaillé dur toute leur vie dans l’arrière-pays niçois pour offrir un avenir sans nuage à leurs enfants. Leur fils aîné, le préféré, nommé Désiré comme son grand-père, fait leur fierté, il est le premier à faire des études. Mais Désiré s’ennuie ferme dans son petit village au sein de l’étude notariale dans laquelle il a son premier emploi, il rêve de liberté, de voyager. Un beau jour, il pique l’argent dans la caisse de la boucherie parentale et part à Amsterdam.

Il y aura un avant et un après Amsterdam, car pendant son séjour, Désiré découvre l’héroïne et ne va plus jamais la lâcher. Les déflagrations sur la cellule familiale sont terribles entre le déni et les coups de colère de Louise, et le mutisme d’Émile qui se tue à la tâche pour oublier les malheurs de son fils.

Le récit d’Anthony Passeron est extrêmement pudique, il raconte avec une grande simplicité le séisme familial provoqué par la lente descente aux enfers de son oncle Désiré.

Les chapitres alternent les trop lentes découvertes scientifiques et les rapides dégradations de la santé de Désiré.

Coup de cœur pour la plume fluide, sobre, sans fioritures de l’auteur qui exprime ses sentiments tout en retenue sans jugement, la tendresse et l’amour affleurent. Dans cette famille dans laquelle on ne dit pas je t’aime, les actes remplacent alors les paroles. Je ressors de cette trop courte lecture bouleversée et conquise…

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Les Enfants endormis

Enfant, Anthony Passeron a vu mourir du sida son oncle, sa tante et sa cousine, née séropositive. Depuis, cela fait plus de trente ans que sa famille vit repliée dans le silence du déni et de la honte. Alors, décidé à mettre des mots sur ces vies pour les rendre à la lumière, il entreprend de reconstituer leur histoire, entremêlant son récit d’une rétrospective, soigneusement documentée, du combat des chercheurs pour identifier, puis vaincre le virus.





« Les archives familiales ont censuré la fin de sa vie. Tout ce qui se dirait désormais, c’est qu’il est mort un matin d’avril 1987 d’une embolie pulmonaire. » Désiré, l’oncle de l’auteur, était le fils aîné d’un couple de petits commerçants, enrichis à la force du poignet et devenus les notables d’un village de l’arrière-pays niçois. Lui qui aimait la fête et les copains goûta à l’héroïne lors d’un voyage à Amsterdam. Ce fut le début d’une addiction dont le jeune homme ne put jamais se défaire, et qui, en ces années quatre-vingts où l’usage des seringues ne faisait l’objet d’aucune précaution, devait précéder l’apparition d’étranges symptômes, alors inexplicables. Leur fils ayant rejoint les rangs de ces « enfants endormis » retrouvés défoncés au petit matin dans la rue, les parents déjà frappés de stupeur par ce qui signifiait pour eux une incompréhensible et honteuse déchéance, resteraient à jamais stigmatisés, par-delà le chagrin, par la marque d’infamie portée à cette époque par le sida, et tenteraient longtemps de se réfugier dans le déni et dans la préservation des apparences.





Alors qu’à la souffrance et au désarroi des malades, pestiférés suspendus aux tâtonnements de la recherche, répond la détresse de leurs proches – combative, taiseuse ou colérique, terrorisée chez l’auteur enfant – face à l’atroce avancée de la maladie et de la mort, rien mieux que l’histoire de cette famille meurtrie dans sa chair ne pouvait souligner les terribles enjeux de l’interminable course contre la montre livrée par les chercheurs. Depuis plus de quarante ans que l’on a pris conscience de son existence, le virus du sida a tué plus de 36 millions de personnes. La narration qui, en parallèle du récit familial, suit les espoirs, les impasses et les rivalités qui jalonnent les progrès de la recherche contre le sida, est aussi un hommage à la ténacité des hommes et des femmes engagés dans ce combat longtemps déconsidéré, souvent décourageant, mais qui suscite ces mots bouleversants : « ‘’Merci.’’ La jeune femme est déconcertée : ‘’Mais pourquoi ? On n’a pas réussi à vous sauver.‘’ Les yeux mi-clos, entre deux mondes, le moribond trouve encore la force de répondre : ’’Pas pour moi. Pour les autres.’’ »





Un très beau livre, sensible et touchant, qui restitue parole et dignité à tous ces malades morts en parias et à leurs proches traumatisés par l’infamie d’une maladie longtemps jugée honteuse. Coup de coeur.


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Les Enfants endormis

Un roman coup de poing, une autobiographie de l'auteur, qui nous raconte, un pan de sa vie familiale, à travers la maladie du sida, Le sida a travers son oncle Desiré, un drogué notoire prêt à tout pour assouvir sa consommation, ainsi que sa compagne, Deux personnes atteintes de ce fléau , l'utilisation de la même aiguille , ne les ont pas épargnés, En état de manque ,ils décident de se marier, dans l'optique, non par un véritable mariage d' amour, mais dans l'espoir de recevoir des biens, qu'ils pourront utiliser pour obtenir de la drogue, Désiré devient papa, une chance sur deux que son enfant soit diagnostiquer positive, Le résultat vient de tomber , elle est séropositive, mais ne déclare pas les pathologie, Son père et sa mère lui sont arrachés très vite, au sommet d'une jeunesse gagée, Sa grand mère la prend en charge , et lui donne tout l'amour qu'elle a besoin,

Une famille , vivant dans un milieu rural, tenant un commerce , de père en fils, ils deviennent des parias, on les évite , on ne les touche pas, En effet dans le début des années 80, le sida reste une maladie totalement inconnu,les personnes ne savent vraiment pas comment se comporter , la seule façon pour eux, et de les éviter ,, La source de bonheur est de voir leur petite fille grandir, autour de ses amis , ses cousins et sa famille, Les villageois la rejette dés qu'ils apprennent, sa séropositive,

U n bonheur de courte durée, la mort là rattrape, Des souvenirs de l'auteur qu'ils nous retransmet à travers sa mémoire, cette histoire bouleversante

L'auteur alterne les chapitres avec la maladie qui touche sa famille, et les recherches faites pour eratiquer, trouver le bon remède pour stopper l’évolution de la maladie, Les chercheurs travaillent énormément et sans relâcher un récit très documenté, qui nous apprend des choses essentielles qui aurait pu nous échapper, De nos jours, nombreuses trouvailles ont avancées pour savoir comment se protéger , diminuer l’évolution et ses maux, se protéger, avoir le sida n'est pas une tare en soit même Les personnes atteintes ne sont pas et plus des parias, Un roman intense en émotion tant par l'histoire et les recherches effectuées, L'auteur , nous raconte ce récit sans pathos, un roman court où l'essentiel est dit. L'humanité ressort de cette histoire une ode à l'amour , à la vie, à la maladie.

Il faut absolument, lire, découvrir ce roman.

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Les Enfants endormis

Début des années 80 , un petit village de l'arrière pays niçois . Les grands - parents de l'auteur font partie des " notables " du village , bouchers travailleurs , enrichis par les Trente Glorieuses , ils voient d'un trés bon oeil l'implication sans égal de leur fils cadet dans leur succession , mais soutiennent aussi le désir de liberté de l'aîné , Désiré , fils choyé , adulé , préféré , qui , trés vite fuit la vie promise étriquée pour les plaisirs de la ville voisine et , pour un premier grand voyage ,les " lumières " illusoires d'Amsterdam .

Cet oncle Désiré ,désormais décédé , Anthony Passeron aimerait bien le connaître ,savoir comment il a vécu , ce qui lui est arrivé , et surtout , savoir pourquoi la simple évocation de son nom voit s'abattre un chappe de plomb de silence attristée et énigmatique . Comment et pourquoi une existence devient - elle à ce point taboue et ne doit -elle pas franchir le seuil d'une boutique honorable qui ne veut pas disparaître ......???

Pour avoir vécu à cette époque , j'ai vraiment trouvé ce roman d'une intelligence incroyable . D'un côté l'apparition , dans un petit village , d'une maladie qualifiée de " honteuse " , une maladie dont on parle un peu à tort et à travers , sous " le manteau " , une maladie qui se répand de façon sinistre , une maladie qui jette le discrédit sur ceux et celles qui en sont atteints .L'ignorance , mais c'est hèlas encore bien actuel , creuse les fossés .Et pourquoi moi ? Pourquoi ces jeunes qu'on retrouve inanimés jusque dans le village , les nuits de sortie ?

" L'ambiance , les réactions , les suppositions , les condamnations " sont merveilleusement ( si l'on peut s'exprimer ainsi ) décrites et vous glacent le sang , même si , aujourd'hui , on en sait un peu plus sur ce fléau .C'est une observation parfaitement juste , des réactions de personnages en plein dans le contexte de l'époque où , du reste , on taisait déjà pudiquement qu'untel ou unetelle était atteint ou atteinte d'un cancer , vous savez cette terrible " longue maladie " ou encore ce " mal incurable " dont regorgeaient les avis d'obsèques ....Cette maladie honteuse dont on n'osait pas prononcer le nom , de peur que....

Et la mèdecine dans tout ça ? Prise au dépourvu , elle avance à petits pas , surtout en France et aux Etats- Unis où les chercheurs s'affairent mais restent bien impuissants .L'enjeu est pourtant colossal : soigner les gens et éviter une dramatique pandémie , noble cause , ou , pour certains , trouver le remède qui ouvrira les portes du Jackpot ....

L'intelligence de ce "roman , docu , témoignage " est de faire un parallèle absolument remarquable entre la description d'une famille prise dans la tourmente et les avancées importantes mais lentes des chercheurs . Les chapitres , courts , alternent du début à la fin , font se percuter le " monde du quotidien " et celui de la recherche , celui-ci étant suffisamment bien écrit , mis à la portée de tous , élevant le débat sans fioritures mais d'une grande justesse , donnant au lecteur l'impression de participer vraiment à une course contre un ennemi qui varie sans cesse son jeu , au point d'être quasiment invincible .

J'ai dévoré ce roman et je pense ne pas être le seul si l'on regarde le nombre d'avis et la note globale obtenue .Pour la lecture des commentaires , ce sera aprés avoir rédigé le mien , bien entendu .

Je remercie mon "épouse Mére Noël " pour ce cadeau et notre libraire Isabelle pour ses conseils toujours avisés .J'ai beaucoup de chance . Même si ce livre ne dégage pas trop " la joie " , il constitue une passionnante enquête sur une période noire pas si lointaine ....A bientôt .
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Les Enfants endormis

Cela commence par les confidences laconiques d’un père taiseux, dont la colère rentrée se manifeste dans des propos aussi brefs que rageurs. S’il s’était déplacé jusqu’à Amsterdam, c’ était « pour aller chercher ce gros con de Désiré ». On apprendra peu à peu ce qui se cache derrière les paroles sibyllines.



Dans l’arrière-pays niçois, dans les années 80, la tradition prime sur l’aventure. La vie de labeur des ancêtres semble bien se transmettre sans déroger aux habitudes. Mais si le père du narrateur endosse le costume familial et fait carrière dans la boucherie paternelle, Désiré, l’oncle, semble promis à un avenir plus facile, par le biais d’études plus approfondies que son frère. Avec le bac, il décroche un poste dans une étude notariale. La famille est comblée. Jusqu’à ce que brutalement il plaque tout pour se rendre à Amsterdam. Le début d’une descente aux enfers, et d’une lutte vaine contre l’addiction.



Les chapitres consacrés à l’histoire familiale altèrent avec une autre chronique : nous sommes au début des années 80, une mystérieuse maladie se répand rapidement dans des groupes de patients chez qui on retrouve des pratiques communes, l’homosexualité et l’injection de drogues, avec pour effet de les stigmatiser, et de retarder ainsi les travaux qui commencent à s’y intéresser.



C’est passionnant. Par la qualité de la narration et l’art de la formule en ce qui concerne l’histoire personnelle de Désiré et de sa famille, mais aussi par la façon simple et pourtant bien documentée des années sida. Tout y es : les balbutiements de la recherche, limitée dans ses moyens, en raison du peu d’intérêt suscité par le sujet, de la part d’équipes qui n’y croient pas (quelques décennies plus tard, on aura, dans des circonstances proches, aussi nié l’évidence), la concurrence délétère dans la course à la découverte, les espoirs enfin.



Les deux niveaux de narration s’accordent à merveille et renforce l’intérêt du lecteur. Le drame vécu aux fins fonds de l’arrière pays niçois se projette en miroir sur une affaire qui concerne la planète entière.



Une très belle découverte de cette rentrée



273 pages Globe 25 Août 2022


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Les Enfants endormis

Les années SIDA. Je m'en souviens très bien. J'ai eu la chance de ne pas être personnellement concernée, mais je me souviens de la peine de mon père, médecin généraliste, qui a vu une de ses jeunes patientes qu'il suivait depuis son enfance atteinte de la maladie. Elle n'était ni homosexuelle, ni héroïnomane, ni d'origine haïtienne, ni hémophile : les 4H facteurs de risque. Elle avait juste eu des rapports sexuels avec la mauvaise personne. Années 80 : nous étions la génération libérée, nous prenions la pilule et ne connaissions pas trop les préservatifs. Les recommandations sont venues plus tard.



Anthony Passeron revient sur ces années en alternant histoire personnelle et histoire collective.

Sa famille était une famille reconnue, bien établie dans cette petite ville de l'arrière-pays niçois, une ville où la réputation est importante. Ils sont bouchers de père en fils et connaissent à force de travail une certaine aisance financière. Alors ces grands-parents vont se retrouver bien démunis quand leur fils ainé va se tourner vers une vie où le plaisir est plus important que le travail, et de fil en aiguille (c'est le cas de le dire) basculer dans la drogue. Désiré comme beaucoup de ses amis va se piquer, et ils vont être nombreux à partager les seringues. On est dans les années 80, c'est une pratique qui ne pardonne pas. Il sera atteint, comme sa femme, et transmettront le virus à leur fille.



À côté de cette histoire familiale, l'auteur retrace en alternant les chapitres les grandes étapes des recherches sur la maladie : identifier le responsable, élaborer un test de dépistage, tester des traitements, jusqu'à la mise au point des traitements de trithérapies qui ont permis d'enrayer la maladie. Cette partie est passionnante, instructive, Elle remet en mémoire ou apprend suivant l'âge les grandes étapes de ce combat, la concurrence entre les différentes équipes, France et États-Unis principalement, l'indifférence et le manque de réactivité des pouvoirs publics dans un premier temps, qui conduiront au scandale du sang contaminé.



L'histoire personnelle est tout autant intéressante. Elle montre bien comment les malades ont du supporter en plus des différentes affections qui les détruisaient l'opprobre de la population et d'une certaine partie du corps médical. La peur était là aussi, on en savait tellement peu, les gens craignaient la contamination. Il montre aussi la difficulté pour sa famille à vivre cette situation qui les atteignait dans leur position bien établie dans cette petite ville, de la difficulté de reconnaitre les choses pour sa grand-mère, émigrée italienne, qui grâce à son mariage et son travail, avait pu échapper à sa condition de réprouvée, d'inférieure, et dont le statut était remis en cause. Il raconte le contraste entre la volonté de déni et l'accompagnement constant des malades, que ce soit Désiré ou sa fille. Cette famille a toujours été là pour eux. La deuxième partie centrée sur la fille de Désiré est particulièrement émouvante.



L'écriture est sobre, presque documentaire, comme si l'auteur voulait tenir à distance ses sentiments pour ne transcrire que les faits. Et en cela, son témoignage devient universel.

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Les Enfants endormis

Un coup de cœur, un magnifique coup de cœur !



J’ai succombé au charme de ce récit prenant et sincère et au témoignage de l’auteur qui conte en toute simplicité, l’histoire de sa famille, l’histoire de courageux émigrés italiens venu chercher une situation meilleure en France, et qui ont trimé, n’épargnant pas leurs efforts pour construire leur vie et tenter d’aider leur progéniture à façonner la leur. Cette histoire commence avec les arrières grands-parents, qui parviennent à s’installer comme boucher, puis se poursuit avec la génération suivante, les grands-parents de Désiré, l’oncle de l’auteur.



L’auteur explique comment il perçoit ce secret familial qu’il sera amené à exhumer afin de comprendre les épreuves endurées par sa famille.



Par le biais de chapitres croisés, le lecteur est plongé dans ces terribles années de découverte de cas de pneumocystose incompréhensible, de maladies rares se développant, d’abord, le croit-on chez les homosexuels, et que l’on verra s’étendre aux hémophiles, aux consommateurs d’héroïne, aux transfusés. On assiste alors aux recherches, aux balbutiements des traitements, aux tensions entre scientifiques français et américains, aux découvertes contredites, pendant que notre village se voit perturbé par cette épidémie qui casse des vies, qui annihile des années de travail, qui surprend la population qui s’interroge sur « ces enfants endormis » que l’on rencontre ici et là.



Ce récit, on le vit comme une grande injustice qui vient saccager la vie des familles, qui se propage d’une génération à une autre, qui surprend les individus, qui détruit l’espoir d’un avenir prometteur.



Magnifique roman dont l’auteur mérite amplement les prix qui lui sont attribués.
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Les Enfants endormis

Attention coup de coeur !

.

Dire que j'hésitais à lire ce livre. Boaf les années Sida, ça me tentait moyen..... Je fais partie de cette génération qui a eu droit aux multiples jingles sur le préservatif, sur les dangers d'une relation sexuelle non protégée etc.... La partie antérieure (les premières découvertes, l'ostracisme) j'ai moins connu.

Finalement la critique d'evergreen13 me donne envie d'emprunter ce livre.

Deux histoires s'entremêlent : les années Sida avec les chercheurs, les médecins et celle plus intime de la famille de l'auteur, famille concernée au premier chef car touchée de plein fouet.

.

Un roman touchant, douloureux et si beau !

Les deux histoires sont passionnantes. Celle sur les médecins m'a rappelé quelques vagues souvenirs. Elle était intéressante et percutante (ah les histoires d'ego !)

La version plus intime était douloureuse. L'auteur se raconte sans fard (parfois honteux de ses réactions d'enfant). Je n'ai pas pu m'empêcher de me mettre à la place de la grand-mère de l'auteur qui voit sa famille se disloquer avec l'arrivée de cette maladie chez son fils aîné, sa belle-fille, et le bébé qui vient de naître. Que de tristesse ! de non-dits, de douleurs.....

Une lecture indispensable que j'ai déjà mis entre les mains de mes filles.

Dire que j'avais hésité ! Un roman magnifique, émouvant et douloureux. Un beau récit.
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Les Enfants endormis

Beaucoup a été dit déjà mais tant pis ……



Dans ce premier roman lu avec attention et une grande émotion ce jeune auteur déroule l'histoire de son oncle Désiré ——quarante ans après sa mort——décédé des suites du sida au début des années 80.



Un lourd secret de famille enfoui d'une façon honteuse —- pour l'inscrire dans La GRANDE HISTOIRE.



Voitures sorties du début des années 80 en couverture , fêtes de famille , mariages couleur sépia, l'auteur déroule sous nos yeux cette «  Provence fantasmée » , les trente glorieuses finissent doucement dans ce village de l'arrière - pays niçois et celle d'un virus inconnu VIH qui commence ses ravages dont ce jeune garçon Désirê , premier fils de famille à avoir le bac , fierté de sa famille , destiné à reprendre la prospère boucherie familiale, qui travaille chez le notaire local et écume les boites de nuit .



Il aime la fête , les excès , deviendra l'un de ces enfants dormants , jeunes gens tombés dans l'héroïne que l'on retrouve au petit matin ——sans que leurs familles de commerçants honorables , artisans et fonctionnaires ———-irréprochables , écroulés dans la rue, une seringue dans le bras———- n'aient absolument rien vu venir .



Imaginez un toxicomane , accro jusqu'au bout, puis malade , au sein d'un village où les langues acérées s'aiguisent , où tout se sait, à une époque où le sida est une vraie marque d'infamie .



L'auteur, avec minutie , à l'aide de chapitres courts , fort bien agencés retrace le déni d'abord, puis la combativité de sa grand - mère , la mère de Désiré, le silence du grand - Père , la colère de son père , frère de Desiré , travailleur acharné à la boucherie , sa terreur à lui, , enfant, face à l'inexorabilité de cette maladie , son avancée jusqu'à la ..mort….



En parallèle l'auteur consacre des chapitres extrêmement bien documentés à ce qui se passe dans les hôpitaux parisiens et américains , la bataille entre les chercheurs pour trouver le virus , l'isoler , trouver les premiers traitements en tâtonnant , l'attention des chercheurs et des médias sur Paris et les milieux gays , les enjeux que révéla le sida , les bouleversements , la façon dont une famille parmi d'autres vécut cette tragédie dans sa chair ..



L'histoire de ces jeunes de Provence en première ligne du trafic de drogue de «  La French Connection » est contée en parallèle avec l'histoire intime d'une famille .



C'est un très grand roman celui de l'oubli , à l'aide d'une écriture précise , sobre, d'une belle fluidité .

Des preuves de cet enfouissement , qui montrent que les séquelles sociologiques sont profondes , presque indélébiles ….



Si j'ai lu ce très beau roman ,merci à mon libraire Rémi, c'est que très jeune , j'ai accompagné mes parents aux obsèques de mon cousin , B. V , jeune et brillant chercheur , à Lyon, gay , décédé du sida , dans ces années là.



Je me souviendrai toujours , avec difficulté, douleur , de son extrême maigreur, son visage comme rétréci, son regard désespéré , ses mains décharnées .



À l'époque , ses frères et soeurs , son beau - frère , médecin nous avaient caché les vraies raisons de sa disparition . ….



Je ne sais pas si nous pouvons leur en vouloir , avec le recul : le sida se jouait de tout le monde , des chercheurs , des médecins , des malades et de leurs proches .



Personne n'en réchappait !



Un grand livre mêlant enquête sociale et intimité d'une famille lu d'une traite qui m'a replongée à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni immense , écrasant , et la condition des malades semblables à celle des parias, sans aucune rédemption …



Un livre magnifique qui redonne de la lumière et des mots à une vie !

Merci à l'auteur !
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Les Enfants endormis

« C’est que les rats meurent dans la rue et les hommes dans leurs chambres. »

Albert Camus, la Peste



Pour un instant, pour un instant seulement... faire revivre l’oncle Désiré dont l’auteur a si peu croiser la vie. Une vie qui aurait pu être mais une vie qui restera cachée, tue, honteuse.

« Ce livre est l’ultime tentative que quelque chose subsiste. Il mêle des souvenirs, des confessions incomplètes et des reconstitutions documentées. Il est le fruit du silence. »



L’oncle Désiré, le fils préféré, fut le premier bachelier de la famille. Une petite gloire au sein de la famille. Une petite gloire de plus pour les grands-parents d’Anthony Passeron, car ceux-ci ont durement travaillé et réussi à gagner une place de notable dans le petit village de l’arrière-pays niçois. Un petit village où tout le monde se connaît, où tout se sait. Aussi quand Désiré tombe sous l’emprise de la drogue, puis commence à souffrir de symptômes étranges et inconnus, il est impossible aux parents de comprendre cet enfant pour qui ils ont tout sacrifier, de reconnaître et d’accepter la maladie. Le mot SIDA au début des années quatre-vingt est un mot qui effraie aussi bien les soignants que la famille et surtout il a une connotation horriblement négative, celle du cancer des homosexuels.

« Willy Rozenbaum, infectiologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, est habitué à côtoyer la mort, mais dans le cas de cette maladie, la condamnation des patients est double : une mort physique et aussi sociale. »



Anthony Passeron, pour redonner vie à son oncle, a dû puiser dans les anciens albums photos, dérouler d’anciens films super8 et questionner son entourage. Peu de mots lui ont été offerts, la maladie de l’oncle est restée dans le secret, mal digérée, mal comprise et porteuse de honte et de culpabilité.

« Ma grand-mère incarnait encore l’autorité de la famille, mais ce qui était en train de se produire la sidérait avec une telle violence qu’elle ne savait plus comment réagir...

Louise ne pouvait évoquer cette situation qu’en recourant à des euphémismes incompréhensibles, des balivernes niant la réalité, cruelle, violente, implacable... Dans sa bouche, la toxicomanie devenait « des bêtises », les cures de désintoxication « du repos », le sida « une maladie » et, plus tard, son fils mort serait « une étoile montée au ciel ». Comme si un héroïnomane pouvait finir à la droite du Père. »



Alors patiemment l’auteur a essayé de combler les vides et d’imaginer ce qui aurait pu être.

C’est sur plus d’une quinzaine d’années et par une alternance de chapitres, les uns consacrés à la découverte de la maladie et aux avancées médicales, les autres consacrés à la vie de l’oncle et à l’avancée inexorable du Sida, que l’auteur a construit son roman.

Et c’est très bien ainsi, puisque les chapitres réservés à la recherche scientifique permettent au lecteur de reprendre son souffle et de diminuer la charge affective que contiennent ces pages. D’autant qu’il ne cache pas l’extrême solitude et le regard méfiant, pour ne pas dire hostile et dégoûté, réservés aux patients. Comme il ne cache pas non plus la compétition féroce que se livraient les laboratoires français et américains et la susceptibilité des uns et des autres.

L’altruisme n’est pas toujours une qualité première.



C’est un roman fort, âpre et terriblement émouvant qui reconstitue parfaitement les années SIDA. Des années terribles faites de condamnation d’abord, de tâtonnements, d’avancées lentes de la recherche comme celles de la pensée.

Et si un traitement a enfin pu être mis en place, la guerre n’est pas finie. Le SIDA existe toujours. Et depuis d’autres virus aussi virulents ont fait leur apparition...

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Les Enfants endormis

1982 : Mitterrand boucle sa première année et décrète la rigueur ; Drucker débute Champs Élysées ; La Poste lance le Minitel ; Battiston en prend une belle à Séville ; Julien Doré naît… Et pour la première fois, on met un nom sur ce virus qui monte en puissance depuis un an : le SIDA.



Cela fait pourtant quelques temps que pour les chercheurs Willy Rozenbaum et Jacques Leibowitch, “il est temps de donner l’alerte » contre ce que d’aucuns appellent « le cancer gay ». Mais entre scientifiques US et français, l’heure est davantage à la bataille pour la primauté qu’à la réelle coopération.



Pendant ce temps, le mal s’étend : origines africaines, communauté gay, hémophiles, toxicomanes, puis hétéros, enfants, amis, frères. Le fléau est partout, jusque dans ce petit village reculé de Haute-Provence où vit la famille d’Anthony Passeron.



Dans Les Enfants endormis, il réussit - haut la main - à nous retracer l’histoire de l’expansion du SIDA, première pandémie contemporaine d’échelle mondiale qui en appellerait d’autres par la suite. C’est parfaitement documenté, juste ce qu’il faut pour rester accessible et se rappeler de la latence d’un monde qui ne voulait pas affronter la réalité qui s’offrait à lui.



On remonte alors 25 ans d’histoire : piste HTLV aux USA, LAV puis HIV en France, création de AIDES, décès choc de Michel Foucault puis de Rock Hudson, premiers essais de dépistage, découverte des contaminations sanguines et silence coupable (pas responsable) des autorités, AZT, trithérapie et enfin Nobel pour les découvreurs en 2008.



Mais pour donner vie et chair à cette histoire, Passeron nous immerge dans sa famille de maquignons et bouchers du haut-pays niçois, sur les traces de Désiré, son oncle fantasque et de sa cousine Émilie. Il raconte la même histoire, vue par ceux qui l’ont subie, combattue et perdue.



Le ton est précis dans la partie historique, juste et émouvant - sans jamais tomber dans le pathos – dans la partie familiale, ce qui confère au livre un équilibre parfait dans ses deux dimensions. Et, en nous les décrivant dans toute leur simplicité et leur impuissance, Passeron fait nôtres les siens, avec une mention spéciale pour Louise, la grand-mère magnifique, qui ne cache la réalité que pour mieux la combattre.
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Les Enfants endormis

L'histoire du Sida, peut-être que ma génération croit bien la connaître en l'ayant pris en pleine figure durant sa jeunesse. Et pourtant. Anthony Passeron noue deux flux narratifs dans ce roman, celui de l'oncle mystérieux du narrateur à la disparition tue dans sa famille où les sentiments s'expriment autrement que par le langage, et celui de la recherche scientifique sur ce mystérieux affaiblissement immunitaire chez des malades aux États-Unis, et rapidement en France. Cela sera comme une course de fond entre ses deux histoires pour le lecteur, dont on sait déjà qu'elle est perdue d'avance pour les premiers malades. L'effet de focus sur le cas d'une famille élargi à la recherche sur la maladie rend le récit fascinant, il est difficile de lâcher cette (double) histoire qui se dilue rapidement en une trame unique, et passionnante. Un effet qui permet de respirer aussi, quand l'émotion est trop présente dans la partie intime, allège finalement (un peu) l'histoire de cette famille en lui donnant un versant à la dimension historique d'une quête dans les milieux de recherche, avec leur rivalités, leurs réussites comme leurs échecs.

Le récit se déploie sur un ton neutre, dégagé des émotions, la narration se base sur des faits le plus souvent. Ce qui n'empêchera pas le lecteur de les vivre les émotions, fulgurantes. On le sait, nul besoin d'en rajouter quand les faits se suffisent. La deuxième partie (intime) est terrible, âmes sensibles.... Voilà un livre qui m'a pris, surpris, passionné, que j'ai lu d'une traite. C'est un premier roman, et c'est stupéfiant de réalisme, comme de maîtrise.
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Les Enfants endormis

Les enfants endormis se lit facilement, j’ai été prise par l’histoire de cette famille, et, décrite en parallèle, celle des recherches sur le sida.



Dans ces années-là, l’ascenseur social, en France, avait fonctionné à plein régime. Émile et Marie-Louise avaient travaillé dur et étaient devenus des notables grâce à leur boucherie. Leurs fils n’avaient qu’à en recueillir les fruits, mais les choses se passent autrement.



Aux États-Unis, une pneumopathie extrêmement rare, la pneumocystose, semble ressurgir. Les médecins font le lien avec la communauté touchée, les homosexuelles, mais bientôt, les héroïnomanes, puis les personnes transfusées et enfin des malades qui ne font partie d’aucune de ces communautés.



Désiré, le fils aîné, le fils préféré se drogue, mais sa mère est dans le déni, ce n’est pas possible, pas lui. Le narrateur raconte la déchéance de son oncle, le combat de sa grand-mère pour le sauver, mais aussi pour conserver les apparences. Il relate la peur des soignants devant cette nouvelle maladie dont on ne connaît pas vraiment le mode de transmission, l’indifférence, le mépris, les manques de soin. Et puis, il y a Émilie. Bien sûr, je savais que des enfants avaient été touchés, mais ça restait vague, lointain.



Anthony Passeron évoque les premiers médecins qui ont réalisé l’ampleur que prenait la maladie, les avancées d’une équipe française, peu considérée bien qu’à la pointe des recherches, parce qu’en face, un géant américain sait comment se faire entendre. Il narre les tâtonnements, les faux espoirs jusqu’à la découverte de la trithérapie qui permettra d’améliorer la condition des malades, mais n’élimine pas le VIH. Et le prix Nobel, attribué aux chercheurs français.


Lien : https://dequoilire.com/les-e..
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Les Enfants endormis

Les enfants endormis, doux euphémisme pour parler d'adolescents étalés inconscients dans la rue avec une seringue dans le bras.

Tout le roman de cet auteur sera à l'image de ce titre, où la plupart des protagonistes se voilent la face durant des années pour ne pas voir que leurs enfants se droguent et se meurent ensuite du sida.

Il faut dire qu'au début des années 80, cette maladie étrange apparue mystérieusement d'on ne sait où faisait très peur et était entourée d'un voile épais de honte et de déni.

Parce qu'on pensait alors qu'elle ne touchait que des drogués ou des homosexuels, bref, des exclus de la société.

L'auteur va nous dévoiler une tragédie familiale, tout en nous racontant l'histoire de la découverte médicale de cette maladie, et l'alternance des chapitres est judicieuse, cela donne du rythme et une sorte de suspense.

J'ai appris beaucoup de choses concernant la partie médicale et thérapeutique du sida, et j'ai été attristée pour cette famille avec laquelle on souffre, à la fois parce qu'un de leur membre est malade, mais surtout à cause de cette honte qu'ils ressentaient tous, au point de taire ce secret durant des années.

Un livre instructif, émouvant et pudique.





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Les Enfants endormis

Alors que la vie semble suivre son cours dans l’arrière-pays niçois, la vie d’une famille va profondément être ébranlée après l’apparition d’un mystérieux virus affectant Désirée, un jeune homme au début des années 1980. Désirée, c’est le prénom de l’oncle de l’auteur, un homme emporté par le SIDA au début de l’apparition du virus en France…



Dans son premier roman, Anthony Passeron a « voulu raconter ce que notre famille, comme tant d'autres, a traversé dans une solitude absolue. Mais comment poser mes mots sur leur histoire sans les en déposséder ? Comment parler à leur place sans que mon point de vue, mes obsessions ne supplantent les leurs ? Ces questions m'ont longtemps empêché de me mettre au travail. Jusqu'à ce que je prenne conscience qu'écrire, c'était la seule solution pour que l'histoire de mon oncle, l'histoire de ma famille ne disparaissent pas avec eux, avec le village. Pour leur montrer que la vie de Désiré s'était inscrite dans le chaos du monde, un chaos de faits historiques, géographiques et sociaux. Et les aider à se défaire de la peine, à sortir de la solitude dans laquelle le chagrin et la honte les avaient plongés ».



En alternant ses chapitres entre l’histoire familiale et les avancées scientifiques dans la découverte du virus du SIDA, Anthony Passeron nous offre un essai poignant qui pousse à la réflexion. Étant née à la fin des années 1980, je n'ai pas pu me compte de l’impact et de la perception qu’avaient les gens face aux personnes atteintes et à ce virus au moment de son apparition. L’inconnu fait peur et il faut un certain temps pour apprendre à vivre avec, finalement comme c’est le cas avec la covid il y a quelques années. Malheureusement l’être humain peut devenir inhumain face à ces situations…



J’ai beaucoup apprécié la plume d’Anthony Passeron et la forme pris du récit où il a su concilier avec brio un important travail de recherche médicale avec l’histoire de sa famille sans tomber dans le pathos.



Je vous conseille fortement cette lecture qui vous touchera forcément et qui s’inscrit dans un véritable travail de mémoire…
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Les Enfants endormis

J'ai énormèment d'empathie pour Anthony Passeron qui, petit garçon, a dû vivre cette histoire familiale écrasée par le souvenir d'un oncle disparu, sans vraiment comprendre mais en ressentant tout.

Et puis, il y a Émilie aussi.

Ce sont les débuts des "années sida".

Avec une alternance de chapitres consacrés à Désiré, cet oncle méconnu, et ceux qui racontent les balbutiements de la recherche, on assiste à cette course contre la montre qui prend son temps, qui se heurte à l'inertie collective.

Pourquoi se dépêcher ? Cette maladie touche des toxicos et et des homos finalement. A quoi bon se presser, c'est mérité.

Il est questions de tabous, de déclassement, de déni, d'intolérance, de préjugés, d'une solitude abyssale, de la tristesse d'une famille meurtrie et d'une grande force aussi.

Adolescente dans les années 80, ce roman raisonne, les souvenirs affluents.

Petit garçon, il a été spectateur de ce déchirement.

Adulte, il écrit ce livre ; un hommage à une famille, à des chercheurs, à des précurseurs, à des soignants (pas tous), à un oncle et à une petite fille.

C'est terriblement émouvant.

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Les Enfants endormis

Des romans français de la rentrée littéraire qu'on a lu jusqu’à présent, Les enfants endormis est sans doute celui qu'on a le plus envie et besoin de défendre



Anthony Passeron (dont c’est le premier roman) nous raconte comment sa famille a été bouleversée, abîmée, meurtrie par les années sida.

Anthony Passeron renverse la rentrée avec ce récit intime et sociologique d’une famille aux premiers temps du sida.



L'histoire se passe dans une famille de petits commerçants dans l’arrière pays niçois, dans un petit village au début des années 80.



Dans cette famille, Désiré est le fils rêveur, celui qui n’a pas envie que sa vie se résume à un train train quotidien, celui qui n’a pas envie de s’absorber entièrement dans le travail comme tous les autres membres de la famille. Désiré est le frère du père de l’auteur (son oncle).Un micro-organisme, surgi d’on ne sait où, réussissait à enrayer une longue histoire d’ascension sociale, une lutte pour devenir quelqu’un de respecté. Il suscitait des sentiments de honte, d’exclusion et d’humiliation qu’elle s’était jurée, il y a longtemps, de ne plus jamais revivre.



La direction de Claude Bernard, gênée par l’apparition d’une population homosexuelle que l’infectiologue attire dans ses consultations, lui signifie que, s’il doit continuer à travailler sur ce syndrome, il devra trouver un autre hôpital où exercer.



Anthony Passeron déroule doucement le fil de la vie de Désiré qui, a 20 ans, rattrapé par l’ennui, part sur un coup de tête à Amsterdam.



C’est à partir de ce moment que comme des dominos qui tombent les uns après les autres, la vie tranquille et sans bruit (dans ce petit village, le qu’en-dira-t-on, la « réputation » est très importante) de la famille de Désiré va commencer à dévier. Le fait que l’épidémie s’incarne ici dans un personnage qu’on suit depuis son enfance, un personnage qui a vraiment existé, la rend d'autant plus « réelle ».



Si réelle, que j’ai lutté lors de la seconde partie du roman (dont je brûle de vous en dire plus car pour moi c’est un sujet qui est resté, il me semble, très tabou ) contre les larmes au fur et à mesure de ma lecture.



Anthony Passeron arrive à faire un grand écart entre avancées de la science expliquées toujours très clairement face à cette nouvelle épidémie (et on voit aussi tous les enjeux géopolitiques, économiques) et un récit familial singulier mais pourtant universel et bouleversant.



Bref dans l’océan de titres de la rentrée littéraire, ne ratez pas Les enfants endormis..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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