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Citations de Antonin Varenne (274)


Au lever du jour ils étaient entrés dans un désert. John Doe se dirigeait à la façon d’un animal, suivant un itinéraire inscrit dans une mémoire plus vieille que la sienne, sans repères visible pour Bowman. Quand Arthur commençait à savoir soif et s’inquiétait de ne voir que les cailloux à perte de vue, John s’arrêtait au pied d’un rocher où coulait un filet d’eau, à côté duquel n’importe qui serait mort sans savoir qu’il était sauvé. Pour les bêtes il trouvait toujours un coin où poussaient des arbustes aussi secs que des pierres, sur lesquels les bêtes se jetaient. Leur course avait quelque chose d’erratique et de nécessaire, suivant des détours incompréhensibles qui les menaient le soir jusqu’à une petite source surgissant d’une fissure, disparaissant un mètre plus loin sous la roche.
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– Yap ! Yap !
À la sortie du village il tourna à gauche vers les entrepôts du comptoir. Il aurait la boutique du Chinois pour lui tout seul. Et au fort, pareil. Plus personne, plus de corvées à la con pendant des semaines. Pendant que tout le monde partait pour Rangoon, lui resterait à se la couler douce. Le roi de Saint-George ! »
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Pallacate. Encore huit miles. Sa dernière course. Peut-être qu’il pourrait rester là-bas cette nuit, aller chez le Chinois et se payer une des filles. Elles étaient propres et le gin moins cher qu’à Saint-George. L’idée de passer la nuit au village des tisserands lui donna des ailes, mais pas à la jument, qui soufflait comme une tuberculeuse. Rooney, les jambes trempées par l’écume, lui envoya une volée de coups. C’était la guerre, on avait le droit de tuer un cheval. Il dépassa des gamins sur des ânes et des paysans en guenilles, aperçut les premières maisons de Pallacate, enfila sans ralentir la rue principale où des femmes coururent se mettre à l’abri, des enfants accrochés dans le dos.
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Les garnisons convergeaient vers le fort et le port. Les villageois, inquiets, avaient fermé leurs portes et leurs fenêtres pour se protéger de la poussière levée par les bottes. L’armée de Madras était en grande manœuvre, sur son chemin la campagne s’était vidée. Lord Dalhousie, gouverneur général des Indes, avait déclaré la guerre au roi des Birmans. Le général Godwin, arrivé la veille de Bombay avec dix navires, mobilisait tous les régiments. Douze heures que Rooney portait des plis aux quatre coins de la région
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– Yap ! Yap ! Yap !
La jument partit au galop sur le dallage de la cour. Il passa sans ralentir les portes nord du fort Saint-George, fouetta la jument pendant un mile. Les plantations de mûriers défilaient, des champs de coton où travaillaient quelques paysans, penchés sur leurs outils. Tout au long de la piste, des colonnes de cipayes, dans leurs uniformes rouges, trottaient sous le soleil sac au dos et fusil à l’épaule.
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– Rooney ! Putain de fainéant d’Irlandais ! Pallacate ! Rooney se leva du banc, traversa la cour en traînant des pieds et se planta devant le caporal.
– La jument en peut plus, chef. Y a plus un canasson qui tient debout.
– C’est toi qui en peux plus. En selle !
Le dos creusé par la fatigue, la tête à demi enfoncée dans l’abreuvoir, la jument pompait bruyamment des litres d’eau. Rooney saisit le licol, lui sortit la bouche de l’eau et grimaça en mettant le pied à l’étrier. Il avait galopé la moitié de la nuit d’une caserne à l’autre, son cul lui faisait mal, il avait de la terre plein les dents et le nez, le soleil lui
chauffait le crâne.
Quinze miles jusqu’au comptoir de Pallacate.
La bête secoua la tête, refusant le mors. Rooney tira sur les rênes, la jument se cabra et il se rattrapa au pommeau pour ne pas tomber. Le caporal se marrait. Rooney cravacha les oreilles de son cheval en criant :
– Yap ! Yap ! Yap !
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Si tu as une arme, tu ne sauves pas ton or, tu perds ta peau, a-t-il conclu.
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Il n’est pas aussi vieux que moi, mais il a déjà compris cela, que les mondes qui duraient toujours, du temps des ancêtres, n’existent plus. Aujourd’hui, les mondes ne durent plus. Ils sont livrés par containers les uns après les autres.
(p.201)
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Je suis pris de sympathie pour les zébus, qui se foutent d’appartenir aux Bara ou aux Dahalo, qui suivent les touffes d’herbe devant leur museau et basta.
Crétins de zébus, qui chargent des crocodiles pour sauver leurs veaux, mais se laissent gratter le dos par les escrocs qui les découperont en steaks.
(p.193)
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Cette discussion parfaite que je dois avoir avec mon fils. Dans laquelle il me pose les questions auxquelles je veux répondre. Est-ce que j’aimais sa mère, est-ce que je l’aime lui ? Je trouve les mots justes. Je lui dis tout ce qu’il a besoin d’entendre. Je lui transmets toute ma sagesse, tous mes doutes, je lui fais comprendre ce qu’il doit puiser de bon dans ma vie et mes expériences, ce dont il doit se défendre et ce qu’il ne doit pas imiter pour être meilleur que moi et heureux. Pour ne pas se tromper là où j’ai échoué. Alors il me dit à son tour qui il est, quelles sont ses aspirations, pourquoi il s’est lancé sur tant de mauvais chemins, pour se tester, pour tester mon amour, parce qu’il est perdu au fond et a seulement besoin que je lui tende une main pour que tout aille mieux. Nous reconnaissons ensemble que nous sommes des êtres imparfaits. Je lui dis enfin que rien n’est de sa faute. Que dans ce monde où tout est imparfait, lui, mon fils est parfait. Qu’il est tout ce qu’il devrait être et a encore le temps de devenir tout ce qu’il veut, d’être satisfait et libre. Alors nous nous prenons dans les bras. Il est devenu par la magie de ces mots et de l’amour, à quarante ans, l’homme sage que je viens enfin de devenir à soixante-dix ans. Nous sommes tous les deux heureux, moi d’avoir vécu et d’avoir été son père, lui d’avoir encore la vie devant lui et d’avoir eu ce père.
Mais la voix de Guillaume nous lance droit dans nos vieux murs.
(p.151)
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Paradoxe un peu déprimant : l’âge est la clef pour affronter sereinement l’avenir. La leçon n’est pourtant pas compliquée et devrait être à la portée de tous, jeunes et vieux. C’est que l’avenir n’est pas décidé. Plutôt qu’une inquiétude, c’est finalement un gros avantage par rapport au passé. Qui est le vrai danger. Parce que lui ne changera plus. Il est entièrement dit et on n’y peut plus rien. On ne pèse pas sur le passé, c’est lui qui vous pèse dessus et il vous rattrape immanquablement, alors qu’on peut toujours bifurquer ou fuir quand on regarde vers le futur.
Une loi de l’univers que Patrick énonce en termes plus simples : on refout toujours les pieds dans la merde qu’on a laissée derrière soi.
Le passé, cette saloperie, a même le pouvoir de nuire à l’avenir.
Vieillir est terrifiant. Pas étonnant que les vieux deviennent séniles, retombent en enfance et se mettent à tout oublier. Ça doit être un système de sécurité du cerveau humain, comme les coups de chaud et les comas.
(p.136)
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Paradoxalement, ce n’est pas à Tamatave, sur la côte, que j’ai la sensation de vivre sur une île. J’y ai plutôt l’impression d’être sur n’importe quel littoral continental, avec un port pour en partir. C’est toujours quand je m’enfonce dans les terres rouges et vertes de Mada que me revient cette impression d’isolement insulaire. À Mada, plus il y a de terres autour de moi, plus je me sens sur une île coupée du reste du monde et plus l’impression est forte que sur la Grande Île tout est connecté. Qu’ici l’effet papillon est réel, magiquement réel. Que Mada est un seul organisme géant. Qu’une politesse faite à un voisin dans le nord de l’île a un effet sur la vie des villageois d’un coin paumé du Sud. Que le sang d’un vasah tué à coups de machette chez lui par des cambrioleurs coule sur les volontaires d’une petite ONG ailleurs dans le pays. Que la transpiration d’un touriste bedonnant, en train de baiser une mineure sur une île paradisiaque de Nosy Be, coule froide sur la nuque du vasah qu’on assassine. Que les chants de cette procession funéraire – que je croise sur ma route – suivant un cercueil dans une Peugeot plus vieille que l’indépendance font rayonner sur tout Madagascar la sagesse d’accepter la part de mort que contient la vie. La part de danger de tout voyage.
Mais je n’entends pas vraiment les chants. La procession disparaît dans mon rétroviseur moucheté de boue brune. Je suis en boucle. Quelques mots qui tournent et tournent dans ma tête.
Le temps. Inutile. Folie. Mes enfants. Ce qu’il reste de ma vie.
(pp.52-53)
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Antonin Varenne
Le cheval était malin et Bowman conclut qu'il n'était sans doute pas trop nerveux pour travailler, seulement qu'il n'en avait pas envie.
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Capturé à trois ans, le cheval de Bowman avait les nerfs à fleur de peau. La bête lui avait plu, quelque chose de distant dans le regard. Il s'était imaginé que lorsqu'ils serait dessus, on ne l'approcherait pas trop, qu'ils feraient la paire. le mustang n'avait pas été sellé depuis plusieurs mois et le contact du cuir l'agaçait. Bowman était resté un moment avec lui dans le box de l'écurie, assis sur une barrière à fumer une pipe pendant que l'animal lançait des coups de sabots dans les planches. Petit à petit le cheval s'était approché pour sentir la fumée du tabac. Bowman avait attendu qu'il le touche d'abord, puis lui avait frappé doucement l'encolure en lui promettant une balle dans la tête s'il essayait de le sortir de selle. Au son de sa voix, le cheval avait reculé d'un pas et couché ses oreilles en arrière.
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Le Fox and Hounds semblait rempli ce soir d'une bande de vieux orphelins, portant le deuil de la Compagnie et la maudissant à la première occasion. Derrière les sourires et les mauvaises blagues, il y avait une tristesse coupable de n'être les vétérans de plus rien. Leur ennemi de toujours était mort et à la table là-bas, dans un coin de la salle, son fantôme buvait de la bière à s'en faire péter le ventre
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Tardez pas à rejoindre Denver et à sortir de ces montagnes, parce que le froid va bientôt vous attraper par les pieds mon gars. Par ici, le printemps arrive pas avant que l'été soit fini.
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-Max, vous êtes un optimiste contrarié, un pessimiste qui croit au bonheur.
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Le tueur tente de réaliser son monde intérieur-cest le talent de l'artiste qu'il désire, qu'il détruit. S'il aime, c'est qu'il hait. Sil cherche, c'est qu'il manque. S'il est fort, c'est qu'il est impuissant. S'il mutile..
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Aux J.O. de Mexico en 1968, deux athlètes noirs, Tommie Smith et John Carlos, première et troisième marche du podium du 200 mètres, lèvent un poing ganté de cuir noir (Black Panther Party), ils ont ôté leurs chaussures (misère des Noirs), portent un foulard noir (lynchages). Le public hurle, crache, insulte, menace. Martin Luther King a été assassiné cinq mois plus tôt. La loi mettant officiellement fin à la ségrégation aux États-Unis est passée en 1964.

1964.

Virés du village olympique, interdits à vie de compétition, Smith et Carlos seront aussi virés de leurs boulots aux USA. Ils deviendront des va-nu-pieds. La femme de Smith le quitte. La femme de Carlos se suicide.

Le record du monde du 200 mètres, établi par Tommie Smith aux J.O. de Mexico en 1968, ne sera battu qu'en 1984.

Les droits de l'Homme sont pratiques. Ils ne sont pas politiques. On peut en faire des autocollants pour événements sportifs. Sauf si on exploite les droits de l'Homme à d'ignobles fins militantes. Peter Norman, le troisième homme, blanc, du podium de Mexico, pour avoir été solidaire de Smith et Carlos en arborant sur son jogging un écusson du Olympic Project for Human Rights, n'aura plus de carrière sportive non plus. Il était australien, enseignant, l'Australie avait accordé la citoyenneté aux Aborigènes un an plus tôt, en 1967.
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- Est-ce que tu as trouvé un peu de beauté ? Tu sais ce que c'est, la beauté, oui ?
- Tu vas me le dire.
- Et on pourra comparer alors.
(...)
- La beauté, c'est ce que tu gardes jusqu'à ton lit de mort.
- Il y a des gens qui meurent en haïssant la Terre entière.
- C'est vrai. Ils crèvent accrochés à leurs draps en grinçant des dents. Ou morts de trouille. C'est vrai. Alors disons que la beauté, c'est ce que tu dois garder pour bien mourir. Toi, tu dis que c'est quoi ?
- Ce qu'on peut partager sans le découper en parts.
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