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Citations de António Ramos Rosa (186)


UNITÉ


Complice absolu de ces arbres,
d'un parfum d'hélices et d'antennes,
de sa solitude incendiée,
de sa profondeur dorée.
Avec le calme d'une aurore animale,
un abandon docile à l'enchantement,
une sérénité adolescente,
que de prodiges accomplis par une seule présence
immédiate, qui soudain traverse le corps !
Être plus heureux ? Si chaude est la paix,
si terrestre le ciel et sa gloire,
que nous nous sentons souverainement légers
dans le délice de la transparence tranquille
et dans l'ardeur entière, douce et très vive,
qui vient des nuages, des racines, du feuillage
et coule dans nos veines comme une brise blanche….

p.140
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UNIFICATION


Oubliant les noms, unifiant le non
dans une éclipse de terre, voici presque l'éveil
sur le sable noir, sous la marée rouge.
Ô bonheur d'être si proche de rien
et, sans rêve aucun, être le feu courant
qui culmine et s'évanouit dans la blancheur des limbes !

p.114
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LES CHIFFRES


Je me suis retrouvé sans armes dans un nuage
ardent.
Je voyais l'or rouge des oiseaux, les campanules
bleues, les vents verts. Anges et vipères
s'enlaçaient parmi les flammes effilées. Une pourpre
nocturne enveloppait les cratères effervescents.
Mais plus haut j'ai vu la lumière blanche de
l'énigme
et senti sur le visage un souffle magique. Je respirais
un autre monde comme si c'était une eau limpide.
J'ai découvert les chiffres, le parfum des chiffres,
dans le très fragile équilibre de la voûte céleste.
Et c'était l'amour vertical, le midi permanent,
colonnes qui dansaient immobiles,
le repos subtil d'un soleil de pierre,
et la présence était partout, la présence
qui ne s'accumule ni n'éclate, toujours blanche.

p.129
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La tenace obstination du temps
qui se défait et se refait
qui n’est pas encore ce qu’il sera
qui est déjà ce qu’il n’avait pas même pensé être
et qui est juste un peu plus que le néant qu’il est
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Nous écrivons et nous ne savons pas si la figure
aux narines irisées peut d’un seul geste
concevoir les vestiges qui la délivrent
de toute autre vérité que le vent
et qui de la salive ourdissent l’éclair
ou le silence des versants obscurs
Sans savoir nous apprenons lentement à connaître
un autre espace au dessin translucide
où s’ébauchent de légers capillaires
dans la vision gracieuse au visage de reine
Écrire serait alors comme si sur la colline
le soleil s’illuminait en ouvrant
des sillons verts dans la maison
où la mer se rend à la paix des fenêtres
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Nous sommes soudain libérés dans le dialogue
qui tel un feu s’élève et nous environne
et nous devenons alors la flamme et son sommeil
qui nous harmonisent au cœur même de l’excès
Et les nuages que nous sommes s’alourdissent
de notre présence et sont des figures
consistantes dans le vent des images
La perfection ondule ouvertement
dans la liberté de la parole qui dérive
en un firmament d’oisiveté et de désir
où le délire est la raison d’un fleuve
qu’une conscience enivrée illumine
Et nous sommes déjà cette veillée intime
qui incline vers d’autres les ombres amoureuses
et avec eux se conçoit cristalline
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Je veux savoir de quel bois
est fait le nom
la lune des murailles
je veux savoir qui est vivant
entre des virgules de terre

J’irai au fond de l’ombre
entre des lettres effacées
entre les astres et la mer
j’embrasserai un arbuste
sur les eaux de l’été

J’entre dans un sommeil lucide
épais comme un fruit
Je suis aveugle et je fleuris
dans la cicatrice des épaules
J’ignore mais je connais
l’essentielle fluidité
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António Ramos Rosa
Cet homme, qui vient de sortir d’une porte de pierre est un animal au cœur blessé, aux yeux embués, à la démarche vacillante. La lumière est pour lui trop intense parce qu’il la voit à travers les fleuves souterrains du sommeil. Les regards de la foule le maintiennent dans une terreur nocturne [..]. Escarpés et sinueux, tous les chemins descendent vers le fleuve. Là, près de deux colonnes, l’homme regarde l’estuaire dans son harmonieuse majesté, mais ce qu’il voit n’est plus qu’une stridente fulguration qui obscurcit plus encore la nébuleuse de son angoisse. L’homme chemine à présent environné d’une lumière précieuse, très blanche, mais dans la brume de ses yeux ne volent ni mouettes ni colombes. [..] Sa marche est une interminable fuite et sa quête une angoisse qui tournoie parmi des volutes de fumée et d’arides vertiges. Rêve-t-il en déambulant dans les ruelles et les escaliers ? Respire-t-il un autre monde qui aurait connu la rédemption ? Non, car en lui tout vacille et se perd dans un abîme de grisaille où il n’y a ni prodiges ni présences lumineuses. A présent ses pas précipités le dirigent vers une chambre où la vertigineuse lenteur des murs l’étouffera dans un cercle de solitude et de peur.
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J’écris comme un nageur s’en va fendre les vagues
et c’est ma propre nullité que je traverse
À présent je sais que tout peut venir de n’être pas
ou contenir en soi le rien en vide vibration
Les jours varient sans que varie le travail de varier
et c’est cet arc d’identité et de différence
qu’est le temps surhumain et toujours anonyme
Si c’est à nous qu’échoit de bâtir les perspectives du jour
pourquoi donc déambulons-nous dans la sécheresse d’un cercle
privés du vent vivant qui rajeunit les veines
si étrangers les uns aux autres si égarés si somnambules ?
Désormais l’inaction ne reluit plus de l’or de la sérénité
Désormais nous ne sommes plus au monde Nous ne sommes plus pieds nus
pour sentir la peau de la terre dans toute sa chaude fraîcheur
En trop grand nombre sont bruits rires et cris absurdes et vains
à lacérer le corps du silence subtil et nu
Ce qui est commun se perd ce qui est essentiel s’efface
et c’est en justiciant à coups de pelle que le vent du temps passe
sur les sons des bouches qui ne savent pas la nudité du silence
Que n’avons-nous bâti nous-mêmes cette ombre mélodieuse
qui viendrait s’élever en houle sur nos têtes
et nous donner audacieuse élévation ardente vibration
afin que nous soyons en résonance avec ce qui dans le jour est centre glorieux
ou le noyau que nous imaginons d’une libre légèreté ?
Oui il nous est possible d’être le mot le dit pendant qu’il vibre
parce qu’il est le oui de l’univers auquel répond le oui de l’univers
Si ce qui compte est si peu et dans ce peu le rien
comment pourrons-nous ceindre le volume de notre identité
à travers le temps ? Jamais l’identité ne fut continue
mais le projet de l’être se parachève dans sa création instantanée
tout autant illusoire que vraie audacieuse qu’incertaine
Le feu scintille en chaque mot il incendie les bouches
qui l’aiment ou qui l’ignorent Et c’est le silence qui brûle
dans une violence subtile une fraîche candeur
Et quelqu’un tâte le pouls du poème de toute la délicatesse de ses doigts
Que de mots qui pourraient être dits se tiennent là frémissants
Ce sont les mêmes qui une fois furent dits et sont encore à dire
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Aucun mot ne peut remplacer ce qu’il suggère
et qu’il projette bien au-delà de sa portée
N’est-ce pas le feu qui le remue le feu de sa soif ?
Quand il mûrit il vient comme une vague d’huile
sans l’incendie prématuré des métaphores
comme une bouche unifiant avoir été et aller être
Il veut être nu et libre dans l’espace qu’il ouvre
pour se livrer à un autre inconnu qui l’habite
sans lanternes de sable sans éclairs de verre
Peut-être trace-t-il les lignes délicates
qui viendraient onduler comme un silence d’eau
ou les dunes tranquilles d’une plage
Qui aime le soleil bleu de la solitude
c’est qu’il aime celui qui toujours est occulte
et qui pourtant exhale et sa musique et ses couleurs
comme s’il désirait nous recevoir dans son corps creux
Nous recherchons la différence de ce qui nous est le plus propre
mais la distance est grande bien qu’elle soit en nous
Pouvons-nous dormir sur une dune en ressentant nuages et vagues
comme s’il s’agissait du feu lui-même en plein sommeil ?
Aurons-nous manqué la barque aérienne qui traversait les feuilles
et nous déposait au creux d’une clairière blanche ?
Écrire serait la même chose que prononcer les voyelles de l’eau
du jour dans sa splendeur d’éventail grand ouvert
Pourrons-nous aborder cette île des lointains
où la nudité chante et danse en arborant de blancs rameaux ?
Ou ne l’entendrons-nous que telle un pur signal
lancé par ce qui ne viendra jamais à être mais nous pousse en avant
tout comme si deux temps s’unissaient dans l’arc de l’instant ?
Nous ressentons la vocation du mot à se faire eau
mais tout autant la consistance substantielle de ses pierres
Et le feu se redresse avec ses veines ainsi qu’un cheval vert
à la rencontre de ce pur possible
qui est un prodige de l’air une colonne qui frissonne
et qui n’est rien que le frémissement de la figure
que la blancheur vient effacer
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Comment pourrais-je vivre sans le silence de cet arc
que dans le temps l’on ne voit pas mais par où le temps passe ?
Les mots que je veux incendier
eux seuls savent les dessins du vent les dessins de l’eau
Sera-t-il encore possible de bâtir sur la cendre du temps
la maison de maturité avec ses constellations blanches ?
Je suis peut-être celui qui désire marcher le long d’une allée claire
et sentir que son corps est aussi le sol qu’il foule
et les arbres tout autour le gazouillis des oiseaux
et une petite source sous la danse d’une libellule
Tout ce que je désire pourra-t-il être actuel et vivant
ou bien n’est-ce que le possible sa spirale enroulée
qui pourra se projeter sur la perspective d’un horizon neuf ?
Qui est devant la page sait-il par hasard quel est son chemin ?
Il n’en sait rien et pourtant la barque de l’adolescence frémit
parce qu’elle est la barque du désir incessant
J’écris avec l’espoir fragile de réveiller la vigueur
à travers l’épaisseur d’un vent végétal
et d’entrer sans le savoir dans un champ d’évidents prodiges
Peut-être faut-il s’en aller mais vers où ?
Comment pourrai-je m’abandonner à la nudité de cet autre
qui étranger à moi est mon être le plus mien ?
Le corps serait-il un coquillage qui ne s’entrouvre jamais
comme s’il retenait le cri d’une étoile le hurlement d’une hyène ?
Qui saurait vivre en bonne entente avec le feu comme s’il reposait
dans une clairière de silence ? Comment prononcer avec une langue de sable
les vibrantes voyelles des flambées souterraines ?
Jamais les vers ne seront rameaux de sang rameaux de temps
Comment pourraient-ils posséder le bonheur concentrique d’un corps
quand toutes leurs veines sont soleil et mer ?
Serait-il arrivé le temps des fruits mélancoliques
ou est-ce que l’hiver déchire inexorable la trame de sable
en laquelle vacille notre fragile identité ?
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Tu dis arbre et tu dis pierre et tu dis silence. Pour commencer, pour que les signes soient vent et corolle, dispersion et renouveau. Qu’ils soient ce pays, cette eau, ce corps aimant. Dans la fraîcheur dilacérante, dans la vivacité de l’eau. Le mot disparaît, se perd dans une ouverture, une faille. C’est un souffle qui dit, plus que tout, la soif, le vide, l’oubli.
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J’écris avec des mains détruites…

Je descends avec le sable de l’ombre…

La splendeur d’un juste domaine. Et une terre éveillée, pure d’abandon…

La page mobile se remplit de murmures blancs et de pays sans nom. Quelque chose veut parler, quelque chose vit dans le silence, quelque chose se lève et se perd parmi les fragments épars.
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J’écris comme si je voulais dessiner une ligne d’équilibre et de repos. La main, ou l’ombre de la main, caresse une lente et profonde chevelure. Dans l’anonyme fracas, de silence en silence, je trouve [..] des totalités brouillées par des ombres, des embruns d’écume, des voix et des arômes incandescents. Je pénètre dans une matière mobile parmi les fragments désespérés. Je me perds dans le sable des noms, je m’attarde sur les pierres patientes et proches. Voici que l’eau s’écoule claire et légère entre ses propres doigts. Peut-être quelqu’un a-t-il perdu une couleur très simple ou le sang d’un songe.
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C’est l’heure de la lente urgence de l’abandon
pour n’être pas plus qu’un navire d’eau sur les eaux
ou accomplir l’élan subtil et léger d’une flamme
Nul ne me dit à l’oreille ce secret
de la matière solaire d’eau de lune
nul dieu ne m’inspire la voix qui danse
et qui naît seulement de mon désir d’air
et de la complicité avec l’indolence obscure
d’un corps indéfini mais ouvert
quelque chose s’offre dans l’abîme quelque chose m’accepte
[..]
où n’étant rien et privé de forme je suis la totalité
fugitive de l’air dans la corolle de l’instant
Je me perds et me retrouve dans l’ombre même que je suis
[..]
Je sens le poids et la légèreté d’une sphère
et j’appartiens dans ma fuite à un domaine indicible
dans une ascension sans aile dans une tour interminable
où le désir est le mouvement qui se donne
et s’élucide dans un centre lumineux et fragile
qui se projette devant lui et se renouvelle
sans perdre la fertile obscurité de personne
ni la blancheur de l’horizon qui surgit
de son offrande souterraine et ardente
Le monde se dilate et se concentre dans la distance
où l’ombre féconde un corps offert
qui n’appartient qu’au mouvement qui réunit
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Parfois chaque objet s’éclaire
d’une pause intime en son pur mouvement
parmi les sons minutieux qui détournent
l’attention vers une cavité minime
Etre ainsi aussi bref et profond
que dans le silence d’une plante
c’est être au fond du temps ou à son sommet
ou dans la blancheur d’un sommeil
qui nous révèle la scintillante substance du lieu
Le monde tient ainsi dans un limbe
et c’est comme un écho limpide et une feuille d’ombre
qui erre en tremblant parmi d’infimes lumières
Il est l’astre immédiat d’un sommeil fluvial
et lucide une éclipse nubile
où être seul c’est être au plus intime du monde
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Qu'est-ce que construire un corps où n'existe
que la mémoire du soleil ? C'est presque la terre ferme.
Presque le dos de la terre, l'eau qui ouvre le regard.
Mais le cheval avance, le regard est grand ouvert.

Je suis un peu de mer entre deux collines, je suis
le bois et la sève de l'arbre sous des décombres,
je suis le cheval fourbu et obstiné au sommet
de la colline morcelée et de la gorge ouverte.

Entre des genêts et des pierres je suis un corps construit
par le paysage nu, je suis quasiment un souffle complice
de la simplicité absolue,
de l'ample respiration de la pure altitude.

p.47
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UNITÉ


…Éclat des ivres évidences,
permanence des éclairs pacifiques !
Sous la pénombre des frondaisons tout s'enlace
dans la simplicité première de l'univers.
Tant d'unité en surface et en profondeur,
monotone et lente et vibrante et parfumée !
La fragrance est totale dans la pure indolence,
heureuse de se répéter et d'être toujours à l'origine.
Qu'il est facile de réunir tous les yeux de la lumière,
l'autre et le même dans les volutes de la transparence !

p140-141
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Il y a une terre qui halète dans la gorge,
il y a un bouquet d'herbe qui embaume la maison.
L’air est solide, le chemin pierreux.
Je cherche l’eau profonde et pavoisée de noir.

J’emplis de terre le crâne, je veux respirer plus haut,
je veux être la poussière de la pierre, le puits verdi de mousse ;
le temps est celui d’un jardin
où l’enfant rencontre les fourmis rouges.

Je vais jusqu’à la fin du mur chercher un nom obscur :
est-ce celui de la nuit proche, est-ce le mien ?

p.43
Traduction du portugais par Michel Chandeigne.
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PAR-DELA LE FEU

Elle ne fait que murmurer ou se taire, enlacée
aux branches de l'absence. Parfois dans la forme
d'un nuage
elle vogue dans l'espace et on dirait que la tran-
quillité
sourit. L'ombre décroît, l'être s'attache
au lieu, la demeure s'incline.
En une seule phrase le désir vibre et se libère.
Le regard et le temps coïncident dans le vide des
signes.
Il y a une flamme par-delà le feu, dans le cercle
où vacille l'informulé. Blanche ballerine.
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