Asako Yuzuki

Pour un homme qui cherche à se marier, l'idéal serait d'épouser une femme la plus dénuée de volonté et de vie possible. Le must, c'est une morte, ou un fantôme.

C'est amusant de faire la cuisine, mais dès l’instant où il s'agit d'une obligation, cela devient une corvée, n'est-ce pas ?
Il en va de même pour le sexe, la mode ou la beauté.

La cuisine de Reiko était si délicieuse qu’elle s’en remémore encore le goût dans ses moindres détails. Ce fumet et ces arômes qui avaient enveloppé son corps las… Ces ingrédients de saison qui lui avaient assurément redonné de l’énergie pour le lendemain… Mais ce n’était rien à côté de cette succulence qui se déploie depuis la pointe de sa langue pour s’emparer d’elle tout entière et l’entraîner en terre inconnue.
La cuisine de Reiko était si délicieuse qu’elle s’en remémore encore le goût dans ses moindres détails. Ce fumet et ces arômes qui avaient enveloppé son corps las… Ces ingrédients de saison qui lui avaient assurément redonné de l’énergie pour le lendemain… Mais ce n’était rien à côté de cette succulence qui se déploie depuis la pointe de sa langue pour s’emparer d’elle tout entière et l’entraîner en terre inconnue.

Dans sa bouche, l’amertume de l’ail grillé se déploie progressivement, menaçante. Lubrifiés par la graisse, les grains de riz glissent un à un sur sa langue en direction de sa gorge. Aussi succulente qu’ait été la viande, le goût de ce riz gorgé de jus touche à l’exceptionnel. Elle ressent un regain d’énergie tandis qu’elle mâche. Envahie par un confort et une lassitude étrange, elle pourrait bien s’endormir. « Ah, que c’est bon » murmure-t-elle a plusieurs reprises.

Il s’avéra que les hommes étaient morts les uns après les autres depuis qu’elle suivait ce cours.  « J’ai commencé à cuisiner pour moi-même. » il ne serait pas absurde d’imaginer que tous ces individus, privés de soins depuis qu’elle avait redirigé vers elle-même l’énergie considérable qu’elle mettait à s’occuper d’eux, avaient perdu goût à la vie et choisi le chemin de la mort.

Là encore, c'est une forme de violence silencieuse. Ne pas prendre soin de soi au prétexte qu'on n’a personne pour tenir à soi, ça aussi, c’est une forme de violence envers les autres. Je ne pense pas que vous manquiez de rigueur, mais si vous-même pensez que cela n'a aucune importance, c’est triste. Peut-être, sans le savoir, êtes-vous en train de faire de la peine à votre fille qui vit séparée de vous. Toutes ces personnes... toutes ces victimes auraient pu être heureuses même sans Kajii, même sans femme. Elles auraient pu prendre soin d'elles-mêmes , sans personne d’autre pour le faire à leur place. Elles auraient pu appler à l'aide. Ça ne devrait pas être si difficile. En tant que journaliste, sans doute est-ce que j’aurais le plus envie de dire…

Kajii adresse un clin d’œil espiègle à son interlocutrice ébahie, avant de pincer son ventre à travers son pull avec un regard provocant. Rika l’imagine sans peine nue, le menton calé entre ses seins énormes pour sucer un de ses tétons . Comme si elle voulait se manger elle-même…. Peut-être se livre-t-elle à ce genre de plaisir solitaire lorsque les gardes ont le dos tourné. Car l’objet du désir de Hanako y’a Kajii n'est pas un ancien amant ni une qu conque idole, mais bien son propre corps. Voilà sans doute pourquoi elle se montre toujours aussi imbue d'elle-
même et dégage ce capiteux parfum de féminité. Telle une plante Fleurissant par autogamie... En réalité, n'est-ce pas elle qui a moins que quiconque besoin des hommes?

Si elle a servi du bœuf bourguignon plutôt qu’un banal curry ou ragoût à ce célibataire peu versé dans la gastronomie qui ne désirait rien tant que l’épouser, c’est tout simplement parce qu’elle même en avait envie. Les victimes, elles, ne s’en doutaient pas le monde du monde. Elles mastiquaient avec bonheur, prenant ces plats pour l’expression de son amour. N’en va-t-il pas de même avec Makoto? Il a suffit que Rika lui serve un plat de pâtes pour qu’il la repousse, craignant ainsi qu’elle ne lui impose ses sentiments et l’implore de l’épouser. Alors qu’elle les avait préparées pour elle-même. Voilà pourquoi elles étaient délicieuses.

J’étais en train de choisir des ouvrages de Sagan dans une librairie locale quand il m’a abordée. Je suis une grande lectrice, vous savez. 

Elle est différente des victimes de Kajii… Elle est capable de se lever et de s’alimenter d’elle-même. Elle perçoit même les goûts. Voilà pourquoi elle va appeler à l’aide. Elle rassemble ses dernières forces. Elle doit tout faire, même le plus abject, pour ne pas mourir, même si cela revient à briser les règles, à s’attirer l’opprobre.