Mais j'étais né maudit dans une famille de maudits, qu'y faire sinon se montrer à la hauteur.
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P.-S. : Surtout ne prends pas la peine de répondre à ma lettre. Reste pour moi l'abstraction que tu as toujours été. J'ai toujours aimé les lamentations sans visage et la mort sans toi.
Un nombre abondant de cadeaux cache une volonté de pouvoir.
De mon côté, il me manquait la chute de l'enfance. J'avais toujours été patraque, j'étais blindé.
En chaque personne que j'ai rencontrée, en chaque corps que j'ai possédé, j'ai cherché le parfum de ton amour. J'ai pas mal tergiversé, je le connaissais si peu. Je ne le connaissais pas. L'ivresse était là, parfois. Mais elle était toujours sans mémoire.
Dans une boîte, on se fout bien de savoir l’heure qu’il est. On échappe à la tyrannie du temps. On se laisse embarquer dans cette nouvelle existence où la lourdeur est exclue. C’est comme si on se consignait au vestiaire pour se récupérer en sortant.
Faire l’amour pour la première fois dans un jardin public, j’aurais trouvé ça cool. Le parfum de l’herbe mouillée mêlé à celui du danger d’être surpris, comme des amants clandestins, des amants de la nuit. Si Karim a refusé d’aller jusqu’au bout, c’est uniquement par égard pour moi et pour l’idée qu’il se fait des sentiments des filles. A force de faire leur belle, elles nous pourrissent les expériences. Se contenter de paloter pendant cent sept ans fait de vous une demeurée. Lorsqu’on a envie de rentrer dans l’existence, le seul moyen est de passer par la grande porte, avec un corps plus tout à fait intact. Le palot ça vous laisse au bord de la vie, c’est mon avis.
Vous prétendez avoir mis le Diable dans votre poche, soit! Cela ne m'étonne guère, vivant ou mort, il me semble que vous n'avez pas cessé de dîner à sa table.
Peut-on être totalement mauvais ? Je n'en sais rien. Je sais que la banalité du mal a toujours fait débat mais j'oserais affirmer qu'à quelques détails près et quelques exceptions humaines, j'étais fait du même bois que ces masques vertueux qui ne cessaient de crier au loup à chacune de mes apparitions. Je n'étais qu'un homme sans moral mais je continuais d'être un homme.
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Toutes ces heures à réfléchir sur mon propre compte m'ont permis de comprendre que je n'étais pas un monstre. C'était encore bien pire pour moi. En êtes-vous arrivée à cette même conclusion ? Pas à mon sujet, au vôtre?
Ne m'en veuillez pas pour cette dernière plaisanterie. Je ne sais pas si cela vous consolera mais vous valiez mieux que moi ou disons plutôt que vous portiez mieux l'élégance.