Béatrix Beck

SON PORTRAIT (savoureux) PAR A. VIALATTE (1953)
" Béatrix Beck, c'est quelqu'un. Elle n'a encore écrit que 2 livres et a eu 3 prix littéraires. Elle cumule aussi les ancêtres: elle a du sang de sauvage peau-rouge, de serf letton, de lancier polonais; elle ne se refuse aucune race, par le moyen d'aucun circuit: elle est arabe par l'Italie, juive par un aïeul protestant. En un mot, elle est née en Suisse d'un père belge et d'une mère irlandaise. Autant de métiers: femme de ménage, professeur libre, ouvrière en fermetures Eclair. Pour résumer: secrétaire d'André Gide. A cause de tant d'ascendances, de méchantes langues lui reprochent de parler le français comme une langue étrangère. "Il n'est, disent-ils, vraiment bon Beck que de Paris." Mauvais plaisants!"

J'avais des difficultés à enfourcher la selle. Bien que baissée, elle était encore trop haute pour moi. Sa forme de bec pointu me faisait mal. Je ne sentais suivie, dans la pénombre, par les yeux moqueurs de Morin. Il me semblait, sorcière, chevaucher une bécane liturgique pour me rendre à la messe noire.

ça vous donne envie de rire, quand on parle du démon ? Eh bien, riez à cœur joie, c'est toujours ça de pris sur lui.

Il ressemblait, dans sa souquenille noire, à un merle moqueur.

- Et puis, il y a une raison plus grave encore qui fait que les protestants, même s'ils sont des saints, ne seront jamais des chrétiens.
(...)
- La raison, c'est que le Christ a dit : "Ma chair est vraie nourriture et mon sang est vrai breuvage." Et les protestants ne croient pas à cette affirmation du Christ, ils nient la présence réelle. Ils font partie des disciples ont dit : "cette doctrine est dure ! Qui peut l'écouter ?" et à qui Jésus a demandé : "Cela vous scandalise ?" Les protestants ont accompagné ces disciples-là, qui sont retournés en arrière et ont cessé de marcher avec le Christ, ce qui évidemment était beaucoup plus sage. Les protestants sont bien trop raisonnables pour être chrétiens. C'est malhonnête d'avoir fait de la communion une simple commémoration. Comme si le Christ était un amateur de souvenirs !

- Elle est complètement braque, cette fille, murmura Morin.
- Croyez bien que si je me convertis, c'est à mon corps défendant.
- Voilà une possédée, s'extasia le prêtre. Il va falloir que je vous exorcise.

Si Dieu est, alleluia ! S'il n'est pas, construisons-le.

- Comment voulez-vous que je crois sans preuves ?
- Il ne faut pas qu'il y ait des preuves. La croyance en Dieu, ce n'est pas une certitude scientifique, cérébrale, comme vous avez l'air de le croire. La croyance en Dieu, c'est un accord de notre être tout entier. Quand vous aimez quelqu'un, vous aimez sans preuves. La foi, c'est pareil.

Le lendemain ,Simon promenait des doigts agiles sur les groupes de points en relief en souriant de plus en plus.Parvenu à: je ne vip que danp l'attente d'un pigne de toi il éclata de rire.( Page 156).

Régalée d'un dîner fin et des aventures picaresques de la mendiante Olivette et de la princesse Perle -de-Moule,Dolorès sourit en dormant.Elle tient par la main Olivier et Perlin ,pantins puis grands garçons qui l'entrainent jusqu'à deux pièces d'eau bleuâtre.《 Dolorès Abenzoar,ces mares sont à toi.Tu les as gagnées.》
La rêveuse pose un pied sur chaque étang.Sous ses pas ,l'eau est un tapis .Elle avance ,avance.( Page 79).

-Où sommes -nous?
--Dans une grande allée de platanes .Vous pourriez toucher les troncs,les écorces.
J--Je ne vous oblige pas à marcher trop vite?
--Non,non.
--Je crois me souvenir qu'on débouche sur un point de vue,
--Oui,en somme.Si on veut(Page 11).

Au hameau, Ginette Souche, qui nous traitait de fumier, fiente et purin, se tapait Marquis. Mieux vaut coucher avec son père qu'avec son chien. C'est l'hôpital qui se paye la tête de l'hospice.

Le silence nous unit, parfait de plénitude.

Sa séduction semblait tenir, plutôt qu'à tel élément en particulier, à un ensemble de contrastes, un air de chemineau princier, d'ascète rieur, de main de fer dans un gant de velours, de sapience juvénile.

Si Sabine me fascinait, c'est d'ailleurs qu'elle ressemblait à un jeune homme, mais doué de charmes singuliers, d'une virilité délicatement féminisée.

Quand j'étais spontanée, j'étais hypocrite. Mon premier mouvement ne venait généralement pas de moi, mais d'un avocat marron. Pour atteindre la sincérité, je devais m'en approcher avec précaution, comme un chat d'un oiseau.

Il a menacé de ne plus me donner l'absolution si je continuais à me faire teindre. Il sait exactement combien ça coûte, il doit avoir un pénitent coiffeur. Il m'a conseillé d'imiter "la simplicité des femmes communistes". J'ai tout de suite compris : les femmes communistes, c'est vous. Vous l'avez complètement soviétisé. Je lui disais : "Si j'accepte ce travail d'auxiliaire sociale, je vais être trop prise. Il m'a répondu : "On n'est jamais trop pris." "Vous en avez de bonnes, monsieur l'abbé. Et ma fille ?" "Mettez-la en pension, elle sera bien mieux." Son rêve, ce serait le système russe : les enfants élevés dans des casernes pour que les parents puissent s'occuper de Pierre et Paul.

Christine possédait un livre de messe marqué à ses initiales. Sa fille Chantal lui dit :
- Je suis contente que toi et moi, notre nom commence par la même lettre.
- Pourquoi ? demanda Christine attendrie.
- Parce que, comme ça, quand tu seras morte, je pourrai me servir de ton livre.
Peu de temps auparavant, France m'avait dit :
- Quand tu seras morte, qu'est-ce que tu voudras que je plante sur ta tombe ? Pas des fleurs chères, parce qu'il faut que je garde l'argent pour élever mes enfants.
et :
- La maîtresse est morte, mais ça ne fait rien, on en a mis une autre à la place.
J'admirais la sagesse de ces enfants, qui réduisaient la mort à ses justes proportions.

L'amour n'est qu'une approximation. Aucun être n'a été conçu spécialement à l'intention d'un autre.

Tu n'étais plus le marin mutiné qui prend Dieu à la gorge pour l'obliger à révéler la destination, tu n'étais plus que la femme d'un mari, tu étais devenue une moitié d'humain.