Le Grand Rafraichissement

Benoît Duteurtre étant l'un des rares auteurs à avoir réussi à me faire sourire et parfois rire par le passé (si vous n'avez pas lu L'Ordinateur du Paradis je recommande, certaine que ça n'a pas vieilli), je me réjouissais de ce nouvel opus. D'autant que le titre annonce une bonne dose de malice, conforme à ce que j'ai pu trouver dans certains de ses précédents ouvrages. Allez, j'ose le jeu de mots, ce fut pour moi un grand refroidissement. Une belle déception.
L'auteur met en scène un écrivain (pas très sympa, disons plutôt grincheux, un poil réac... je ne sais pas si c'est son double mais il ne se met pas en valeur) et les personnages d'histoires qui lui sont inspirées en réaction aux observations qu'il fait sur l'évolution de notre société. pourquoi pas, l'irruption de la fiction dans la réalité est un bon matériau romanesque. Il prend le contrepied de l'actualité, inverse les situations à commencer par le changement climatique. Là encore pourquoi pas, c'est aussi une façon de changer d'angle de vue et d'introduire de nouveaux modes de réflexion. le problème c'est que j'ai trouvé ces situations et les personnages qui les portent pleins de clichés et assez lourdingues (alors que justement j'avais apprécié la finesse des situations de ses précédents romans). Grossier en fait. Mais il y a pire. Car l'évocation d'une "rafle du VIIème arrondissement" (censée être drôle dans le contexte décrit) m'a hérissé les poils sur les bras ; de très mauvais goût (pour rester sobre) quand on sait à quelles images honteuses cela ramène. Je n'imagine pas qu'un éditeur n'ait pas au moins froncé les sourcils en lisant ces passages. Je ne sais pas à quel degré se situe l'humour dans ce texte mais c'est sans doute trop profond pour moi.
Bref, une grosse déception mais pas seulement car j'ai ressenti un vrai malaise à la lecture de certains passages qui m'ont semblé refléter des idées que je trouve malsaines et que je n'ai pas réussi à discerner comme ironiques ou humoristiques.

Vieux cons des neiges d'antan.
Si comme le chantait le Saint Georges à moustache, le temps ne fait rien à l'affaire, Benoit Duteurtre fait dans ce roman un clin d'oeil aux nostalgiques de la météo de la veille et aux lanceurs d'oeillades dans le rétroviseur.
Le fils spirituel de Marcel Aymé imagine un soudain renversement de la courbe des températures et un retour à la tempérance du climat des années 60. le fond de l'air est frais mais ça fleure bon le bon vieux temps. Cette fin soudaine de la crise climatique et ce retour des pulls noués sur les épaules réinterrogent forcément les peurs du lendemain. Faut-il lever le « camps du progrès » ? Faut-il se comporter à nouveau avec notre planète comme un touriste français devant un buffet à volonté ?
Le romancier fait le pari assez utopique que la modération du climat s'accompagnerait aussi d'une pondération des comportements et des clivages qui portent à ébullition la société. Pas de retour en arrière mais pas de fuite en avant. Nous sommes donc ici loin des dystopies actuelles aux vertus surtout contraceptives. Duteurtre aurait-il sombré dans la feel goodie ?
Non, le bonbon est bien acidulé et dans le récit s'incruste le journal intime d'un écrivain grognon, qui ressemble comme deux gouttes d'eau bénite à l'auteur. le pisse-froid s'agace d'à peu près tout, de la disparition des bibliothèques dans le brouillard des sombres nuages du Cloud, des voyages en train perturbés par des contrôleurs dont le zèle rappelle celui des vendeurs des boutiques Nespresso ou encore de la quarantaine des fumeurs sur les balcons pendant les dîners. Autant d'humeurs qui font aussi échos à certaines de mes allergies de quinqua.
Si j'ai retrouvé avec plaisir le ton sarcastique de Benoît Duteurtre, le récit souffre de cette compilation de scénettes décousues, comme piochées dans un carnet de notes et de souvenirs. Un herbier parfois un peu jauni pour un roman rapiécé d'étoffes bigarrées. Un récit hybride composé de nouvelles qui permettent un tri sélectif mais qui gâchent un peu la trame initiale plutôt affriolante.
Certains chapitres (ou courtes nouvelles donc !) sont particulièrement réussis comme le très provoquant « La rafle des beaux quartiers » qui raconte la condamnation d'une jeune femme bourgeoise à serre-tête à des TIG dans une cité ou « Aimer et mourir » qui décrit le naufrage bouleversant d'une épouse dans l'alcool par son mari impuissant. Je trouve que cet auteur n'est jamais aussi bon que lorsqu'il dépasse ses élans franchouillards pour franchir la douane de l'intime.
Duteurtre, Ravalec, Beigbedder et d'autres publient à tour de rôle des romans dont l'ironie chantonne la rengaine « c'était mieux avant », passant à table du côté des enfants rebelles à celui des aînés nostalgiques lors de repas de famille. Ils rejoignent les ronds de serviette, sauvés par des brins de fantaisie. Moi aussi.
Réécouter Brassens.

Pour avoir lu plusieurs ouvrages de lui, j'adore Benoit Dutertre, son érudition, sa capacité à sentir son époque, son rejet de la musique contemporaine en tant que secte (même si je ne partage ses goûts musicaux). Il vient de rater l'Académie française (en même temps que Beigbeder, dommage dans les deux cas pour la fraîcheur de notre vie culturelle). Cet ouvrage a évidemment été conseillé par l'ami Ruquier, qui est lui aussi un grand fan de Dutertre. Pour le reste, ça se lit vite, et Dutertre exprime toute sa réserve sur notre société contemporaine, avec ironie et humour. Bon, le problème c'est qu'il avait fait un peu la même chose dans ma vie extraordinaire et on tourne un peu en rond dans toutes ses histoires, qui manient dystopie et récit de son quotidien. Je dois dire que je partage 100% de ses convictions. En le lisant, je me souvenais de mes cours d'histoire de jeunesse et je me souvenais qu'à l'époque je n'imaginais pas une seconde que la société américaine ait pu accepter un phénomène tel que le McCarthysme, je pensais que mes cours exagéraient, les profs étant souvent de gauche. Et bien nous sommes en plein McCarthysme écologiste et féministe et Dutertre, comme Giesbert, comme Beigbeder, sont les hussards de ce combat. Ils sont peu nombreux, minoritaires, mais il reste à écrire le Grand livre de notre époque plutôt que des anecdotes sympathiques qui ne nous emmènent pas très loin.

Dans un assemblage de notes et de nouvelles où apparaissent des personnages récurrents, pour la plupart, caricaturaux, Benoît Duteurtre s'amuse à imaginer ce que serait son pays dans une période où contrairement à toutes les prévisions, un rafraîchissement durable se serait installé. Cette évolution paradoxale permet à Duteurtre, amoureux du passé et des traditions, de tailler des croupières au « politiquement correct » et aux préoccupations écologiques, jugées dépassées.
Si le fond de sa pensée peut prêter à discussion, sa forme est assez réjouissante. Dutreurtre a le sens de la caricature et ne manque pas d'humour. Dans une nouvelle, une femme BCBG vivant dans un quartier huppé, est condamnée à des travaux d'intérêt général, pour avoir traversé hors d'un passage protégé lors de la « rafle des beaux-quartiers » et s'adapte comme un charme au quartier sensible dans lequel elle purge sa peine : c'est réussi et très amusant.
Derrière la posture politique qui tourne en dérision l'empathie et le wokisme, il y a de bonnes histoires et une plume alerte.

L'idée était bonne, j avais opté pour ce livre de Benoît Duteurtre que je connais pas, le propos de " le grand rafraîchissement" m 'intéressait MAIS...d'abord désolé mais ce type ne sait pas écrire ! Après avoir lu Joyce Carole Oates et Nicolas Mathieu dont les plumes sont des plus subtiles, on tombe ici dans la bassesse littéraire. Concernant le fond, je pensais, et j en étais réjoui, être tombé sur une oeuvre humoristique afin de prendre un peu de légèreté avec le réchauffement climatique anxiogène et....je suis tombé sur un propos lourdingue qui frôle souvent avec un racisme ambient...Livre pourtant recommandé par les critiques littéraire du Figaro et de Marianne...l' ont-ils seulement lu???
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