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Citations de Bernard Fauconnier (135)


Ce n’est pas une famille ordinaire : les Brunsvik. Il les rencontre en mai 1799. Vieille lignée aristocratique de Hongrie, de la fortune, des passions intellectuelles et artistiques. Le père, Antoine II, comte de Brunsvik, est mort prématurément en 1793, après avoir élevé ses enfants dans le culte des héros de l’indépendance américaine. Anna, la comtesse, absorbée par la gestion des domaines familiaux, veille de loin sur la fratrie : trois filles, Thérèse, Joséphine et Charlotte, et un garçon, Franz.
Ils sont à Vienne pour un court séjour de trois semaines. La comtesse, femme de caractère et d’autorité, a organisé ce voyage avec en tête le projet de marier ses filles Thérèse et Joséphine, en âge de convoler. Mais il est des rencontres brèves dont naissent des amitiés pour toute une vie. À Bonn, les Breuning ont été pour le jeune Ludwig une seconde famille. À Vienne, les Brunsvik joueront ce rôle. Dès leur arrivée, la comtesse a souhaité rencontrer ce Beethoven, le prodige du piano dont tout le monde parle, pour faire donner des leçons à ses enfants. L’aînée, Thérèse, qui souffre d’une légère disgrâce physique, est passionnée de littérature et de musique. Elle a raconté de façon charmante (et peu modeste) ce séjour à Vienne et la rencontre de la petite bande avec Beethoven, qui se montre assidu aux leçons et les prolonge même avec plaisir : (...).

Une nouvelle famille
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Beethoven a des amis à Vienne. Mais qui sont ses rivaux ? Pour la virtuosité pianistique, la cause est entendue : personne. Mais pour la composition ? Il n’est certes pas, à Vienne, le seul candidat à la succession de Mozart, bientôt à celle d’un Haydn vieillissant, que Ludwig surveille du coin de l’œil en rêvant de surpasser sa gloire. Un pianiste anglais d’origine italienne, Muzio Clementi, incontestable virtuose et habile compositeur, semble un temps susceptible de lui faire de l’ombre. Les deux hommes se croisent quelquefois, se saluent sans se parler.

Amours, amitiés
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En très peu de temps, à Vienne, Beethoven devient la coqueluche de l’aristocratie. Depuis la mort de Mozart, qu’il a si mal traité, le public se cherche un nouveau héros. Ce jeune pianiste brillant, au tempérament de feu et au physique étrange, arrive à point nommé. Il lui faudra toutefois attendre le 29 mars 1795 pour donner son premier grand concert public, soit plus de deux ans après son arrivée à Vienne. En attendant, il fait le bonheur des salons de l’aristocratie où ses talents sont appréciés au plus haut point. Il est reçu dans les grandes familles, les Lichnowsky, les Razoumovski, les Lobkovitz, les Liechtenstein, des noms qui nous sont encore familiers, mais seulement parce qu’ils ont été les dédicataires de ses œuvres… Le prince de Lichnowsky est son ange gardien : il le loge dans sa maison, assure sa renommée auprès des gens qui comptent à Vienne, encourage ses travaux de composition en les jouant lui-même au piano. Sa femme, la princesse Christine, se révèle une hôtesse empressée mais quelque peu encombrante. « Il s’en est fallu de peu, dira Beethoven à Schindler, que la princesse ne me mette sous un globe de verre, afin que nul indigne ne me touche ou ne m’effleure de son souffle. »

Papa Haydn
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Voici Beethoven à Vienne, et pour toute sa vie, ce qu’il est loin d’imaginer, pensant retourner à Bonn une fois ses études terminées. Ville somptueuse en effet, ville charmante – ville odieuse aussi, infestée d’espions et de délateurs à la solde de l’empereur, bientôt capitale de la valse et du kitsch sirupeux. De la psychanalyse également, ce qui n’est pas un hasard, l’inconscient viennois offrant à l’analyse une mine inépuisable de refoulements divers.

Papa Haydn
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Le 1er novembre 1792, Beethoven part pour Vienne. Il a vingt-deux ans, croit toujours n’en avoir que vingt. Il laisse derrière lui un père à bout de forces, deux frères à l’avenir incertain, une jeunesse difficile, marquée par la violence paternelle, mais illuminée aussi de belles rencontres. À Bonn se sont ancrés son amour indéfectible de la musique, sa vocation, ses premières émotions amoureuses, son caractère mélancolique et enthousiaste, volontaire et rêveur. Devant le Rhin majestueux, dans cette nature aimable et puissante, il a puisé le sentiment profond de la réalité du monde et de ses forces telluriques, il a conçu le désir d’être aimé pour sa musique, de devenir par le travail, la vertu, le don de soi à ses frères humains, ce que son père n’a pas su être : un grand artiste.

Papa Haydn
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Beethoven (...) lit avec avidité. Les idées nouvelles lui sont familières. L’influence de Neefe, franc-maçon, libre-penseur, a marqué son adolescence : Neefe appartient même à la branche la plus radicale de la franc-maçonnerie, celle des Illuminés de Bavière, dissoute à Bonn en 1784, suite à son interdiction en Bavière, et remplacée par une « Société de lecture » (Lesegesellschaft) qui compte une centaine de membres. Cette société n’a rien d’une officine de contestation : la fine fleur de l’aristocratie en fait partie, dont le comte Waldstein, et aussi de proches amis de Beethoven. Mais les idées défendues par ces Illuminés (qu’il faut se garder de confondre avec les Illuministes, fervents de l’ésotérisme) sont toujours vivaces : progressisme, fraternité, religion de l’homme, foi en la raison – et un anticléricalisme qui va laisser des traces chez Beethoven. Issu d’une famille catholique pratiquante, sa religion intime sera davantage tournée vers une spiritualité dominée par la figure d’un Christ très humain, qu’attachée à une stricte observance des dogmes.

un jeune homme en cour
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Le très jeune Ludwig éprouva-t-il, pour cette dame accueillante et enjouée, un peu plus que de l’affection filiale ? Il a douze ans. La rudesse de sa vie familiale, la violence de son père l’ont mûri. Il commence à éprouver les premières émotions du désir, et d’une vie amoureuse qui restera longtemps, et aujourd’hui encore, l’un des mystères de sa vie.

Une ténébreuse enfance
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Grâce à Wegeler, Ludwig va trouver un second foyer au sein duquel ses dons exceptionnels s’épanouiront plus harmonieusement, dans une atmosphère chaleureuse et éclairée.
Il s’agit de la famille Breuning. C’est Wegeler lui-même qui décrit, peut-être en les idéalisant un peu, ces êtres aisés, évolués, passionnément attirés par les choses de l’esprit et de l’art :
 
[La famille] se composait de la mère, veuve du conseiller aulique électoral von Breuning, de trois fils, à peu près de l’âge de Beethoven, et d’une fille. Le plus jeune fils reçut, ainsi que sa sœur, des leçons de Beethoven […]. Il régnait dans cette maison, avec toute la vivacité de la jeunesse, un ton de bonne éducation sans raideur. Christophe von Breuning s’essaya de bonne heure à de petites poésies ; Stéphane von Breuning l’imita beaucoup plus tard, mais non sans succès. Les amis de la maison se distinguaient par une conversation qui unissait l’utile à l’agréable.

Une ténébreuse enfance
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Neefe est aussi chef d’orchestre du théâtre de la Cour. Il trouve à son élève un emploi modeste mais utile : l’accompagnement au clavecin pendant les répétitions, ce qui permet à Ludwig de se familiariser avec le répertoire et d’enrichir sa culture musicale et théâtrale. C’est ainsi qu’il fait connaissance avec les pièces de Shakespeare, Othello, Richard III, Le Roi Lear ; avec celles du jeune Schiller, dont on joue Les Brigands. Ces deux poètes demeureront toute sa vie l’alpha et l’oméga de ses passions littéraires : c’est L’Ode à la joie du second qu’il choisira dans le final de la Neuvième Symphonie.

Une ténébreuse enfance
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Neefe développe une théorie originale : les phénomènes musicaux sont étroitement liés à la vie psychologique et doivent la prendre pour base. Il sait endiguer l’impétuosité de Ludwig et se montrer un professeur exigeant : il le met à l’étude du Clavier bien tempéré de Bach, ainsi que des sonates de son fils Carl Philipp Emanuel, école de rigueur et de science dans l’art de la fugue et du contrepoint.

Une ténébreuse enfance
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Dans ce creuset musical et culturel, il manque au talent encore en friche du jeune Beethoven un mentor, un guide respecté qui saura lui montrer la voie. L’éducation musicale décisive, il commence à la recevoir l’année suivante, en 1882. Il a douze ans. Le nouvel organiste de la cour, Christian Gottlieb Neefe, s’attache au jeune garçon, dont il perçoit vite les promesses immenses. Neefe est un musicien passionné, à défaut d’être techniquement très compétent, et aussi un homme cultivé qui saura transmettre à Ludwig un peu de son goût pour les beautés littéraires et la poésie.

Une ténébreuse enfance
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En musique instrumentale, Bonn, idéalement située entre l’Allemagne, la France et la Hollande, reçoit de l’Europe entière une manne musicale de qualité. Les noms, un peu oubliés aujourd’hui, de Eichner, Holzbauer, Johann Stamitz, sont familiers au public cultivé de Bonn, de même que ceux des Autrichiens Dittersdorf, Haydn, Vanhal, ou des Français Gambini ou Gossec. À l’opéra, on joue des représentations, traduites en allemand, d’œuvres de Cimarosa ou Salieri, tandis que le théâtre de la Cour propose des pièces de Molière, de Goldoni, de Voltaire, de Shakespeare, avec celles de Lessing ou Schiller.

Une ténébreuse enfance
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Les leçons de Pfeiffer ne durent que quelques mois. Le musicien bohème quitte Bonn et disparaît de la vie de Ludwig en 1780, remplacé par d’autres maîtres : une éducation hasardeuse, brouillonne, des études vite interrompues : c’est pourtant sur ce socle fragile que vont se développer les balbutiements du génie musical de ce garçon taciturne, timide, brutal, négligé dans sa tenue, au point que chacun à l’école le croit orphelin de mère, et qui ne laissera jamais d’impression marquante sur ses jeunes condisciples.

Une ténébreuse enfance
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(...) pendant quelques mois, au cours de l’année 1779, un étrange personnage va entrer dans la vie du jeune Ludwig.
Il s’appelle Tobias Pfeiffer. C’est un musicien ambulant qui parcourt l’Allemagne en proposant ses talents dans les cours ou chez les particuliers fortunés. Et du talent, il en possède à revendre : claveciniste, hautboïste, il a posé pour un temps ses maigres bagages à Bonn et s’est fait engager dans l’orchestre. Ce vagabond artiste, qui semble tout droit sorti des contes d’Hoffmann, devient donc le collègue de Johann. Les deux hommes se lient d’amitié, à tel point que Johann van Beethoven invite Pfeiffer à demeurer chez lui : il a trouvé un compagnon de cabaret, car Tobias apprécie grandement les vins du Rhin. Il décèle également les capacités musicales hors normes de Ludwig. Compétent et habile pédagogue, il s’institue son professeur. Un professeur peu académique, fantasque, et souvent ivre lui aussi, comme l’atteste ce témoignage du violoncelliste Mäurer :
 
Pfeiffer […] fut prié de donner des leçons à Ludwig. Mais il n’y avait pas d’heure fixée pour cela ; souvent, quand Pfeiffer avait bu dans un débit de vin, avec le père de Beethoven, jusqu’à onze heures ou minuit, il revenait avec lui à la maison où Ludwig était couché et dormait ; le père le secouait violemment, l’enfant se levait en pleurant, se mettait au clavier, et Pfeiffer restait assis à côté de lui jusqu’au petit matin, car il reconnaissait son talent extraordinaire.

Une ténébreuse enfance
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Dès l’âge de trois ou quatre ans, Ludwig est contraint par Johann de s’asseoir au clavier pour commencer son apprentissage. La mode est aux enfants prodiges. La célébrité de Mozart, dont la gloire juvénile a ébloui l’Europe quelques années auparavant, a fait des émules. Johann lui-même, enfant, a été présenté par son propre père à des concerts publics, avec des succès modestes. Un enfant prodige dans une famille peut être la garantie de revenus substantiels. Johann décèle vite chez son aîné des dons hors du commun, et un goût passionné pour la musique et les instruments. C’est pourquoi il décide d’accélérer son apprentissage. Non sans le rudoyer. Car il a la main lourde, Johann, surtout quand il entreprend de s’occuper de son prodige de fils au sortir de la taverne, où il s’enivre de plus en plus souvent. Telle est l’enfance de Ludwig : un mélange d’attrait fasciné pour la musique et de brutalité paternelle. Johann n’est pas un grand pédagogue au contraire de Leopold Mozart. L’ivrognerie, la cupidité en font un maître de musique irascible et impatient. Mais l’idée d’exhiber son fils en public fait son chemin : il falsifie même la date de naissance de Ludwig, le rajeunissant de deux ans. Longtemps le compositeur vivra dans la certitude qu’il est né en 1772 et non en 1770…

Une ténébreuse enfance
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Depuis deux générations, les Beethoven vivent de leurs activités musicales. Johann, qui a appris la musique par son père, a complété sa formation de chanteur à la chapelle électorale. Musicien de cour à seize ans, ses talents n’égalant sans doute pas ceux de son père, il n’est pas choisi pour lui succéder comme maître de chapelle, et cet échec initial l’enferme dans son personnage de raté s’adonnant très vite à la boisson.

Une ténébreuse enfance
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Les détails évoquant son enfance sont rares. L’image la plus constante, corroborée par quelques témoignages, notamment du boulanger Fischer, est celle d’un garçon turbulent, peu soigné, jouant au bord du Rhin ou dans les jardins du château de Bonn avec ses frères, sous la surveillance distraite de quelque servante. Ludwig va peu à l’école, son père prétendant qu’il n’y apprend rien : il a d’autres ambitions pour son fils. De cette éducation imparfaite et très lacunaire, Ludwig gardera des séquelles toute sa vie : orthographe déficiente, arithmétique laborieuse, n’excédant guère la capacité à réaliser des additions…(...) Une question demeure cependant : comment ce piètre mathématicien parvint-il à acquérir une telle maîtrise dans cet art si mathématique qu’est la musique ?

Une ténébreuse enfance
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Du mariage entre Johann et Maria Magdalena naîtront sept enfants. Trois parviendront à l’âge adulte. Ludwig est le deuxième enfant du couple : le premier est mort l’année précédente, à l’âge de quatre jours. Il se prénommait également Ludwig. Beethoven eut-il l’impression, au cours de son enfance, d’être le « remplaçant » d’un frère mort ? On sait quels troubles affectifs durables une telle situation peut occasionner.

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Cette ascendance peu flatteuse fit naturellement naître des soupçons sur l’identité du père de Beethoven. (...)
Se pouvait-il que pareil génie eût été engendré par de si médiocres géniteurs ? Plus tard, quand Beethoven sera célèbre, on fera courir le bruit qu’il est peut-être le fils naturel du roi de Prusse, Frédéric II, lequel, comme on sait, se piquait de musique. On se demande bien par quel prodige le roi de Prusse aurait pu s’arrêter un jour à Bonn pour féconder la douce, la modeste Maria Magdalena : ainsi vont les légendes.

Une ténébreuse enfance
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Formé à la musique par son père, Johann commence sa vie passablement. En 1767, malgré l’opposition farouche de Ludwig l’ancien qui crie à la mésalliance, il épouse Maria Magdalena Keverich, fille d’un chef cuisinier de l’Électeur de Trèves, déjà veuve à vingt ans d’un valet de chambre du même électeur, épousé dès l’âge de seize ans. Ludwig fulmine : une fille de cuisinier, quelle honte ! Johann s’entête : c’est sans doute l’une des rares manifestations de volonté dans une vie qui va se déliter lamentablement, à coups de saouleries dans les tavernes. Ludwig refuse d’assister à la noce. Puis, comme il a bon cœur, il finit par accorder au jeune couple une tardive bénédiction. Car Maria Magdalena est une personne estimable, douce, généreuse, patiente, profondément mélancolique.

Une ténébreuse enfance
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