La réaction chargée d'émotion de Bernard HOUSSEAU qui vient de recevoir le prix Chronos de littérature 2020 pour son ouvrage : La Jeune fille et le Fleuve
Jeune, on se sent immortel, même si la mort peut vous toucher, c'est toujours l'affaire des autres. Vieillir, c'est la même chose et c'est heureux, car sinon la vie ne serait qu'une angoisse. Vieillir ne s'apprend pas, mais ça vient peu à peu, sans bruit, sournoisement. Bien sûr, on s'y attend un peu depuis le temps qu'on en parle, en plaisant au début, au début seulement. Un jour, on ne sait même plus voir des formes dans les nuages et on ne s'en est pas rendu compte.
Armand avait voulu que je fasse les rames ! Moi !
J'avais jamais touché un outil de ma vie ni un bout de bois. Les meubles chez moi c'est que du toc récupéré chez Emmaüs ! [...]
Mais devant ce bout de bois, je me suis bien demandé ce que j'allais en faire. Alors, il m'a montré et je l'ai raboté. Oui, moi ! Avec mes petites mains de fille qui n'avait jamais fait que le service en salle, le ménage ou la plonge. Moi, j'ai raboté cette planche ! Puis il m'a fait dessiner le profil de la rame. Ensuite je l'ai découpée à la scie à ruban. Ça coupe vachement bien, ce truc, t'as pas intérêt à y mettre les doigts ! J'avais un peu la trouille au début, mais Armand était derrière moi, il me donnait des conseils, "ne pousse pas trop fort", disait-il, "si la lame est bien affûtée, c'est elle qui demande le bois." J'ai poussé pas trop fort, j'ai laissé la lame faire son travail, j'essayais de suivre le trait le plus près possible, c'est pas si facile. La seconde, je l'ai coupée toute seule. Je suis un peu fière.
Après ça, elle ressemblait pas vraiment à une rame, beaucoup trop épaisse, et puis le manche carré, pas agréable... Alors avec une plane, Armand me l'a fait dégrossir pour le rendre cylindrique.
- Quand j'étais gamine, une jeune femme venait dans nos quartiers avec des livres. Elle s'asseyait par terre avec nous et nous lisait des histoires. On appelait ça "la bibliothèque de rue". Je venais à chaque fois qu'elle était là. Quand elle ne venait pas, j'étais toujours déçue. Alors j'ai appris à lire pour lui faire plaisir peut-être, pour être comme elle sûrement. Et lorsque j'ai commencé à me débrouiller, elle m'a demandé de lire pour les autres, j'étais très fière. Ses livres, ils étaient très beaux, et elle, je la trouvais gentille et très jolie, j'étais toute gosse !
Il est des jours où tout se bouscule, des jours pour se réveiller, comme d'un long somme, des jours où on se dit qu'on a trop attendu. Des jours qui, la plupart du temps, n'arrivent jamais.
Mais quoi de plus important pour faire avancer le monde que de trouver quelqu'un avec qui parler, quelqu'un de différent, mais riche d'humanité.
Je vois la vie dans cette masse mouvante: microscopique plancton, crevettes aveugles; et alors que nous descendions vers ce noir absolu, cette plénitude, un chant miraculeux fit résonner l'immensité,vibrer l'esquif et son passager, une présence à nos côtés, un souffle, un remous: le chant des baleines.
Nos combats contre les éléments, contre nous-mêmes pour ne pas se soumettre, pour ne pas abandonner, je le sais maintenant, c'était la vie simplement.
Il lâcha ses outils. La clarté du jour naissant donnait au brouillard une couleur laiteuse. Dans la fenêtre, la silhouette du hêtre apparut lorsqu'une nappe de brume s'étira. L'image fugitive s'évanouit.
Robert sentit comme une invitation à venir. Il hésita, ne voulant pas céder à cette force qui l'affaiblissait.
Je vois la vie dans cette masse mouvante: microscopique plancton, crevettes aveugles; et alors que nous descendions vers ce noir absolu, cette plénitude, un chant miraculeux fit résonner l'immensité,vibrer l'esquif et son passager, une présence à nos côtés, un souffle, un remous: le chant des baleines.