Citations de Blandine Bergeret (64)
Des motifs géométriques bruns et orangés ornaient le salon. Des arabesques psychédéliques dans les chambres. Des méandres extatiques jaunes et bleus pour la cuisine.
Je ne voulais plus de cette décennie flamboyante aux tonalités acidulées. Chargée. Voire surchargée. J’aspirais à un environnement apaisant. Je voulais du blanc. De la luminosité. De la clarté. Un espace vierge de décoration, de tableaux et autres bibelots. J'avais besoin d'horizons immaculés. De perspectives épurées. De simplicité. De légèreté.
Le cancer est une souffrance
D'une violence inouïe
Envahissante et lancinante
Je suis en mode survie
Depuis un an ou deux, je sentais les prémices de l'adolescence se préciser. Des mimiques typiques. Les yeux au ciel. Un soupir à mes mots. Des échanges par onomatopées. Cloitré dans ta grotte, la porte hermétiquement fermée.
(p.213)
Laurent avait été clair. Si je partais, il me coupait les vivres.
S’il me coupe les vivres, je serai sans ressource.
Si je suis sans ressource, je serai déclarée inapte.
Si je suis déclarée inapte, je perdrai leur garde.
Plutôt que d’affronter ma peine, d’accepter ma tristesse, j’ai comblé le trou béant de leur disparition. Uniquement des grands crus. Ceux entreposés à la cave, que j’avais décidé de vider. Peu importait le millésime, mon objectif n’était pas de parfaire ma connaissance des Bourgogne, de les laisser maturer pour les déguster. Je voulais rester ivre. Cesser de gamberger. Ne plus avoir les idées claires. Lorsqu’elles l’étaient, je me noyais.
Plutôt que d’affronter ma peine, d’accepter ma tristesse, j’ai comblé le trou béant de leur disparition. En buvant. Comme un trou. Uniquement des grands crus. Ceux entreposés à la cave, que j’avais décidé de vider. Peu importait le millésime, mon objectif n’était pas de parfaire ma connaissance des Bourgogne, de les laisser maturer pour les déguster. Je voulais rester ivre. Cesser de gamberger. Ne plus avoir les idées claires. Lorsqu’elles l’étaient, je me noyais.
Sophie
Moins dix kilos cinq
La perte de poids suit son inexorable chemin
Les vêtements flottent telle une voile au vent
Affrontant une tempête qui se déchaîne
Aux vagues déferlantes
Brutales et violentes
(p. 219)
Le crabe choisit ses proies sans tenir compte de l’âge.
Sournois,tapi dans I'ombre comme un nuisible, silencieux, qui œuvre et prolifère.
Quand it tient sa victime, peu de chance qu'elle lui échappe.
Elle s’accroche la bête, tel un morpion ou une tique, qui se nourrit du sang de son souffre-douleur.
C’est ainsi que j’ai élevé les miens, dans le respect, l’obéissance et le silence. Les adultes pouvaient ainsi échanger calmement et s’entendre converser. J’ai malgré tout fait l’impasse sur les grâces, Louis n’aurait pas supporté. Mais avec nos parents, nous n’avions pas le choix. La prière avant le souper était notre devoir, l’occasion d’implorer la bénédiction du Tout-Puissant pour notre pain quotidien et celui des pauvres.
Madeleine
Interview de Blandine Bergeret :
https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2021/02/interview-de-blandine-bergeret-auteur.html
Deux syllabes
Courtes
Coupantes
Et tranchantes
Telle la lame d’un couteau
CANCER
J’imagine un cancrelat, mi-cafard, mi-araignée
Un monstre malveillant, qui grignote l’intérieur du crâne
A l'instar de l'histoire de Sarah, récupérée un jour de pluie ,dégoulinante de larmes et tremblante de peur ,une étoile jaune sur son paletot.Réfugiée dans une ruelle ,son père venait d'être emmené manu militari par les nazis et la maman ,ayant assisté à la scène, l'avait pris sous son aile.Je n'avais pas apprécié sa venue dans le giron familial, réaction motivé par mon estomac qui criait famine.Une bouche supplémentaire à nourrir,celle qui allait voler mon pain,n'avait heureusement pas fait long feu.Le soir venu,j'avais écouté derrière les cloisons fines de nos murs les conciliabules entre les grands,qui m'avaient effrayée. Des mots happés à la volée : fâcheux risqué, dangereux,dont je n'avais alors pas saisi le sens,me questionnant sur ce qu'une fillette d'un mètre vingt avait bien pu commettre pour monopoliser ainsi l'attention.Après des délibérations nocturnes entre mes parents ,ils avaient convenu de la remettre à un proche de la famille,le curé du quartier.Je n'ai jamais su ce qu'il était advenu de cette petite,mais ce n'est que plus tard,que j'ai compris de quoi il retournait.(Page 127).
Les gouttes du mélange chimique s'écoulent dans les veines
Je les regarde, une à une, telle la pluie, remplir leur rôle
Nourrir la terre, la rendre fertile
L'irriguer d'un liquide bienfaiteur
Salvateur
Je ne me reconnais plus, je suis devenue une étrangère, flétrie et abîmée. Je n'aime pas ce que j’observe dans le miroir (…).
La peinture est délavée. Y compris mes yeux bleus qui s’éteignent, ordinaires et ternes.
J'ai longtemps cru que l'adaptabilité était ma force. J'entrevois avec tristesse que c'est finalement ma plus profonde faiblesse.
Maintenant que j'ai brisé les chaînes, je réalise que je croupissais dans le déni.
Page 71
Une âme sensible protégée d'une cotte de mailles et d'une armure sans fissure, masquée derrière des principes et des valeurs inflexibles. Intransigeante avec les siens. Quand on veut tout gérer, je crois qu'à l'origine, il y a une peur. Celle de perdre le contrôle. De ne pas être respecté. De ne pas tout maitriser. Celle de ne pas avoir sa place. Reconnue et valorisée.
Malgré la faible lumière, je me jette à l’eau. Le ventre vide, nue, je descends les marches qui me séparent du littoral. Glaciale, elle me transperce l’épine dorsale, mord impunément mes jambes, griffant mon ventre et mes seins. Mes épaules et ma nuque se contractent, ma respiration s’accélère, je sais que ma tête va imploser lorsque je vais la plonger dans la mer. Sans ménagement, sans appréhension.
L’impression d’être vivante.
Je ne sais pas si ce rituel me permet de renaître ou si au contraire, je cherche un moyen de mourir.
Une manière de fuir.
EPILOGUE
Que penser de ces instants de joie,de petits plaisirs de la vie ou de ces intenses moments de bonheur qui se terminent en queue de poisson .
Ou pas.
(...) personne, de l’ado ipodé au cadre iphoné ne se soucie de moi.