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Citations de Bret Easton Ellis (356)


Durant l’été 2015 quelque chose a commencé à me distraire, quelque chose de curieux se produisait, quelque chose qui n’avait pas l’air juste : les journaux grand public que j’avais lus et en qui j’avais eu en grande partie confiance pendant toute ma vie d’adulte, des institutions traditionnelles comme le New York Times et CNN, ne couvraient plus ce qui me faisait l’effet d’être une réalité mouvante. La disparité entre ce que je voyais sur le terrain – à travers les réseaux sociaux et d’autres sources d’information, et tout simplement grâce à mes yeux et mes oreilles – et ce que les organisations grand public couvraient est devenue une évidence absolue, comme jamais auparavant. Soudain, j’ai prêté attention à une campagne présidentielle, ce qui était – historiquement – quelque chose que je n’avais jamais fait. Et c’est à cause de la façon dont les médias, avec une ignorance extrême, avaient décidé de couvrir Trump. Un farceur venait de faire son apparition – un perturbateur bien réel – et la presse était déconcertée. Le perturbateur ne suivait aucune règle, il n’obéissait pas au moindre protocole, il n’était pas un homme politique, il n’en avait rien à foutre. Il était comme le Joker dans The Dark Knight : Le Chevalier noir, ce qui le rendait si effrayant pour certains était le fait qu’il n’avait pas besoin (du moins apparemment) de l’argent de qui que ce soit et n’en demandait pas. Il insultait tout le monde et ses insultes les plus radicales s’adressaient à des hommes blancs, figures de l’establishment – pas seulement aux musulmans, aux femmes et aux Mexicains. La machine à insultes de Trump était dirigée contre tous ceux avec qui il avait des problèmes, et les Blancs y ont eu droit en premier et plus radicalement que les autres, toutefois les journalistes accrédités ont expliqué que ce n’était pas le cas. Trump incarnait l’antithèse emblématique de la fière supériorité morale de la gauche, définie à jamais par le commentaire de Clinton sur le « panier de gens lamentables », ainsi que par la remarque haletante et condescendante de Michelle Obama sur le fait que « lorsqu’ils s’abaissent, nous nous élevons » – toutes les deux approuvées par les médias traditionnels.
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Cette vaste épidémie de la victimisation de soi – qui vous pousse à vous définir vous-même essentiellement par le biais d’une chose mauvaise, un traumatisme qui a eu lieu dans le passé et que vous avez laissé vous définir – est en réalité une maladie. C’est quelque chose qu’il est nécessaire de résoudre afin de participer à la société, sans quoi on se fait du tort à soi-même, mais aussi on ennuie sérieusement famille et amis, voisins et inconnus qui ne se pensent pas en victimes. Le fait qu’on ne puisse écouter certaines plaisanteries ou voir des images spécifiques (un tableau ou même un tweet) et qu’on caractérise tout comme étant sexiste ou raciste (qu’il soit légitime ou non de le faire) et par conséquent blessant et intolérable – et donc personne ne devrait être capable de l’entendre ou de le voir, ou de le tolérer – est une manie d’un genre nouveau, une psychose que la culture a couvée. Ce délire encourage les gens à penser que la vie devrait être une douce utopie, conçue et construite pour leurs fragiles et exigeantes sensibilités, les encourage à rester à jamais des enfants dans un conte de fées saturé de bonnes intentions. Il est impossible pour un enfant ou un adolescent de dépasser certains traumatismes et certaines douleurs, mais pas nécessairement pour un adulte. La douleur peut être utile, car elle peut vous motiver et souvent vous fournir la matière pour le grand art, la grande musique et la grande littérature. Mais on dirait que plus personne ne veut apprendre des traumatismes passés, en naviguant à travers eux et en les examinant dans leur contexte, en s’efforçant de les comprendre, de les décomposer, de les apaiser et de passer à autre chose. Le faire peut être compliqué et demande beaucoup d’efforts, pourtant on pourrait penser que quelqu’un en proie à une telle souffrance essaierait de comprendre comment l’atténuer, quel qu’en soit le coût, au lieu de la balancer aux autres en espérant qu’ils vont automatiquement sympathiser avec vous et non reculer, en proie à l’irritation et au dégoût.
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Si vous êtes une personne blanche, intelligente, et qu’il vous arrive d’être à ce point traumatisé que vous vous définissez vous-même dans la conversation comme « victime rescapée », vous devriez entrer en contact avec le Centre National pour les Victimes et demander de l’aide. Si vous êtes un adulte blanc qui ne peut pas lire Shakespeare ou Melville, ou encore Toni Morrison parce que cela pourrait déclencher quelque chose de pénible et que ces textes pourraient nuire à votre espoir de vous définir par votre victimisation, vous avez besoin de voir un médecin, de vous plonger dans une thérapie par immersion ou de prendre des médicaments. Si vous sentez que vous subissez des « micro-agressions » lorsque quelqu’un vous demande d’où vous venez ou « Pouvez-vous m’aider avec mon problème de math ? », ou vous dit « Dieu vous bénisse » après que vous ayez éternué, ou encore quand un type ivre essaie de vous peloter pendant une fête à Noël, ou qu’un abruti en quête de sensations se frotte délibérément contre vous pendant que vous attendez le voiturier, ou que quelqu’un vous a simplement insulté, ou que le candidat pour lequel vous avez voté n’a pas été élu, et si vous considérez que c’est une sorte de manque de respect massif à l’échelle de la société, et si ça déclenche le truc en vous et que vous avez besoin d’un espace protégé, alors il vous faut chercher de l’aide auprès de professionnels. Si vous êtes affligé par un traumatisme qui s’est produit des années auparavant, et qu’il fait toujours partie de vous des années plus tard, vous êtes probablement toujours malade et vous avez besoin d’un traitement. Mais se poser en victime est comme une drogue – vous vous sentez délicieusement bien, vous obtenez tant d’attention de la part des autres, en fait cela vous définit, vous vous sentez en vie, et même important, alors que vous exhibez vos prétendues blessures afin que les gens puissent les lécher. Est-ce qu’elles n’ont pas un goût exquis ?
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On a touché le creux de la vague de la vie culturelle en 2015 avec l’effort concerté de deux cents membres au moins de PEN America, une organisation littéraire éminente dont font partie la plupart des écrivains, de ne pas accorder aux survivants du massacre de Charlie Hebdo à Paris la récompense nouvellement créée, le Freedom of Expression Courage Award. Tout le monde n’admire pas les dessins lubriques et les descentes en flammes du catholicisme, du judaïsme et de l’islam de cet hebdomadaire satirique (incluant des dessins obscènes sur Mahomet), mais il y a des gens qui aiment vraiment, d’autres qui sont offensés, et avant le massacre, il ne se vendait pas si bien que ça. Lorsque deux tueurs islamistes offensés sont entrés dans les bureaux de Charlie Hebdo en janvier et ont assassiné douze personnes aux cris de « Dieu est grand ! » et « Le prophète est vengé ! », les gens dans le monde entier ont été choqués, mais peut-être pas surpris – nous en étions là depuis un certain temps. Et il semblait approprié que PEN salue cette perte en décernant à Charlie Hebdo le prix de la liberté d’expression en mai, lors de son gala annuel à New York. Et cependant, il s’est trouvé un certain nombre d’écrivains américains pour minimiser cette tragédie par un récit sentimental, afin d’encourager le boycott de cette reconnaissance. Leur argument était que Charlie Hebdo se moquait de personnes déjà marginalisées et, en accordant cette récompense, PEN « valoriserait de façon sélective un contenu inapproprié : un contenu qui intensifie les sentiments anti-islamiques et anti-arabes, déjà répandus dans le monde occidental ». Ma réaction a été la même que celle que j’avais eue face à des sentiments semblables exprimés au cours des dernières années, si ce n’est qu’elle a été plus rapide et plus dure : qu’est-ce que ça peut foutre ? N’importe quel meurtre devrait-il être rationalisé sous prétexte que quelqu’un avait été offensé par la façon dont une opinion avait été exprimée ?
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Et cela a créé une anxiété supplémentaire et incessante : les gens qui se montraient sarcastiques envers cette génération étaient tout simplement dépréciés et considérés comme des connards – affaire classée. Aucune négativité tolérée : nous demandons seulement à être admirés dans la culture de l’étalage dans laquelle nous avons été élevés. Mais cette allégation est problématique puisqu’elle limite le débat. Si nous sommes tous réduits au silence en aimant tout – le rêve millénial –, n’allons-nous pas voir nos conversations (ennuyeuses) limitées au fait que tout est génial et au nombre de fois où nous avons été « likés » sur Instagram ? Au printemps 2014, leur site emblématique, Buzzfed, a annoncé qu’il ne laisserait plus circuler quoi que soit qui puisse être interprété comme « négatif » – et si cette idée ne cesse de s’étendre, que va devenir la conversation ? Cessera-t-elle d’exister ?
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[Aziz] Ansari explorait une histoire particulière – l’idée qu’il vaudrait peut-être mieux éviter à un groupe marginalisé d’être la cible de plaisanteries – et c’était pour moi problématique : était-ce vraiment un progrès que de marginaliser plus encore les gays en ne faisant aucune plaisanterie à leur sujet, en ne les mentionnant pas pendant qu’on charriait quelqu’un dans une émission censée se moquer de la personne honorée ? Mais, dans ce fantasme « inclusif », tout le monde doit être pareil, doit partager les mêmes valeurs, la même allure et le même sens de l’humour. La culture dominante ne cesse de le proposer encore et encore – jusqu’à quand ? Une idée réellement inclusive de la comédie devrait permettre à des types gay de se moquer d’autres gays et de qui bon leur semble, et à des types hétéros de se moquer des gays et de qui que ce soit d’autre. Si les plaisanteries gay sont exclues de l’équation, qu’est-ce qui sera exclu ensuite ? Et c’est la pente glissante, le labyrinthe dont personne ne sort, la chambre sombre dont la porte se referme rapidement derrière vous. Les types gay ont-ils besoin qu’un hétéro comme Ansari les défende ? Et que peut bien défendre Ansari dans une émission où on charrie les gens ? Y a-t-il désormais une nouvelle réglementation pour la comédie et la liberté d’expression ? Toutes les idées, opinions, tous les contenus et paroles devraient-ils être policés à présent ? Parfois, la comédie la plus drôle, la plus dangereuse, ne vous garantit pas que tout va bien se passer. L’exclusion et la marginalisation sont souvent ce qui fait que la plaisanterie est drôle. Parfois, l’identité de quelqu’un est le mot de la fin. Riez de tout ou vous finirez par ne plus rire de rien. Jeune écrivain en Irlande, James Joyce l’avait compris : « J’en suis venu à la conclusion que je ne peux pas écrire sans offenser des gens. »
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Ceux d’entre nous qui révèlent des failles et des inconsistances ou formulent des idées impopulaires deviennent terrifiants pour ceux qui sont pris dans le monde du conformisme d’entreprise et de censure qui rejette celui qui s’entête, celui qui est réfractaire, afin de mettre tous et chacun au diapason d’une harmonie inspirée par un idéal qui appartient à un autre.
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En effet, une entreprise décidait de ce qui serait ou ne serait pas permis, de ce qui serait ou ne serait pas lu, de ce qui pourrait ou ne pourrait pas être dit. La différence entre alors (1990) et maintenant étant qu’il y avait eu des discussions et des protestations retentissantes à ce sujet de chaque côté de la fracture : des gens avaient des opinions qui divergeaient, mais ils en débattaient de manière rationnelle, poussés par la passion et la logique. L’idée d’une censure d’entreprise n’était pas tout à fait acceptable à l’époque. Vous ne pouviez pas soutenir qu’une certaine émission de HBO n’aurait pas dû être écrite, au motif de son racisme supposé (mais non prouvé). Il n’y avait pas encore une chose comme le crime de pensée – qui est aujourd’hui une accusation quotidienne. Les gens s’écoutaient les uns les autres, et je me souviens d’un temps où vous pouviez avoir des vues très arrêtées et remettre en question les choses ouvertement, sans être considéré comme un « troll » et un ennemi à bannir du monde « civilisé », si vos conclusions s’avéraient différentes.
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Les films ont toujours décrit la souffrance, bien entendu, mais un nouveau type de souffrance fascine les publics contemporains qui s’y identifient complètement, et c’est celle qui est provoquée par la victimisation.
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[À propos du film Moonlight] : La presse de l’industrie du spectacle l’a porté aux nues non parce que c’était un grand film, mais parce qu’il avait coché toutes les cases de notre obsession du moment concernant la politique identitaire. Le personnage principal était gay, noir, pauvre, martyrisé et victime.
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C’est seulement au cours des dernières années, en commençant la tournée mondiale de mon livre, que j’ai faite à contrecœur en 2010, que j’ai admis être, à tant de niveaux différents, Patrick Bateman, du moins pendant que je travaillais sur le livre. Nous partagions une relation illusoire et distante au monde qui nous épouvantait, auquel nous voulions cependant tous les deux être connectés. Nous ressentions du dégoût pour la société qui nous avait créés, de même qu’une résistance à ce qu’on attendait de nous, et nous étions enragés à l’idée qu’il n’y avait nulle part où aller.
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Oui, nous étions des élèves de sixième et de cinquième face à une société où il n’existait aucun filtre parental. Tube8.com n’était pas à notre portée, les vidéos de fisting n’étaient pas disponibles sur nos téléphones, ni Cinquante nuances de Grey ou le gangster rap, ou les jeux vidéo violents, et le terrorisme n’avait pas encore atteint nos rivages, mais nous étions des enfants qui erraient dans un monde presque uniquement fait pour les adultes. Personne ne se souciait de ce que nous regardions ou pas, de ce que nous ressentions ou voulions, et le culte de la victimisation n’avait pas encore commencé à exercer sa fascination. C’était, en comparaison de ce qui est aujourd’hui acceptable et des enfants couvés dans l’impuissance, une époque d’innocence.
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C'est un autre rappel inquiétant du caractère désespéré, financièrement, de la situation des individus et du fait que le seul instrument dont ils disposent pour s'élever dans l'échelle économique est leur réputation étincelante d'optimisme avec sa fausse surface sans défaut - qui ne fait qu'ajouter à leur inquiétude incessante, leur besoin continuel d'être aimé, aimé, aimé. Ce que les gens semblent oublier dans ce miasme de faux narcissisme et dans notre nouvelle culture de l'étalage, c'est que l'autonomisation ne résulte pas du fait d'aimer ceci ou cela, mais plutôt du fait d'être fidèle à notre moi contradictoire et chaotique - qui implique en fait, parfois, de haïr.
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"Ça t'a pas gêné, la façon dont ils faisaient disparaître les personnages les uns après les autres sans la moindre raison ?" L'étudiant réfléchit une seconde puis dit : "un peu, mais ça se passe comme ça dans la réalité."
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Ni la culture populaire ni notre société ne fonctionnent plus comme ça, en permettant à un individu d'échouer de façon répétitive et de se remettre en selle, d'agir effrontément et parfois coupablement, sans présenter des excuses.
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S'il m'arrivait souvent de souhaiter que le monde soit différent, je savais aussi - et les films d'horreur aidaient à renforcer ce point - qu'il ne le serait jamais, compréhension qui, à son tour, m'a conduit à une sorte d'acceptation. Les films d'horreur facilitaient la transition d'une prétendue innocence de l'enfance vers la désillusion sans surprise de l'âge adulte, et ils servaient aussi à affiner mon sens de l'ironie.
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Si vous aviez lu le livre attentivement, vous saviez que l’appartement de l’Upper West Side, élégant et minimaliste, de Bateman avait une adresse imaginaire, et que cela avait toujours été pour moi une façon de suggérer que Bateman n’était pas nécessairement un narrateur fiable et qu’il était peut-être un fantôme, une idée, une résumé des valeurs de cette décennie particulière, filtré à travers ma propre sensibilité littéraire : riche, très bien habillé, invraisemblablement soigné, totalement isolé et rempli de rage, un mannequin, jeune, désorienté, espérant que quelqu’un, n’importe qui, le sauve de lui-même.
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Parce que, une fois que vous vous mettez à choisir comment les gens peuvent et ne peuvent pas s’exprimer, s’ouvre une porte qui donne sur une pièce très sombre dans la grande entreprise, depuis laquelle il est vraiment impossible de s’échapper. Peuvent-ils en échange policer vos pensées, puis vos sentiments et vos impulsions? Et à la fin, peuvent-ils policer vos rêves?
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Regarde comme le ciel est noir a dit l'écrivain. C'est moi qui l'ai fait comme ça.
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Mes yeux mettent longtemps à s’habituer à l’obscurité avant que je puisse distinguer le moindre visage. Il y a beaucoup de monde ce soir et la plupart des gamins qui attendent derrière ne pourront pas entrer. La sono diffuse « Tainted Love » à plein tube, la piste de danse est couverte de gens, presque tous sont jeunes, presque tous s’ennuient, presque tous essaient de montrer qu’ils s’amusent. 
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