Situé à Londres au début des années 60, les « Swinging Sixties », Bad Penny Blues est l’histoire de la traque d’un tueur en série qui cible les prostituées dans le West-end de Londres, melting-pot où se mêlent immigrés des îles Caraïbes et d’Irlande, artistes bohêmes, professionnels des media et même des pairs du royaume.
Carnaby Street devient le centre de la mode à Londres, et la décennie qui commence s’annonce pleine de promesses.
Pete Bradley est un jeune officier de police affecté comme stagiaire au CID (Criminal Investigation Department). Lors d’une patrouille, il découvre le cadavre d’une jeune femme, Roberta Clarke. Lors de son arrivée sur la scène de crime, l’inspecteur Bell est impressionné par son sens du détail et son esprit de synthèse de ce tout jeune policier.
Entre 1959 et 1965, le temps que va durer l’enquête, Pete Bradley aura toujours en mémoire la vision du pauvre corps de Roberta, dite Bobby, retrouvée au bord de la Tamise.
Dans le même temps, Stella, jeune créatrice de mode, commence à faire de terribles cauchemars, rêves qui semblent représenter les derniers instants de femmes assassinées. Elle sait que faire part de ses visions pourrait aider la police, mais qui la prendrait au sérieux ?
Au cours des années qui suivent, alors que sa vie professionnelle et sentimentale évolue, qu’elle se marie, que son travail de styliste est reconnu et enfin rentable, Stella continue à avoir ces cauchemars, qui se reproduisent au même rythme que les meurtres. Mais malgré des heures et des heures d’enquête et des milliers de témoignages, « Jack l’Effeuilleur » reste insaisissable.
Cathi Unsworth réalise une peinture très vivante du Londres des années 1960. C’est le Londres des Teddy boys, de la montée de l’immigration, d’une nouvelle ère de liberté où tout devient possible. C’est une période de renouveau, un bouillonnement d’énergie créatrice dans des domaines variés, de la mode, de la musique et des arts. Cette période est politiquement marquée par le scandale Profumo, du nom d’un premier ministre coupable d’avoir eu des relations avec une call-girl.
Dans ce roman gravitent toute une cohorte de personnages : patrons de boîte de nuit et truands, musiciens, artistes, policiers véreux, pairs du royaume adeptes de pratiques sexuelles extrêmes et, si j’ose m’exprimer ainsi, les prostituées, dernier maillon de la chaîne alimentaire. Celles-ci ne sont pas seulement des victimes, ce sont aussi des femmes avec des espoirs, des rêves d’une vie meilleure.
La narration, tendue, colle à la violence du sujet. Le récit alterne de façon binaire les points de vue de Pete et de Stella, ce qui contribue à lui conserver son rythme. Les nombreux personnages sont tous très bien dessinés, habités par leurs qualités, leurs défauts ou leurs perversions.
La bande-son d’une extrême richesse, porte la marque de l’auteure, par ailleurs critique de rock, illustrant chaque chapitre d’un titre de chanson de l’époque, tout comme le titre du roman.
Ce roman, fort bien documenté d’un point de vue historique, social, et musical, ravira tous ceux qui, comme moi ont grandi durant cette période et qui se sont abondamment nourris de toutes ces influences. Je termine tout de même ce roman avec une petite pointe de frustration, car j’avais deviné l’identité du méchant depuis quelques pages déjà.
En réalité, Jack the Stripper (Jack l’Effeuilleur), presque homonyme du tristement célèbre Jack the Ripper (Jack l’Éventreur) n’a jamais été identifié.
En conclusion, malgré le petit (mais alors, tout petit !) bémol que j’ai mentionné plus haut, ce roman reste une très bonne lecture.
Éditions Rivages/Noir, 2012
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