J’étais le garde-fou de millions d’individus prêts au pire pour ouvrir un Livre, consommer les sensations promises par la couverture. Ils se méfiaient ; je n’en dévorais aucun lorsqu’une occasion se présentait. Mais ils savaient qu’à tout moment, s’ils cédaient à la panique inspirée par un Livre Terreur ou aux larmes d’un Livre Chagrin, je leur arracherais le précieux objet des mains, interdisant la lecture jusqu’à nouvel ordre.
Les autres survivaient. Tête baissée, en silence. Ils attendaient que la maladie ou l’absence d’hygiène les emportent. Certains tentaient un casse, une grande aventure perdue d’avance, et descendaient manger les pissenlits par la racine plus tôt que prévu.